Notice sur la vie et les ouvrages de M. Ancelot (Joseph-Xavier Boniface SAINTINE)

Œuvres complètes de M. Ancelot précédée d’une notice sur sa vie et ses ouvrages par X. B. Saintine, Auguste Desrez, imprimeur-éditeur, Paris, 1838.

 

Il est incontestablement prouvé par l’expérience que chaque nouvelle forme politique entraîne avec elle, chez nous, une nouvelle forme littéraire. Il n’est pas une secousse, pas un mouvement monarchique ou révolutionnaire, qui ne modifie plus ou moins nos idées, et, par conséquent, la langue qui sert à les exprimer.

L’empire avait détruit la république des lettres, comme il avait renversé Gênes et Venise, les plus vieilles républiques de l’Europe. Les communications intellectuelles avec certains peuples se trouvaient interrompues, tout aussi bien que les relations commerciales, et l’Angleterre n’avait pas seule à souffrir d’un blocus continental. Alors, l’unité étant avant tout la loi de l’état, et la volonté du maître se montrant seule puissante, la littérature, enrégimentée comme le reste, réglementée, suant et soufflant sous l’uniforme, marchait au pas au profit de l’empire, qui lui traçait la route à suivre ; route droite, classique, correcte, régulièrement inspectée par des censeurs de toutes armes.

Les Bourbons revenus, les douaniers de la frontière laissèrent tout d’abord passer Goethe, Schiller, Kotzebue, Lessing, etc., comme plus tard Byron et Walter-Scott. On fraternisa, on germanisa ! Les Français, pour le théâtre, empruntèrent aux Allemands certaines formes naïves, certains types originaux, un développement plus étendu de l’action, et ils firent bien. Les Allemands empruntèrent aux Français la raison du drame, l’unité d’intérêt, la plus précieuse, la seule indispensable des trois unités, et ils firent encore mieux.

Le mouvement une fois donné, des mondes en sortirent ! Des mondes, c’est-à-dire des systèmes, des théories, des écoles. On se divisa d’abord en deux camps principaux. Il y eut la littérature de l’empire et la littérature de la restauration ; ceux qui voulaient rester Français, ceux qui voulaient se faire Allemands ; puis enfin, les classiques et les romantiques. Mais comme il s’en faut qu’on se soit jamais entendu sur ces vagues dénominations, le progrès aidant, les soldats d’un camp étaient incessamment repoussés dans l’autre ; les romantiques d’hier devenaient les classiques d’aujourd’hui. Ainsi, moi, tranquille témoin bien plus qu’acteur dans ces luttes incessantes, moi qui avais des amis dans les deux camps, en moins de douze ans, j’ai vu, du rivage, la vague romantique succéder à la vague romantique, et des générations de romantiques rejetées et fondues dans le classique universel. Voici mes preuves à l’appui. En 1820, les classiques étaient représentés, pour le théâtre s’entend, par MM. Étienne, Jouy, Arnault ; les romantiques, par MM. Soumet, Guiraud et Le Brun : en 1850, les classiques étaient MM. Le Brun, Guiraud, Soumet ; les romantiques, MM. Alexandre Dumas et Victor Hugo.

Tandis que les littératures de l’empire et de la restauration étaient ainsi aux prises, quelques jeunes talents isolés, et non encore sous le drapeau, remontèrent tranquillement vers le dix-septième siècle, pour y chercher leurs modèles. De ce nombre, et à la tête de ceux-là, fut M. Ancelot. Eût-il remonté jusqu’au seizième siècle, pour en rapporter cette langue si souple, si pittoresque, si naïve, que nous avons laissé perdre, et que Paul-Louis, seul de notre temps, accapara à son profit, qu’il n’en eût pas été plus blâmable. Pour trouver du nouveau, il ne s’agit pas toujours de marcher obstinément en avant ! Mais c’est de M. Ancelot qu’il s’agit dans cette note biographique, où nous n’avons nullement la prétention d’esquisser une vie entière, mais seulement de réveiller quelques souvenirs, de retracer quelques faits appartenant à son existence littéraire.

Notre vocation dépend souvent des circonstances au milieu desquelles nous nous trouvons dans notre enfance. Le père de M. Ancelot, homme d’esprit et de goût, habitant le Havre-de-Grace, et greffier du tribunal de commerce de cette ville, avait une prédilection tellement exclusive pour Racine, que l’on peut dire qu’il n’aimait en fait de poésie que celle de Racine, qu’il n’avait guère d’autre lecture que celle de Racine, enfin, qu’il n’était bibliomane qu’en faveur de Racine ! Car, le possédant depuis longtemps par cœur, et ne voulant cependant pas pour cela renoncer au plaisir de le lire, il n’avait trouvé d’autre moyen de tromper sa mémoire et de varier son plaisir, qu’en collectionnant son auteur favori dans toutes ses éditions et sous tous ses formats ; ce qui lui composait une bibliothèque, sinon très diversifiée, du moins assez considérable.

Dès sa plus tendre enfance, Ancelot ne rencontra donc chez son père d’autre livre que Racine. Racine sous toutes ses formes, Racine avec toutes ses reliures et toutes ses variantes. C’est dans Racine qu’il apprit à lire. À neuf ans, il le savait par cœur à son tour, et le père et le fils se renvoyaient sans cesse, dans leurs entretiens, en façon de proverbes et de dictons, les beaux vers d’Iphigénie et d’Andromaque.

Vers cet âge, entré au collège du Havre, pour y commencer ses études, le jeune Ancelot y reçut, ainsi que ses camarades de classe, pour sujet du prix de mémoire, le long et emphatique récit de Théramène, dans Phèdre. Il eut la bonne foi de déclarer aussitôt qu’il le savait déjà, et, pour preuve, il le débita sur-le-champ d’une voix sonore, d’une manière imperturbable, et sans faillir d’un mot. Le professeur admira sa franchise, le loua de sa bonne foi et de sa bonne mémoire, et ne voulant pas cependant l’exclure du concours, lui donna, exceptionnellement à tout autre, à apprendre le songe d’Athalie. L’intrépide écolier se leva de nouveau, demanda la parole ; et, quand il l’eut obtenue, ce fut pour dire tout d’une haleine, non-seulement le songe d’Athalie, mais la scène V du deuxième acte tout entière. Pour qu’il pût concourir, on fut obligé de le sortir de Racine, et de le faire s’escrimer contre quelque satire du sieur Boileau Despréaux.

Ses études terminées, Ancelot, à peine âgé de dix-sept ans, entra au service de la marine, et fut employé en Hollande et dans les départements anséatiques, alors réunis à l’empire Français. Il voyageait de compagnie avec son oncle, aujourd’hui encore l’un de nos plus habiles comme de nos plus importants administrateurs ; mais il s’en fallait bien que, durant la route, tous deux fussent bercés de la même pensée.

L’oncle, fortement préoccupé de l’avenir positif du jeune homme, à peine remis de sa rhétorique, songeait à l’affermir dans la nouvelle carrière où il venait de débuter ; chez le neveu, au contraire, Racine portait déjà ses fruits, et de Racine, ce qui l’avait d’abord inspiré, c’était la comédie des Plaideurs ! L’ex-rhétoricien, parmi ses paquets de voyage, couvait religieusement de l’œil et protégeait du geste une petite malle contenant des hardes, du linge et quelque argent, choses assez méprisables d’ailleurs, car elle renfermait de plus un trésor bien autrement précieux ! Deux actes manuscrits d’une comédie en vers, intitulée l’Eau bénite de cour ! Deux actes, les premiers jets de sa verve naissante, les premiers-nés de son cerveau ! Aussi, jamais cassette ou portefeuille de voyageur, chargé de billets de banque, de bons du trésor ou de dépêches du gouvernement, ne fut entouré de plus de soin et surveillé avec plus d’exactitude ! Malheur au postillon ou au garçon d’auberge qui eût osé toucher d’une main profane à cette arche sainte ! le jeune poète le foudroyait du regard, le repoussait, lui arrachait la précieuse mallette ; et la plaçant sous le coussin de son siège, lorsqu’il était en voiture, sous le chevet de son lit, lorsqu’on passait la nuit dans quelque ville ou village, assis dessus, dormant dessus, il ne se séparait jamais de ses deux actes ; et alors, tranquille sur l’œuvre déjà faite, encaqué dans son coin de voiture, l’œil demi-fermé, la tête ballante, lorsque son oncle le croyait assoupi par la chaleur ou la fatigue de la route, il ne songeait plus qu’à l’œuvre à faire, et s’abandonnait délicieusement aux joies créatrices du troisième acte.

Arrivés vis-à-vis d’Hambourg et se disposant à traverser l’Elbe, les deux voyageurs durent faire déballer leurs paquets et les transporter sur une barque, dans laquelle ils ne tardèrent pas à trouver place eux-mêmes. À peine y étaient-ils installés, qu’un coup de vent, prenant la barque à revers, la souleva à moitié et la fit, pendant quelques instants, si bien courir de flanc, que les paquets roulèrent les uns sur les autres, et les passagers aussi.

Au milieu de ce désordre momentané, Ancelot n’avait pas perdu de vue sa précieuse mallette. Il venait de la voir tomber sur le plancher de la barque, glisser le long de la liure, faire quelques tours sur elle-même, et sauter enfin par-dessus le bord. À cette vue, le poète pousse un cri terrible, un de ces cris déchirants, pleins d’angoisses, de tendresse, de désespoir, et comme il n’en peut sortir que des entrailles paternelles ; il s’élance, se fait jour à travers les passagers, se fraie une route au milieu du pêle-mêle de la cargaison ; et, sans crainte, malgré le péril, debout en dépit du roulis de la barque, il allait se jeter dans le fleuve pour y rejoindre son œuvre, la sauver ou périr avec elle, lorsqu’un obstacle l’arrête soudainement ; une secousse lui fait faire un rapide mouvement de bâbord à tribord, puis enfin, comme un puissant ressort tout-à-coup détendu, le prenant entre les deux épaules, l’envoie à l’extrémité du gaillard d’arrière, reprendre sa place auprès de son oncle.

Ce triple mouvement d’arrêt, de choc et de répulsion, c’était le bras vigoureux du patron qui venait de le produire.

– La mallette ! s’écrie le poète, les bras raidis, et l’œil fixé vers l’endroit où elle vient de disparaître sous la vague.

– Aux cinq cent mille diables la mallette ! réplique le patron ; songeons d’abord à la barque, qui pourrait bien aller rejoindre la mallette, si nous n’y prenons garde. Mieux vaut sauver sa peau que sa chemise !

En effet, le vent avait redoublé de violence. L’Elbe se soulevant, débordant sur ses deux rives, semblait gronder dans chacun de ses flots, et la barque, lancée avec une rapidité inouïe, malgré les efforts de l’équipage, alla s’échouer sur la côte de Danemark, à quatre lieues au-dessus d’Altona.

Il fallut se rendre à Hambourg par terre. Durant la route, le pauvre auteur de l’Eau bénite de cour, comédie inachevée, naufragée, submergée, marchait plein de tristesse et de préoccupation, se plaignant sans cesse d’un violent mal de tête ; et son oncle, n’attribuant cet accès subit de malaise et de mélancolie, si peu en rapport avec les habitudes morales de son neveu, qu’à la perte de la mallette, se promettait bien d’opérer une cure prompte et merveilleuse à son arrivée à Hambourg.

À peine installé dans un bon hôtel de cette ville, ayant rétabli l’ordre dans les finances du jeune homme, suppléé au déficit, il croyait avoir réparé le désastre de la mallette, et s’être acquitté en bon parent de tous les devoirs naturellement imposés aux pères, aux oncles et aux sociétés d’assurances ; mais il s’en fallait bien que la cure fût complète ! La préoccupation et le mal de tête se manifestaient chez le neveu plus fort que jamais ! Ce n’était point là un mal de tête ordinaire, un de ces caprices d’estomac qui vont tyranniser le cerveau, une de ces digestions pénibles qui s’attaquent parfois à la pensée du génie ; fumée de l’autel, vapeur du sacrifice qui montent obscurcir les voûtes sacrées du temple : c’était une douleur causée par le travail de la pensée elle-même.

Le double phénomène physiologique que présenta cette maladie dans son invasion, ainsi que dans son mouvement de retraite, mérite d’être rapporté, comme supplément à coudre après toutes les nosologies à l’usage des gens de lettres.

Quand le naufrage de la mallette eût fait de l’Eau bénite de cour une comédie sous-marine, revenu peu à peu à lui, le jeune auteur ne songea plus qu’à reconquérir par la mémoire le trésor inestimable dont il venait d’être dépossédé. Il eut peine d’abord à s’astreindre, dans ses trouvailles, à la marche régulière de l’ouvrage.

Quelquefois une tirade presque entière, sauf deux ou trois hémistiches, s’offrait à lui, rangée en bataille ; mais elle n’était point à sa place ; puis les chefs de file manquaient, car, dans ce cas, ce sont toujours les premiers vers qui se font le plus attendre. Bref, le désordre était partout ; il fallait jeter le fil d’Ariane au sein de cet abime, faire pénétrer la lumière dans ce chaos ; et le moyen d’arriver à ce résultat en courant les grandes routes, et sous les yeux d’un oncle qui ne rêvait pour son neveu que calculs et science administrative !

Tous ces hémistiches, tous ces vers, toutes ces tirades, perdus, égarés, confondus, se retrouvant, se perdant de nouveau, courant après leur rime, rompant leurs rangs, brisant leur césure, montant les uns sur les autres, se présentant soudain à la lumière, puis disparaissant tout-à-coup, brouillés, heurtés, secoués dans la tête du poète, comme, dans le sac, les boules numérotées du loto ; et tout cela grondant, fermentant, bouillonnant, sans qu’il fût possible à l’auteur au désespoir, de rien fixer sur le papier, il y avait là, ce me semble, de quoi porter quelque désordre dans une tête de dix-sept ans, et c’est ce qui arriva. Indè mali labes ! de là, engorgement dans la mémoire, trouble dans les idées, inquiétudes vagues, tristesse, somnolence, irritation nerveuse, céphalalgie complète !

Pour cette fois, le médecin fut appelé, et le jeune malade confiné dans une chambre à part, où le repos et tout un régime pharmaceutique lui furent ordonnés. À peine fut-il seul enfin, et le médecin eut-il le dos tourné, que le malade se lève, portant péniblement sa tête endolorie et grosse de huit cents vers ! Voilà du papier ! voilà des plumes ! nul importun n’est à craindre pour lui, car le docteur a bien recommandé qu’on respectât son sommeil ! Il se met donc à l’ouvrage.

C’est ici que le phénomène physiologique se manifesta dans toute sa singularité. Le poète avait un cercle de fer qui lui bridait, qui lui déchirait la tête. À peine, appelant en aide son excellente mémoire, ralliant ses scènes par numéro d’ordre, et forçant ses vers à une marche naturelle et régulière, sans vide dans les rangs, a-t-il jeté sur le papier le quart de son premier acte, qu’il lui semble sentir sa couronne d’épines se soulever légèrement, et une fraîcheur subite courir sur son front. Il poursuit son travail ; et, à mesure qu’un vers tombe de son cerveau sur son papier, la terrible couronne d’angoisses se déroule de plus en plus. Le premier acte écrit, tout un côté de sa tête était à moitié libre, dégagé, et la maladie à demi-vaincue ! Le lendemain, le poète avait ses deux actes en poche et sa guérison était assurée.

De cette guérison, le docteur s’en vanta, l’oncle en jouit et le poète en profita pour essayer de mettre à fin sa pièce. Mais, hélas ! la double étamine par laquelle était passée l’Eau bénite de cour avait un peu désillusionné le père sur les mérites de l’enfant, et ce n’était plus qu’avec une sorte de découragement qu’il se livrait à l’entier accomplissement de son œuvre. Sur ces entrefaites, l’oncle fit la découverte de ce secret littéraire qu’on lui cachait avec tant de soin ; et, désolé de voir toutes ses espérances administratives, au sujet de son neveu, près de se briser contre cette folle passion de rimeur, qui saisit tous les jeunes gens au sortir du collège, il demanda, il implora, avec prières, avec supplications, le sacrifice du chef-d’œuvre. Après une faible hésitation, le poète y consentit, et cette pièce, dont l’eau avait déjà si grandement menacé l’existence, fut irrévocablement détruite par le feu ! L’oncle l’emportait sur le neveu. L’administration étouffait la poésie. La poésie s’en tira cependant à la fin.

En attendant, Ancelot fut à quelque temps de là appelé au ministère de la marine, à Paris ; puis, l’année suivante, à Rochefort, où son oncle était préfet maritime ; c’était vers 1815. Simple employé de troisième classe, sans ambition, presque sans appointements, il ne laissait pas que de mener à bien sa vie de jeune homme ; car, logé, nourri, choyé à la préfecture, s’il n’était pas membre du conseil d’administration, s’il n’assistait pas aux réceptions officielles, du moins lui, pauvre expéditionnaire, il était de toutes les fêtes. Invité, recherché par toutes les bonnes maisons de la ville, il comprenait qu’on pût jouir d’une existence très douce, moyennant huit cents francs d’appointements ; il voyait tout en beau, croyait tout le monde heureux, et ne s’apitoyait absolument que sur les surnuméraires !

Notez bien qu’à côté de cette belle et jeune vie matérielle et positive, il en avait une autre d’illusions et de poésie. Oui, la poésie était revenue. Elle ne s’était pas fait attendre, comme vous voyez. Racine, après l’avoir tenté d’abord sous son masque comique, venait de le séduire sous son autre face. Cette fois, Ancelot couvait une longue tragédie en cinq actes, un Warbeck ; et, pour la préserver à l’avance du naufrage, pour la soustraire plus sûrement à l’inspection de son oncle, il la composa... de mémoire ! Pas un vers n’en fut jeté sur le papier. Tout le travail de la gestation tragique s’accomplit dans la tête du poète ; aussi, à l’abri des hommes et des éléments, cette pièce insaisissable, imperméable, incombustible, défiait l’eau et le feu, et n’avait à craindre que l’oubli !... l’oubli du poète lui-même !... C’est effectivement ce qui l’attendait.

Au mois de janvier 1815, rappelé au ministère de la marine, d’où quinze ans après il fallut une révolution populaire et M. d’Argout pour le déloger, Ancelot, en arrivant à Paris, n’eut rien de plus pressé que de se diriger vers la rue Richelieu, pour demander aux comédiens français, non une lecture, mais le droit de leur réciter Warbeck. La pièce fut donc récitée le 19 mars 1816, devant le comité, qui l’accueillit avec faveur ; mais, plus sévère que les comédiens, Ancelot ne jugea point l’ouvrage digne de la représentation. Déjà, il travaillait avec ardeur à sa pièce de Louis IX, qu’il composait de mémoire, comme il avait fait pour l’autre. Le jour de la réception de Louis IX, il oublia Warbeck.

Ici commence réellement la carrière littéraire de M. Ancelot. Le 5 novembre 1819, un grand succès signala pour la première fois son nom au public, duquel nom les dispensateurs de la renommée se saisirent tout d’abord, pour l’arranger à leur fantaisie.

À cette époque, des espérances déçues, des intérêts froissés, la chute du grand empire, le rétablissement de la vieille tige monarchique, avaient dispersé de tous côtés les rudes et fécondes semences des haines politiques. La politique germait, poussait, se montrait partout, même où l’on n’en plantait pas. L’être le plus inoffensif, à son insu, en recélait le germe jusque dans ses vêtements !... Jugez, lorsqu’il s’agissait d’un livre ou d’une pièce de théâtre !

Pendant toute la durée de son élaboration tragique, Ancelot m’avait fait le confident de son œuvre, et jamais ni lui, ni moi, n’y avions découvert l’ombre d’une allusion politique, ni une sentence rimée à l’usage d’une haine quelconque ; j’avais même applaudi à l’adresse avec laquelle, sans nuire à la couleur historique, il avait donné au saint roi une petite pointe de libéralisme, tout à fait dans le goût du jour.

À la première représentation de Louis IX, le public admira avec surprise l’élégance d’un style tout racinien, la bonne ordonnance de la pièce, le caractère du roi, la création vive et dramatique du renégat, et salua chaque beau vers, chaque tirade, chaque situation, de ses bravos unanimes ; bref, le public se comporta fort bien, et Ancelot se laissant aller à l’illusion, crut avoir obtenu un succès littéraire, aux apparences duquel je me laissai prendre de même, je l’avoue ; aussi notre étonnement fut-il grand à tous deux, lorsque le lendemain nous apprîmes que ce n’était là qu’une ovation politique.

Ses amis le louaient d’avoir osé, à une époque de perturbation, de bourgeoisie et d’égalité, peindre de riches et brillantes couleurs ces beaux temps de la noblesse guerrière et de la royauté sainte.

Les autres lui reprochaient d’avoir fait non un drame, mais un plaidoyer en cinq actes, en faveur de la féodalité et de la monarchie absolue ; une apologie du clergé, des croisades, des dîmes, que sais-je ? et de vouloir enfin détruire en France le gouvernement représentatif.

Vers le même temps, un autre jeune poète, à peine plus âgé que lui, né au Havre comme lui, comme lui débutant dans la carrière dramatique, inaugurait aussi par un grand succès la scène de l’Odéon, transformée en seconde scène française, et inscrivait du premier coup sur le fronton du théâtre ce nom de Casimir Delavigne, déjà connu, et qui devait tant grandir encore.

Certes, en choisissant pour sujet de son drame ces terribles Vêpres Siciliennes, dans lesquelles les Français jouèrent un si triste rôle ; en représentant l’étranger, dans un mouvement de grandeur et de désespoir, secouant et brisant le joug honteux à lui imposé par la France, Casimir Delavigne ne songeait pas plus à faire une œuvre nationale, qu’Ancelot une œuvre ascétique en prenant Louis IX pour son héros. Néanmoins, par le fait seul du sujet de leur pièce, par cette seule raison, que dans les vers de l’un les mots patrie et liberté revenaient aussi souvent que dans les vers de l’autre les mots Dieu et le roi, tous deux devinrent drapeaux, et durent marcher, littérairement parlant, à la tête d’un parti.

Pour Ancelot, le poste n’était pas tenable : ses habitudes de vie douce et insoucieuse, cette fibre irritable au moindre choc de la critique passionnée, ou de la malveillance (il s’y est aguerri depuis), ne lui permettaient point de rester sur la brèche, à recevoir le feu, sans y répondre. Il était royaliste, c’est vrai ; mais non royaliste militant. Ayant toujours évité jusque-là de s’occuper d’intérêts et d’opinions politiques, n’appartenant à aucun système, à aucune coterie, royaliste de naissance, il avait reçu ses convictions de son père et de son grand-père, comme son nom et son patrimoine. Que voulez-vous, cela peut paraître singulier, mais il n’est pas donné à tout le monde de se fanatiser à volonté, et de penser que la politique est le premier besoin du cœur et suffit à tout.

Puis, Ancelot avait bon nombre d’amis qui ne naviguaient nullement dans ses eaux, comme on dit en littérature maritime ; il tenait à ses principes innés, mais il tenait aussi à ses amis ; et ne voulant renoncer ni aux uns ni aux autres, il parlait peu de ceux-ci devant ceux-là ; bref, il se trouva l’homme le plus contraint et le plus embarrassé qui fût au monde, lorsque par la voix de vingt journaux de couleurs différentes il lui fut démontré que l’auteur de Louis IX était un homme essentiellement politique.

La pièce fut dédiée au roi Louis XVIII, qui donna à M. Ancelot une pension de deux mille francs sur sa cassette particulière.

Les faveurs ne devaient point s’arrêter là.

M. Portal, alors ministre de la marine, fit venir l’auteur et lui demanda ce qu’il pouvait faire pour lui. Sans doute on avait dessein de pousser haut dans la carrière administrative une capacité politique telle que M. Ancelot ; aussi le ministre resta-t-il stupéfait à la réponse du poète.

– Monseigneur, dit celui-ci, je ne suis encore qu’expéditionnaire, simple expéditionnaire au ministère de la marine...

– Votre position changera, interrompit le ministre, d’une façon toute bienveillante.

– Qu’elle ne change pas, monseigneur, s’écria le poète ; je ne demande qu’à rester expéditionnaire, simple expéditionnaire au ministère de la marine.

– Vos désirs ne sont pas difficiles à satisfaire ; cependant, j’aurais voulu faire quelque chose pour vous, monsieur, et le Roi vous a spécialement recommandé à mes bons soins.

– Eh bien ! reprit le jeune homme, j’oserai donc implorer de vous une faveur... une faveur bien grande.

– Ah ! ah !... parlez.

– Je voudrais, monseigneur, avoir la certitude de ne participer jamais ni aux gratifications annuellement accordées aux employés, ni à l’avancement surtout...

– Que dites-vous là ? singulières exigences !

– Seulement, poursuivit le solliciteur, en échange de cette renonciation, je demanderais un peu de liberté, quelques heures de loisir, durant lesquelles je n’aurais pour chef de bureau que Racine.

Le marché fut conclu et tint bon jusqu’au moment où, comme je vous le disais, il fallut une révolution populaire et M. d’Argout pour faire perdre à M. Ancelot sa place de simple expéditionnaire au ministère de la marine.

Après Louis IX, Ancelot donna au théâtre, Le Maire du Palais, représenté le 25 avril 1825 ; Fiesque, le 5 novembre 1824.

Il fut alors nommé chevalier de la Légion d’Honneur, bibliothécaire de Monsieur, et reçut même des lettres de noblesse ; ce qui l’étonna fort, mais ne l’aveugla point, car il négligea toujours de les retirer de la chancellerie, ne comprenant pas en quoi elles pouvaient être utiles à un simple expéditionnaire du ministère de la marine.

Pensionné, décoré, anobli, Ancelot était devenu nécessairement l’objet d’attaques plus vives, plus violentes de la part des journaux. À chaque nouvelle attaque, il ripostait par des épigrammes qu’il avait l’art de produire avec une incroyable facilité ; mais à la production se bornait toujours sa vengeance. De toutes ces petites flèches, dont un grand nombre, finement aiguisées, pouvaient faire de vives blessures, pas une ne fut lancée vers le but. – Bah ! me disait-il un jour, le temps de tourner mon épigramme, et ma colère se passe ; puis, moi, qui suis doué cependant d’une bonne mémoire, je n’en puis retenir une seule !

Il exhala cependant poétiquement des plaintes au sujet des accusations injustes dont il ne cessait d’être l’objet. Dans l’épître qu’il publia en tête de sa pièce de Fiesque, épître adressée à l’un de ses amis, on trouve ces beaux vers :

Ah ! du moins, mon ami, si la voix des méchants
N’avait calomnié que ma lyre et ses chants !...
Mais n’ont-ils pas osé flétrir mon caractère !
Esclave intolérant, fanatique sectaire,
Je voudrais, disent-ils, des fers et des proscrits !
Imposteurs ! de tels vœux souillent-ils mes écrits ?
Souillent-ils mes discours ?... Pour me trouver des crimes,
Vous torturez mes vers, et vous gâtez mes rimes !
Eh bien ! parmi ces vers, vit-on jamais surgir
Une pensée, un mot, qui me force à rougir ?
Moi ! devant le pouvoir prêchant l’intolérance,
Aux erreurs des partis défendre l’espérance !
Moi ! des doux entretiens empoisonnant le cours,
D’un ardent fanatisme armer tous mes discours !
Saintine, tu le sais, l’amitié qui nous lie
Commença dans ces jours d’orage et de folie,
Où les uns, déguisant leurs vœux et leurs regrets,
Pour des opinions donnaient leurs intérêts ;
Où, souvent entraînés dans des partis contraires,
Les amis, les parents, les époux et les frères,
Brisant des nœuds sacrés, sur ses autels récents
Offraient à la Discorde un parricide encens.
En ce temps de débats, de troubles, de systèmes,
Nos avis différaient ! nos cœurs étaient les mêmes ;
Ils s’unirent ! Parfois, malgré nous, égarés,
Loin des bords enchanteurs aux muses consacrés,
Nous osions parcourir une route fatale,
Et de la politique aborder le dédale ;
Examinant nos mœurs, nos lois et nos besoins,
Nous discutions alors !... Nous en aimions-nous moins ?
Des fureurs des partis la déplorable ivresse
A-t-elle à mes amis enlevé ma tendresse ?
Non ! Au point du départ un moment divisés,
Nous semblons suivre tous des chemins opposés ;
Nous marchons, et, surpris qu’un seul lien nous rassemble,
Un jour au même but nous arrivons ensemble.
Car nous n’en avons qu’un ! Nos avis, j’en conviens,
N’ont pas toujours été d’accord sur les moyens ;
Mais ils sont confondus dans la même espérance :
Tout Français a besoin du bonheur de la France.
Tels aux champs bourguignons, de deux fleuves fameux[1]
On voit, en s’évitant, fuir les flots écumeux ;
Dans leur course rapide en grondant ils s’éloignent ;
Après de longs détours enfin ils se rejoignent,
Et, près du bois propice où le plus saint des rois,
« Au pied d’un chêne assis, dictait ses justes lois, »
Unissant de leurs flots la fière indépendance,
Dans Lutèce enrichie ils versent l’abondance ;
Ces fleuves de leurs dons nous portant le tribut,
N’ont désormais qu’un lit, comme ils n’avaient qu’un but.
Qu’importe qu’un moment de leurs eaux transparentes
Notre œil distingue encor les couleurs différentes ?
Ils mélangent bientôt leurs eaux et leurs couleurs,
Et, sous le même nom, roulent parmi des fleurs.

Au milieu de ces succès et de ces distinctions, l’auteur de Louis IX s’était marié ; apportant au poète une compagne remplie de grâces dans son esprit comme dans sa personne, un guide d’un goût certain à consulter ; apportant à l’expéditionnaire un commencement d’aisance et de bien-être, mademoiselle Virginie Chardon, d’une ancienne famille parlementaire de Dijon, était devenue madame Ancelot. Alors mademoiselle Chardon, encore jeune fille, et dans un âge où l’on comprend à peine les arts, se distinguait déjà par un talent réel en peinture ; aujourd’hui madame Ancelot est l’auteur de Marie, de Marie, ce drame si simple et si touchant, la perle du théâtre Français et le triomphe de mademoiselle Mars.

En 1825, Ancelot publia un poème en six chants, Marie de Brabant, dont trois éditions furent promptement épuisées. C’est alors que, pour la première fois, il se présenta comme candidat à l’Académie ; il obtint treize suffrages ; M. Lebrun, son concurrent, l’auteur de Marie Stuart, fut nommé.

De 1825 à 1850, Ancelot publia Six mois en Russie, ouvrage composé à la suite d’un voyage qu’il fit dans le nord de l’Europe, à l’époque du couronnement de l’empereur Nicolas.

L’homme du Monde, roman de mœurs, et dont plus tard il tira le sujet d’un drame en cinq actes, en s’adjoignant pour collaborateur un de ses amis. Drame et roman obtinrent un égal succès.

Il fit représenter, dans le même espace de temps, la comédie de l’Important, à l’Odéon ; et au théâtre Français, Olga, ou l’Orpheline

Moscovite, Élisabeth d’Angleterre, tragédies en cinq actes, et Un an ou le Mariage d’Amour, comédie en trois actes.

Il n’entre nullement dans mes intentions de faire ici un examen détaillé des beautés ou des défauts à signaler dans les ouvrages de M. Ancelot ; d’autres se sont acquittés de ce soin, et ce rôle ne me convient en rien ; je suis beaucoup trop son ami pour cela. Dans la louange je serais suspect, dans la critique, mal à l’aise. Un ami, mieux qu’un autre, peut faire la biographie du personnage, car il l’a étudié, il a reçu ses confidences, il a pris part lui-même aux principaux événements de sa vie ; là, il est sur son terrain ; la, dans la vérité, là, dans son droit : mais pour la critique, qu’il s’abstienne ! À lui l’auteur, à d’autres l’ouvrage ! L’ami biographe ne doit raconter au public que ce qu’il a vu, ce qu’il a entendu, ce qu’il a appris, voilà tout ; telle est sa mission, c’est là son devoir, c’est là son poste : c’est là le mien, et j’y retourne.

Au mois de mai 1830, Ancelot se mit, pour la deuxième fois, sur les rangs pour l’Académie : l’élection fut tellement disputée, qu’après treize tours de scrutin on renvoya à nommer au jeudi suivant. Ce jour-là il obtint seize suffrages ; mais il en fallait dix-sept ! sa nomination fut donc encore ajournée, et, chose étrange, sur vingt membres élus depuis cette époque, il n’y en a que trois qui aient obtenu autant de votes favorables que l’auteur de Louis IX, de Fiesque et d’Olga, qui ne le fut pas.

Après cette défaite littéraire, dans la même année, deux mois à peine écoulés, M. Ancelot en éprouva une autre, bien plus menaçante pour ses intérêts positifs et l’avenir de sa famille. Il fut au nombre des vaincus de Juillet.

Sa pension, sa place de bibliothécaire, lui furent retirées.

Au temps où nous vivons, les vers alexandrins et les œuvres tragiques, patiemment et consciencieusement élaborées, ne suffisent pas toujours à nourrir leur homme, surtout dans un semblable moment, où le drame populaire et réel, accompli sur nos places, semblait devoir à tout jamais tuer le drame arrangé et fictif, joué sur nos théâtres. En effet, les chaudes émotions des barricades, la chute d’un trône, l’exil d’une famille de rois, tous ces graves événements, cette grande trilogie de Juillet, exécutée par six cent mille acteurs, sous les feux du soleil, devaient nuire quelque peu à toute action scénique, en prose ou en vers, accomplie aux clartés d’un lustre.

Ancelot se fit une idée juste de sa position ; et soutenant bravement le choc, il se résigna, non pour lui, mais pour sa femme, pour sa fille ; il comprit qu’avant tout il lui fallait un revenu assuré, et qu’il ne pouvait, sans compromettre des existences si chères, s’en reposer sur les succès éventuels de sa plume, qui jusqu’alors avait pu suffire à lui faire une réputation, mais non une fortune.

Il reprit donc chaque matin, de bonne heure et avec assiduité, le chemin du ministère de la marine, où son modeste emploi lui restait encore. Celui à qui, quelques jours auparavant, une voix seule avait manqué pour être proclamé l’un des quarante immortels de l’Académie française, redevint simple copiste dans un bureau, forcé, lui, l’écrivain élégant, à la période riche et arrondie, de reproduire avec exactitude les locutions barbares du style administratif, et jusqu’aux fautes d’orthographe de ses chefs ; car il ne faut humilier personne.

Du moins, grâce à cette résignation, à cette abnégation de lui-même, il conservera sa place : eh bien ! non ! Pour le dépouiller entièrement, M. d’Argout, qui alors avait succédé à M. Portal et à bien d’autres, vint achever ce que la révolution de Juillet avait commencé ; et par un arrêté, daté du mois de décembre 1830, M. Ancelot ne fut plus même simple expéditionnaire au ministère de la marine !

Que lui restait-il à faire ?... ce qu’il fit : il fit du vaudeville !... il fit de la littérature commerciale et spéculatrice. N’en fait pas qui veut, quoi qu’en disent nos seigneurs les feuilletonistes, qui pour la plupart ne sont que des vaudevillistes avortés. Mais, Dieu merci ! Ancelot avait non-seulement du talent, il avait de l’esprit, chose indispensable dans son nouveau métier. Il s’adressa donc au théâtre de la rue de Chartres, et y débuta par un des plus éclatants succès qu’on y ait obtenus, Madame Dubarry. En moins de six ans il donna sur la plupart de nos petits théâtres plus de soixante ouvrages : Léontine, le Favori, le Régent, l’Escroc du grand Monde, Madame Duchâtelet, Madame d’Egmont, etc., etc., qui, s’ils n’ajoutèrent pas à sa réputation, ajoutèrent du moins à sa force. Oui, à sa force, car ne vous y trompez pas, l’habitude de manier incessamment une action théâtrale, d’en faire mouvoir les ressorts, de multiplier les incidents, de créer des rôles à la taille des acteurs, de se mettre sans cesse à la portée d’un public peu littéraire, sans renoncer cependant à attirer l’attention d’un public d’élite ; cette nécessité d’employer tour à tour, tous les genres, tous les tons, depuis le burlesque jusqu’au pathétique le plus élevé ; cela n’apprend-il pas à un homme son métier, et ne lui fait-il pas parfois découvrir en lui même des qualités qu’il pouvait ne pas savoir posséder ?

Le vaudeville, c’est la chambre basse de la littérature dramatique ; d’accord ; c’est là que se trouve l’élément démocratique : mais nous soutenons, nous, que politiquement ou littérairement parlant, c’est d’en bas que viennent le mouvement et le progrès. Là sont les oseurs ! Les chambres hautes, celle des pairs comme celle du théâtre Français, ne vont qu’autant qu’on les pousse.

Pour ne parler que de cette dernière, ce qui rentre bien mieux dans mon sujet, je me rappelle qu’il fut un temps où, à la rue de Chartres, la comédie moderne était déjà créée ; on y voyait des notaires, des avoués, des journalistes, des émigrés, des électeurs, des banquiers de la Chaussée-d’Antin, des marchands de la rue Saint-Denis, des soldats de l’empire, des hommes de nos jours enfin, avec leurs travers, bien ou mal esquissés, là n’est point la question, mais avec leurs allures connues, leurs costumes vrais ; tandis que Frontin et Dorine osaient encore se montrer dans les pièces nouvelles de la rue Richelieu, qu’ils y régentaient encore leurs maîtres, qu’ils y mariaient encore leur jeune maîtresse, en dépit d’un vieux tuteur amoureux !

Au surplus, Ancelot tient en portefeuille, en ce moment, le meilleur argument à opposer à ceux qui croient qu’on se gâte la main à faire du vaudeville, comme la voix à chanter la romance ; c’est une belle et bonne tragédie, en cinq actes et en vers, qu’il vient de terminer, et par laquelle il doit faire incessamment sa rentrée au Théâtre-Français. Tous ceux qui l’ont entendue, et je suis de ceux-là, pensent qu’il n’a jamais frappé si juste et si fort.

Pour en finir avec cette note biographique, je dirai ce que, d’après l’usage, il eût peut-être fallu dire d’abord, c’est que :

Jacques-François-Arsène Ancelot est né au Havre-de-Grâce, le 9 janvier 1794.


[1] La Seine et la Marne se réunissent près du bois de Vincennes.

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