L’Affaire de la rue de Lourcine (Eugène LABICHE - Albert MONNIER - Édouard MARTIN)

Comédie en un acte mêlée de couplets.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Palais-Royal, le 26 mars 1857.

 

Personnages

 

LENGLUMÉ, rentier  

MISTINGUE

POTARD, cousin de Lenglumé

JUSTIN, domestique de Lenglumé

NORINE, femme de Lenglumé

 

La scène est à Paris, chez Lenglumé.

 

Le théâtre représente la chambre à coucher de Lenglumé. Au fond, lit fermé par des rideaux ; lavabo, avec ses ustensiles. Cheminée, à gauche, deuxième plan ; porte au fond, à la droite du lit ; porte à la gauche du lit. Portes au premier et au deuxième plan de droite ; chaises, fauteuils, etc.

 

 

Scène première

 

JUSTIN, puis NORINE

 

Au lever du rideau, le lit est fermé par les rideaux.

JUSTIN, entrant à pas de loup.

Monsieur dort encore... ne le réveillons pas.

Regardant la pendule.

Neuf heures !... Il est flâneur, Monsieur...

Il éternue.

Cré rhume !... ça me tient dans le cerveau !

NORINE,

entrant sur la pointe des pieds. Elle tient un pot de tabac et deux bouteilles.

Eh bien, est-il réveillé ?

JUSTIN.

Pas encore... Il est si flâneur, Monsieur !

NORINE.

Hein ?... Je vous prie de parler avec plus de respect...

JUSTIN.

Oh ! pardon !... Faut-il le prévenir que Madame est là ?

NORINE.

Gardez-vous-en bien !... C’est aujourd’hui sa fête, à ce pauvre ami... et je veux lui faire une surprise... un pot de tabac, garni de maryland.

Elle le pose sur la cheminée.

JUSTIN, à part.

Mâtin !... du maryland !... Je m’en offrirai une pipe.

NORINE.

Plus, ces deux bouteilles de genièvre... sa liqueur favorite.

JUSTIN, à part.

Je m’en offrirai aussi une pipe.

Haut, s’oubliant.

C’est bien... posez ça là !

NORINE.

Comment ! posez ça là ?

JUSTIN.

Oh ! pardon !

NORINE.

Je veux, au contraire, les porter dans le petit salon... De cette façon, il aura une surprise... en partie double, ce cher ange !

JUSTIN, à part.

Que cette femme est romanesque pour son embonpoint.

NORINE, prête à sortir.

Ah ! Justin, on a collé hier du papier dans le cabinet de Monsieur... vous y allumerez un réchaud pour le faire sécher.

JUSTIN.

Oui, madame.

NORINE.

Vous chercherez aussi le parapluie que j’ai emprunté au cousin Potard... un parapluie vert... avec une tête de singe... Sa bonne est là qui l’attend.

JUSTIN.

Madame, faut que je brosse les habits.

NORINE.

Plus tard.

JUSTIN.

Cependant...

NORINE.

Vous raisonnez toujours !... Je vous intime l’ordre de chercher ce parapluie... c’est clair !

Elle entre à gauche avec ses deux bouteilles.

JUSTIN, seul, s’adressant à la porte.

Zut !... zut !... zut !... Elle m’embête avec son parapluie ! Prenons toujours les hardes de Monsieur pour les brosser !...

Prenant des vêtements sur une chaise.

Voilà son habit, son gilet, ses bottes... Tiens ! elles sont crottées !... c’est curieux, ça !... Monsieur qui n’est pas sorti hier... il est allé se coucher à cinq heures, en se plaignant d’un fort mal de tête... Mais je ne vois pas son pantalon !... où est donc le pantalon ?...

Il trébuche contre une seconde paire de bottes.

Hein !... encore des bottes !... crottées !... ah ! c’est curieux, ça !

Apercevant d’autres vêtements sur une chaise.

Et un second habit... et un regilet !... et pas le moindre pantalon !... Est-ce que, les jours de migraine, M. Lenglumé s’habillerait en Ecossais ?... Il y a quelque chose...

Il éternue.

Cré rhume !... J’ai oublié mon mouchoir !... Que je suis bête !...

Il prend un mouchoir dans une des redingotes qu’il porte, et se mouche très fort à plusieurs reprises.

LENGLUMÉ, qui se réveille, dans l’alcôve.

Qui est-ce qui sonne du cor ?...

JUSTIN.

Oh ! j’ai réveillé Monsieur !

Il se sauve vivement par la droite, troisième plan.

 

 

Scène II

 

LENGLUMÉ, seul, passant sa tête entre les rideaux

 

Personne !... Tiens, il fait grand jour !...

Il se glisse en bas de son lit. Les rideaux se referment derrière lui. Il a son pantalon.

Où est donc mon pantalon ?...

Le regardant.

Tiens ! je suis dedans !... Voilà qui est particulier !... je me suis couché avec... Ah ! je me rappelle !...

Avec mystère.

Chut ! madame Lenglumé n’est pas là... Hier ; j’ai fait mes farces... Sapristi, que j’ai soif !

Il prend une carafe d’eau sur la cheminée, et boit à même.

Je suis allé au banquet annuel de l’institution Labadens, dont je fus un des élèves les plus... médiocres... Ma femme s’y opposait... alors, j’ai prétexté une migraine ; j’ai fait semblant de me coucher... et v’lan ! j’ai filé chez Véfour... Ah ! c’était très bien... on nous a servi des garçons à la vanille... avec des cravates blanches... et puis du madère, du champagne, du pommard !... Pristi, que j’ai soif !...

Il boit à même la carafe.

Je crois que je me suis un peu... pochardé !... Moi ; un homme rangé !... J’avais à ma droite un notaire... pas drôle ! et à ma gauche, un petit fabricant de biberons, qui nous en a chanté une passablement... darbo ! ah ! vraiment, c’était un peu... c’était trop... Faudra que je la lui demande... Par exemple, mes idées s’embrouillent complètement à partir de la salade !

Par réflexion.

Ai-je mangé de la salade ?... Voyons donc ?... Non !... Il y a une lacune dans mon existence ! Ah çà ! comment diable suis-je revenu ici ?... J’ai un vague souvenir d’avoir été me promener du côté de l’Odéon... et je demeure rue de Provence !... Etait-ce bien l’Odéon ?... Impossible de me rappeler !... Ma lacune ! toujours ma lacune !...

Prenant sa montre sur la cheminée.

Neuf heures et demie !...

Il la met dans son gousset.

Dépêchons-nous de nous habiller.

On entend ronfler derrière les rideaux.

Hein !... On a ronflé dans mon alcôve !

Nouveaux ronflements.

Nom d’un petit bonhomme ! j’ai ramené quelqu’un sans m’en apercevoir !... De quel sexe encore ?...

Il se dirige vivement vers le lit. Norine paraît.

 

 

Scène III

 

LENGLUMÉ, NORINE

 

NORINE.

Enfin, tu es levé !

LENGLUMÉ, à part.

Ma femme !

NORINE.

Eh bien, tu ne m’embrasses pas ?

LENGLUMÉ.

Chut !

À part.

Elle va le réveiller !

NORINE.

Quoi ?

LENGLUMÉ.

Rien !... Allons faire un tour sur le boulevard.

NORINE.

Le boulevard ! Tu n’es seulement pas habillé... Cette figure bouleversée... est-ce que tu serais malade ?

LENGLUMÉ.

Oui... je t’avoue que...

NORINE, vivement.

Recouche-toi.

Appelant.

Justin !

LENGLUMÉ.

Chut !...plus bas !...

NORINE.

Je vais refaire ton lit.

Elle se dirige vers l’alcôve.

LENGLUMÉ, la retenant.

Non !... ça va bien... ça va mieux... c’était une crampe... Allons faire un tour sur le boulevard.

NORINE, à part.

Qu’est-ce qu’il a ?...

Haut.

À propos ! tu n’as pas vu le parapluie du cousin Potard... surmonté d’une tête de singe ?...

LENGLUMÉ.

Le parapluie ?... non.

À part, se souvenant.

Ah ! bigre ! je l’ai emporté hier au banquet Labadens !... il sera resté dans ma lacune... près de l’Odéon...

NORINE, trouvant à terre un tour de cheveux.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

LENGLUMÉ.

Quoi ?

NORINE.

Un tour de cheveux blonds !... Palsambleu ! monsieur !...

LENGLUMÉ, à part.

Un tour !... Mais alors...

Regardant l’alcôve.

C’est une femme ! j’ai ramené une femme !...

NORINE.

Parlez, monsieur !...

LENGLUMÉ, vivement.

C’est pour toi... un cadeau...

NORINE.

Mais j’ai des cheveux !

LENGLUMÉ.

Oui... mais ils tomberont... c’est pour l’avenir !...

On entend ronfler dans l’alcôve.

NORINE.

Hein !... quel est ce bruit ?

LENGLUMÉ, à part.

Nom d’une trompe !

Haut.

C’est moi, c’est ma crampe...

Ronflant.

Cran !...cran !... ça vient de l’estomac !...

NORINE.

Voyons, dépêche-toi de t’habiller... c’est aujourd’hui le baptême du petit Potard... nous sommes parrain et marraine.

Nouveaux ronflements.

LENGLUMÉ, il tape dans ses mains. À part.

On dit que ça les fait taire...

NORINE.

Qu’est-ce que tu fais là ?

LENGLUMÉ.

J’applaudis... Tu me dis : « Nous sommes parrain et marraine », et je réponds : « Bravo ! bravo ! »

NORINE.

En vérité, je ne sais ce que tu as aujourd’hui !... Je vais achever de m’habiller !... Nous déjeunerons dans un quart d’heure.

Elle sort par la gauche, deuxième plan.

 

 

Scène IV

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE

 

LENGLUMÉ, courant ouvrir les rideaux.

Madame !... Mademoiselle !... sortez !...

MISTINGUE, se réveillant.

Hein !... heu !...

Il a le nez très rouge.

LENGLUMÉ.

Un homme !

MISTINGUE, se mettant sur son séant.

Qu’est-ce que vous demandez, monsieur ?

LENGLUMÉ.

Comment, ce que je demande ?... Que faites-vous là... dans mon lit ?...

MISTINGUE.

Votre lit ?...

Regardant autour de lui.

Tiens !... où suis-je donc ici ?

LENGLUMÉ.

Chez moi, monsieur ! rue de Provence.

MISTINGUE, sautant vivement à bas du lit. Il a un pantalon.

Rue de Provence ?... et moi qui demeure près de l’Odéon !

LENGLUMÉ.

Voyons, parlez !

MISTINGUE.

De quel droit, monsieur, me retenez-vous prisonnier ?

LENGLUMÉ.

Ah ! je trouve ça joli, par exemple !

MISTINGUE.

J’espère que vous allez m’expliquer comment je me trouve dans vos oreillers ?... Je ne vous connais pas, moi !

LENGLUMÉ.

Ni moi non plus !

À part.

D’où tombe-t-il, cet animal-là ?

MISTINGUE.

Sapristi, que j’ai soif !

Il va à la carafe et boit à même.

LENGLUMÉ.

Eh bien, monsieur !... ne vous gênez pas !...

Tout à coup.

Ah ! quelle idée !... Pardon, jeune homme... n’auriez-vous pas banqueté hier chez Véfour ?

MISTINGUE.

Oui... Qu’est-ce que ça vous fait ?

LENGLUMÉ.

Alors, vous êtes un labadens... Moi aussi !

MISTINGUE.

Ah bah !

LENGLUMÉ.

Deux labadens !... tout s’explique ! Lenglumé !... Oscar Lenglumé !

MISTINGUE.

Ah oui, une grosse bête !

LENGLUMÉ.

C’est ça !... il me reconnaît !

MISTINGUE.

Et moi, Mistingue !

LENGLUMÉ.

Ah ! très bien : un piocheur !... Il me semble que j’y suis encore : premier prix de vers latins, l’élève Mistingue, né à Chablis...

MISTINGUE.

C’est pourtant vrai !... Est-on bête quand on est jeune !

LENGLUMÉ, à part.

Un prix de vers latins !... Il doit être dans une très bonne position, ce gaillard-là.

MISTINGUE, à part.

Il est crânement meublé !

LENGLUMÉ, lui tendant la main.

Comment te portes-tu ?

MISTINGUE.

Pas mal. Et toi ?

LENGLUMÉ.

Ce brave Mistingue !

MISTINGUE.

Ce brave Lenglumé !

LENGLUMÉ, à part.

C’est singulier comme il a le nez rouge !

MISTINGUE, de même.

Vrai, je ne le reconnais pas du tout !

LENGLUMÉ.

Ce brave Mistingue !

MISTINGUE.

Ce brave Lenglumé !

LENGLUMÉ, à part.

C’est drôle, quand on ne s’est pas vu depuis vingt-sept ans et demi... on n’a presque rien à se dire.

Haut.

Ce brave Mistingue !

MISTINGUE.

Ce brave Lenglumé !

LENGLUMÉ.

Mais explique-moi comment tu te trouves dans mon alcôve ?

MISTINGUE.

Ça... je n’en sais rien... je ne te cacherai pas qu’à partir du turbot, j’étais dans les brindezingues...

LENGLUMÉ.

Moi, ça ne m’a pris qu’à la salade.

MISTINGUE.

Qu’avons-nous fait pendant ce laps ?

LENGLUMÉ.

On ne le saura jamais. Tout ce que je sais, c’est que j’ai perdu mon parapluie... surmonté d’une tête de singe...

MISTINGUE, gaiement.

Comme moi, mon mouchoir... Nous avons peut-être commis des atrocités !

LENGLUMÉ.

Moi, d’abord, j’ai le vin tendre... j’ai le falerne tendre !... comme dit Horace... Horatius !...

MISTINGUE.

Coclès...

LENGLUMÉ.

Non... Flaccus ! Tu dois connaître ça, un prix de vers latins !

MISTINGUE.

Faiblement !... faiblement !...

LENGLUMÉ.

Sapristi ! que j’ai soif !...

Il prend la carafe et boit à même.

MISTINGUE.

Dis donc, après toi la carafe.

Lenglumé la lui repasse ; il boit à son tour.

LENGLUMÉ.

Ah çà ! j’espère que nous ne nous quitterons pas comme ça ? Deux labadens !... Tu déjeunes avec moi ?

MISTINGUE.

Ça va !

LENGLUMÉ.

Où ai-je mis la clef de la cave ?

Il fouille à sa poche et en retire une poignée de noyaux.

Tiens ! qu’est-ce que c’est que ça ? des noyaux de cerises !

MISTINGUE, même jeu.

Et moi, des noyaux de prunes !

LENGLUMÉ.

D’où vient cette plantation ?

MISTINGUE.

Ça m’intrigue !

Avec philosophie.

Après ça, qui est-ce qui n’a pas son petit noyau ici-bas ?

LENGLUMÉ,

lui tendant la main, Mistingue y dépose ses noyaux.

Merci de cette bonne parole !

À part.

Comme il a le nez rouge !

 

 

Scène V

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE, JUSTIN, rapportant les redingotes et les paires de bottes

 

JUSTIN, à part, apercevant Mistingue.

Tiens, Monsieur qui est deux !

Haut.

Monsieur !...

LENGLUMÉ.

Que veux-tu ?

JUSTIN.

Je rapporte vos habits...

MISTINGUE, à part.

Il a un joli domestique !

JUSTIN.

Et les deux paires de bottes...

À part.

Par où est-il entré, celui-là ?

LENGLUMÉ.

Tu mettras trois couverts... j’ai un ami à déjeuner... Dépêche-toi.

JUSTIN.

Tout de suite, monsieur.

À part.

Par où diable est-il entré ?

Il sort.

 

 

Scène VI

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE

 

Tous deux s’asseyent et mettent leurs bottes.

LENGLUMÉ.

Dis donc, je vais te présenter à ma femme... mais ne lui parle pas du banquet Labadens.

MISTINGUE.

Sois tranquille !

À part, entrant ses bottes.

Mâtin ! elles sont justes !... c’est l’humidité !

LENGLUMÉ, à part.

On dirait que mes bottes se sont élargies... c’est l’humidité !...

Haut, tout en s’habillant.

Ah çà ! tu dois être dans une jolie position, toi ? un prix de vers latins ?

MISTINGUE, s’habillant.

Oui... je n’ai pas à me plaindre... je suis chef...

LENGLUMÉ.

De division ?

MISTINGUE.

Non !...

LENGLUMÉ.

De bataillon ?

MISTINGUE.

Non, je suis chef...

LENGLUMÉ.

Chef d’une nombreuse famille ?

MISTINGUE.

Non, chef de cuisine.

LENGLUMÉ.

Hein !... cuisinier ?

MISTINGUE.

Prête-moi des rasoirs... je vais me faire la barbe.

LENGLUMÉ.

Ah ! non... merci !... Ils sont cassés !

À part.

Cuisinier ! Je suis fâché de l’avoir invité !

MISTINGUE.

Ah çà ! dépêchons-nous de déjeuner, car, ce soir, je quitte la France.

LENGLUMÉ.

Comment ?

MISTINGUE.

Je vais dans le duché de Brunswick.

LENGLUMÉ.

Ah ! te posséder si peu !...

MISTINGUE.

Une place superbe !... Quatre mille balles !... et le beurre !

LENGLUMÉ, à part.

Ah ! qu’il est commun !... Si je pouvais le faire manger à la cuisine !

MISTINGUE, examinant ses mains qui sont toutes noires.

Ah ! voilà qui est particulier !

LENGLUMÉ.

Parbleu ! un cuisinier !

MISTINGUE, apercevant les mains de Lenglumé, qui sont noires aussi.

Tiens !...

LENGLUMÉ.

Les miennes aussi !... D’où diable cela peut-il venir ?

Fouillant à sa poche et en tirant un morceau de charbon.

Du charbon !... Tout à l’heure, c’étaient des noyaux !...

MISTINGUE, tirant aussi un morceau de charbon de sa poche.

Moi aussi ! moi aussi !

LENGLUMÉ.

Ah çà ! est-ce que nous aurions fraternisé cette nuit avec des charbonniers ?

MISTINGUE.

Fouchtra de la Catarina !

 

 

Scène VII

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE, NORINE, puis JUSTIN

 

NORINE.

Eh bien, es-tu prêt ?

Apercevant Mistingue et bas.

Quel est ce monsieur ?

LENGLUMÉ.

C’est... c’est un notaire !

MISTINGUE, bas à Lenglumé.

Superbe femme !... Présente-moi.

LENGLUMÉ.

Oui... Ma bonne amie... je te présente... l’élève Mistingue... né à Chablis...

MISTINGUE.

Et chef...

LENGLUMÉ, vivement.

D’une nombreuse famille.

Bas.

Tais-toi donc !

NORINE, saluant.

Monsieur...

MISTINGUE, de même.

Madame...

JUSTIN, apportant la table.

Le déjeuner est servi !

MISTINGUE.

Allons, à table ! à table !...

NORINE, à part.

Comment, à table ?...

Bas à son mari.

Est-ce que tu l’as invité ?

LENGLUMÉ, bas.

Que veux-tu ?... c’est un labandens !... un ami intime !... Tu prendras garde à l’argenterie !

NORINE.

Comment, à l’argenterie ?...

LENGLUMÉ.

À table ! à table !

Air de l’Ouragan.

Ensemble.

À table ! à table vite !

Ce repas

Aux mets délicats,

En vérité m’excite.

En vérité l’excite.

L’appétit

Vaut mieux que l’esprit !

NORINE, à part.

Comme c’est agréable !... Recevoir un jour de baptême !

MISTINGUE, mangeant.

Voilà une sauce complètement ratée !

NORINE.

Hein ?

MISTINGUE.

Ce n’est pas pour me vanter ; mais, quand je m’y mets...

LENGLUMÉ, bas.

Mais tais-toi donc !

Haut à sa femme.

T’en offrirai-je, ma louloute ?

NORINE, sèchement.

Merci ! puisque la sauce est mauvaise !

MISTINGUE.

Moi, je fais revenir mes oignons... j’ajoute un verre de vin blanc, et je tourne, je tourne... pour que ça mijote.

NORINE, à part.

Quel drôle de notaire !...

Haut.

Justin... donnez-moi le journal.

JUSTIN, à part.

Saprelotte !... je l’ai prêté à la cuisinière du premier, pour lire son feuilleton !...

MISTINGUE.

Vous ne mangez pas, madame Louloute ?

NORINE, furieuse.

Il m’appelle Louloute !

LENGLUMÉ.

C’est un lapsus... Un peu d’omelette ?

NORINE.

Je n’ai pas faim.

JUSTIN, prenant un journal qui enveloppe le pot à tabac.

En voilà un vieux... 1837... Après çà, elle ne lit que les chiens écrasés, ça n’a pas de date.

NORINE.

Eh bien... ce journal ?...

JUSTIN.

Voici, madame.

LENGLUMÉ, à Mistingue qui se verse du vin.

Voulez-vous de l’eau ?

MISTINGUE.

Jamais !... je suis au régime.

LENGLUMÉ, à part.

Ceci m’explique son nez.

Justin prend un plat et sort.

NORINE, qui a parcouru le journal.

Ah ! mon Dieu ! quel épouvantable événement !

MISTINGUE et LENGLUMÉ.

Quoi donc ?

NORINE, lisant.

« Ce matin, rue de Lourcine, le cadavre d’une jeune charbonnière a été trouvé horriblement mutilé... »

LENGLUMÉ.

C’est affreux !... Je reprendrai de l’omelette !

MISTINGUE.

Moi aussi !

NORINE, continuant.

« On suppose que les assassins étaient au nombre de deux... »

LENGLUMÉ.

Deux contre une femme ! les lâches !... Elle est un peu salée.

MISTINGUE.

Trop.

NORINE, continuant.

« La justice est sur la trace des coupables, grâce à deux pièces de conviction... »

LENGLUMÉ.

Bravo ! c’est bien fait !

NORINE, continuant.

« ...Un parapluie vert, surmonté d’une tête de singe... »

LENGLUMÉ et MISTINGUE.

Hein ?...

NORINE.

Juste comme celui du cousin Potard.

LENGLUMÉ, à part.

Ah ! mon Dieu !

NORINE.

Et un mouchoir marqué : J.M.

MISTINGUE.

Ma marque ! Mes cheveux se dressent !

NORINE, reprenant sa lecture.

« ...Que les deux bandits, qui étaient en état d’ivresse... »

LENGLUMÉ, à part.

C’est bien ça !

NORINE, achevant.

« ...ont oublié près d’un sac à charbon que portait la victime. »

LENGLUMÉ.

Du charbon !

Lenglumé et Mistingue regardent leurs mains noirs et poussent un cri.

Ah !

NORINE.

Qu’avez-vous donc ?

LENGLUMÉ et MISTINGUE, cachant vivement leurs mains sous la table.

Rien !... rien !...

NORINE, à Mistingue.

Une côtelette, monsieur ?

MISTINGUE.

Merci !... merci !... je n’ai plus faim !

NORINE.

Et toi, mon ami ?

LENGLUMÉ.

Moi non plus !

NORINE, à Justin qui vient de rentrer.

Justin ! servez le dessert !

MISTINGUE.

Je n’en prendrai pas !

LENGLUMÉ.

Nous n’en prendrons pas.

NORINE.

Alors, le café !... les liqueurs !...

Justin sort.

MISTINGUE.

Mille grâces !... j’ai fini !

LENGLUMÉ.

Nous avons fini !

NORINE, tendant son verre.

Eh bien, donne-moi à boire.

LENGLUMÉ, les mains sous la table.

Non !... j’ai ma crampe !...

Norine tend son verre à Mistingue.

MISTINGUE, de même.

Moi aussi... j’ai sa crampe !

NORINE, à part.

Pourquoi diable mettent-ils leurs mains sous la table ?

JUSTIN, rentrant et posant sur la table un plateau contenant le café et les liqueurs.

Madame, M. Potard est dans le petit salon.

NORINE, se levant.

Mon cousin !... le père de notre filleul... J’y vais.

CHŒUR.

Air : Dans notre noble Venise.

Quelle drôle d’aventure !

Je fais bien triste figure.

Il fait bien triste figure.

Si j’en sors blanc, je le jure,

Je serai guéri,

Il sera guéri,

Ravi !

Norine est suivie de Justin, qui a porté la table à droite.

 

 

Scène VIII

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE

 

LENGLUMÉ, montrant ses mains.

Eh bien, Mistingue ?

MISTINGUE, de même.

Eh bien, Lenglumé

LENGLUMÉ.

Plus de doute !... c’est nous qui avons fait le coup !

MISTINGUE.

Je n’osais pas te le dire !...

LENGLUMÉ.

C’est horrible !

MISTINGUE.

Moi qui ai le vin si gai !

LENGLUMÉ, poétiquement.

Pauvre charbonnière !... moissonnée à la fleur de l’âge !

MISTINGUE.

À coups de parapluie !... Dis donc : il faudrait peut-être nous laver les mains.

LENGLUMÉ, à part.

Il est canaille... mais plein de présence d’esprit !

Haut.

Vite ! de l’eau !

MISTINGUE.

Une brosse ! du savon !...

Ils courent au lavabo, qu’ils apportent sur le devant de la scène et s’y lavent les mains.

Ensemble.

Air : Finale du premier acte de Renaudin de Caen (Doche).

Lavons nos mains,

Et soyons bien certains

D’enlever tout indice.

Ne tremblons plus, car la justice

Par ce moyen ne saura rien !

Tout ira bien (bis).

Par ce moyen,

Le justice

Ne saura rien !

MISTINGUE.

Si nous voulons passer pour gens honnêtes,

C’est beaucoup d’avoir les mains nettes !

LENGLUMÉ.

Oui, mais, réponds, ta conscience, hélas !

Est-ce toi qui la laveras !

MISTINGUE.

Ah ! pour cela, point d’embarras,

La conscience, ami, ça n’se voit pas !

LENGLUMÉ.

Il a raison, ça n’se voit pas !

Mais, parle bas !

Du silence !

De la prudence !

Ensemble.

De la prudence !

Lavons nos mains,

Etc.

 

 

Scène IX

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE, NORINE, POTARD

 

NORINE, à la cantonade.

Entrez, cousin...

Apercevant son mari et Mistingue qui se lavent les mains avec acharnement.

Eh bien, qu’est-ce que vous faites donc là ?

LENGLUMÉ, très ému.

Tu vois... nous nous... nous nous...

MISTINGUE.

Lavons les mains.

LENGLUMÉ, reportant le lavabo.

Elles n’étaient pas noires !

MISTINGUE.

Au contraire.

LENGLUMÉ.

C’est pour nous distraire... entre labadens !... on fait la partie de se laver...

NORINE, à part.

Quelles singulières figures !...

POTARD.

Je vous dérange, cousin ?

LENGLUMÉ.

Du tout !

POTARD.

À propos ! Et mon parapluie ?

LENGLUMÉ, bondissant.

Sapristi !

MISTINGUE, bas.

Tenez-vous donc !

NORINE.

Je n’y comprends rien... impossible de le retrouver.

POTARD.

Ah ! il ne peut se perdre ; mon nom est gravé sur le manche, avec mon adresse.

LENGLUMÉ, bas, défaillant.

Je suis perdu !... il dira qu’il me l’a prêté !

MISTINGUE, bas.

Tenez-vous donc !

NORINE.

Tu es sorti hier au soir, mon ami ?

LENGLUMÉ.

Jamais !... jamais !... j’invoque un alibi !

MISTINGUE, vivement.

Nous étions à Vaugirard.

NORINE, à part.

Vaugirard ? un alibi ?... qu’est-ce qu’ils ont ?

Haut.

Cependant tes bottes étaient crottées !

POTARD.

Et je vous ai rencontrés, mes gaillards !

LENGLUMÉ, bas.

Un témoin à charge !

MISTINGUE, à part.

Sapristi !

NORINE.

Rencontrés !... Et où cela, S.V.P. ?

POTARD.

Mais dans un endroit...

MISTINGUE, l’interrompant vivement.

C’est faux !

LENGLUMÉ.

Nous tournions le dos à la rue de Lourcine.

POTARD.

Qui vous parle de la rue de Lourcine ?... J’ai rencontré ces messieurs au théâtre de l’Odéon.

LENGLUMÉ et MISTINGUE.

Hein ?...

POTARD.

Et je ne les ai pas quittés de la soirée.

LENGLUMÉ.

Pas quittés !

MISTINGUE.

De la soirée !

Tous deux dansent en chantant.

Tra la la la !

NORINE, à part.

Mon mari devient fou !

Criant.

Lenglumé ! Lenglumé !... mais habille-toi donc pour le baptême !

LENGLUMÉ, avec exaltation.

Oh ! oui ? je veux sortir ! je veux respirer la brise ! je veux baptiser le petit Potard !... et regarder en face toute la gendarmerie française !...

Il embrasse sa femme.

NORINE.

Mais finis donc ! tu me chiffonnes !... Venez, cousin, laissons-le s’habiller... je vous montrerai la robe de baptême pour votre petit garçon.

À son mari.

Dépêche-toi !

Elle entre à gauche, deuxième plan. Potard reste au fond.

LENGLUMÉ, bas.

Il était inutile de nous laver les mains.

MISTINGUE, bas.

Ah ben ! c’est fait, à présent !

LENGLUMÉ.

L’Odéon !

MISTINGUE.

L’Odéon !

Ils s’embrassent.

POTARD, descendant.

Mais c’est une craque !... Vous savez bien qu’en été il est fermé, l’Odéon.

LENGLUMÉ et MISTINGUE, terrifiés.

Hein ?... fermé ?...

POTARD.

Devant votre femme, je n’ai pas voulu dire ce que je savais...

LENGLUMÉ.

Quoi ?

MISTINGUE.

Que savez-vous ?

NORINE, dans la coulisse.

Venez donc, cousin !

POTARD.

Voilà ! voilà !

Avant de sortir.

Ah ! vous êtes deux fiers scélérats !

Il entre au deuxième plan, à gauche.

 

 

Scène X

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE

 

MISTINGUE.

Deux scélérats !

LENGLUMÉ.

Il sait tout !... ces émotions me disloquent !

MISTINGUE.

Moi, je ruisselle !

Il va à la table et se verse un grand verre de curaçao.

LENGLUMÉ.

Qu’est-ce que tu fais là ?

MISTINGUE, buvant.

Je ne sais pas, mais, quand j’ai du tintouin, je m’étourdis !...

LENGLUMÉ.

Allons ! donne-moi un verre d’eau rougie... ça m’étourdira peut-être aussi...

MISTINGUE, lui versant un plein verre de curaçao.

Avale-moi ça... c’est un velours.

LENGLUMÉ, vidant le verre d’un trait.

Mais c’est du curaçao !

MISTINGUE.

De Hollande !

LENGLUMÉ.

C’est doux... ah ! ça fait du bien !

MISTINGUE.

Ça donne du ton.

Ils fouillent dans leurs poches pour en tirer leurs mouchoirs. Lenglumé amène un bonnet de femme, et Mistingue un soulier.

LENGLUMÉ.

Hein !... un bonnet de femme à présent !

MISTINGUE.

Un soulier !

LENGLUMÉ.

Les dépouilles de notre victime !... il paraît que nous l’avons décoiffée !

MISTINGUE.

Et déchaussée !

LENGLUMÉ.

Moi, un homme rangé !... Comment faire disparaître ces traces ?... Ah ! dans ce pot à tabac !

MISTINGUE.

As-tu un puits dans ta maison ?

Il heurte une chaise.

Aïe !

LENGLUMÉ, effrayé.

Les gendarmes !

Il fourre le bonnet dans le pot à tabac.

MISTINGUE.

Non... je me suis cogné.

LENGLUMÉ.

Dieu ! que j’ai eu peur !

MISTINGUE.

Mais ce soulier ?

LENGLUMÉ.

Fais-le disparaître !... mange-le !... n’hésite pas !

MISTINGUE, faisant mine de l’avaler, et s’arrêtant.

Non... je vais le réduire en cendres... Où y a-t-il du feu ?

LENGLUMÉ, indiquant la gauche, premier plan.

Là, dans cette chambre.

Apercevant ses mains qui sont redevenues noires.

Ah !

MISTINGUE, bondissant.

Les gendarmes !

LENGLUMÉ.

Non !... toujours ce charbon qui reparaît... comme la tache de sang de Macbeth !...

MISTINGUE, montrant ses mains.

Les miennes aussi !

LENGLUMÉ.

Ah ! je ne veux plus tuer de charbonnière, c’est trop salissant !

MISTINGUE.

Vite de l’eau !

LENGLUMÉ.

Une brosse !... du savon !

Ils courent au lavabo, le rapportent et se lavent les mains en reprenant la seconde partie de l’air précédent.

Lavons nos mains,

Etc.

 

 

Scène XI

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE, NORINE

 

NORINE.

Eh bien ! es-tu prêt ?

Les apercevant.

Comment ! encore !

MISTINGUE, ahuri.

On n’entre pas !...

NORINE.

Ah çà ! tu te laveras donc les mains toute la journée ?

Mistingue reporte le lavabo au fond, à droite.

LENGLUMÉ.

C’est aujourd’hui ma fête, et alors...

NORINE.

Ta fête ! tu ne m’as seulement pas remerciée de ma surprise.

LENGLUMÉ.

Quelle surprise ?

NORINE.

Ce pot de tabac, comment le trouves-tu ?

Elle se dispose à l’ouvrir.

LENGLUMÉ, à part.

Le bonnet !

Haut.

Ne touche pas !

MISTINGUE, la retenant.

Ne touchez pas !

NORINE.

Pourquoi ça ?

LENGLUMÉ.

Parce que ça pourrait s’éventer.

MISTINGUE.

Le tabac... c’est comme l’éther !

NORINE, à part.

Oh ! il y a quelque chose !

Haut.

Encore une fois, dépêche-toi, on va nous attendre !

LENGLUMÉ.

Je vais chercher mon chapeau.

À part.

Je cours à la préfecture demander un passeport... et, dans un quart d’heure, je serai en Amérique.

Ensemble.

Air : La cloche nous appelle.

NORINE.

Quel singulier langage !

Qu’il est extravagant !...

J’en saurai davantage

Dans un autre moment.

LENGLUMÉ et MISTINGUE.

Ah ! reprenons courage

Et fuyons l’ouragan !

Fallût-il, à la nage,

Traverser l’Océan !

MISTINGUE, à part.

La frayeur qui m’inspire

Agite tout mon corps ;

Je m’en vais faire cuire

Le soulier du remords !

Reprise ensemble

LENGLUMÉ et MISTINGUE.

Ah ! reprenons courage,

Etc.

NORINE.

Quel singulier langage,

Etc., etc.

Lenglumé sort par le fond. Mistingue entre par la gauche, premier plan.

 

 

Scène XII

 

NORINE, puis POTARD

 

NORINE, seule.

Bien sûr, il y a quelque chose... cette figure renversée... quand j’ai voulu ouvrir ce pot de tabac... qu’est-ce que ça peut être ?...

Elle s’en approche.

POTARD, entrant.

Oh ! ma cousine, c’est trop !... Vous avez fait des folies.

NORINE, s’éloignant du pot à tabac sans l’avoir ouvert.

Quoi donc ?

POTARD.

Une robe brodée... et deux petits bonnets !...

NORINE.

Ne parlons pas de ça... N’êtes-vous pas notre seul parent du côté des Frottemouillard ?

POTARD.

C’est vrai... Vous êtes si bonne pour moi... Cela m’encourage, cousine, j’ai une demande à vous faire.

NORINE.

À moi ?

POTARD.

C’est-à-dire à votre mari.

NORINE.

Voyons !

POTARD.

C’est que c’est une demande d’argent.

NORINE.

Eh bien, qu’est-ce que ça fait ?

POTARD.

Pendant sa grossesse, ma femme a eu des envies ruineuses... elle ne voulait manger que du melon et des fraises...

NORINE.

Moi, j’avalais des boîtes de sardines.

POTARD.

J’aurais préféré des sardines, parce que les melons et les fraises... au mois de janvier... ça coûte cher !... mais j’avais peur que le petit n’en fût marqué.

NORINE.

Mon filleul marqué d’un melon, quelle horreur !

POTARD.

Bref ! je dois quinze cents francs à un marchand de comestibles qui me poursuit !

NORINE.

Eh bien, il faut les payer... nous sommes riches.

POTARD.

Ah ! cousine !

NORINE.

À qui prêterons-nous notre argent, si ce n’est à vous, notre seul parent du côté des Frottemouillard ?

POTARD.

Que de bontés ! je n’ai jamais douté de vous... mais...

NORINE.

Quoi ?

POTARD.

C’est votre mari... Il est un peu dur à la détente, le père Lenglumé.

LENGLUMÉ, dans la coulisse.

Je n’y suis pour personne !

NORINE.

Le voici ! il faut lui parler ; je vous soutiendrai.

 

 

Scène XIII

 

NORINE, POTARD, LENGLUMÉ

 

LENGLUMÉ, entrant très agité, à part.

C’est aujourd’hui dimanche... la préfecture est fermée... et pas de passeport... malédiction !

NORINE.

Mon ami !...

LENGLUMÉ, à part.

Ma femme !... prenons une figure de jubilation.

Haut.

Je suis très gai !...

Avec mauvaise humeur.

Ah ! je suis très gai !

NORINE.

Tant mieux ! C’est le cousin Potard... qui aurait une petite confidence à te faire.

LENGLUMÉ, à part.

Le cousin Potard !... mon témoin à charge !

Haut.

En effet... je crois que nous avons à causer seul à seul... Laisse-nous, ma bonne amie.

NORINE.

Mais...

LENGLUMÉ.

Laisse-nous.

NORINE.

Je m’en vais !

Bas à Potard.

Allez... du courage !

CHŒUR.

Air du Palais de chrysocale (Mangeant).

Il faut qu’on s’explique,

C’est trop hésiter.

Soyons énergique,

Soyez énergique,

Osons l’affronter !

Osez l’affronter !

Norine sort par le fond.

 

 

Scène XIV

 

LENGLUMÉ, POTARD

 

LENGLUMÉ.

Nous sommes seuls... parle bas !...

POTARD.

Ah !... il faut parler bas ?...

LENGLUMÉ.

Oui.

POTARD, à part.

Pourquoi ça ?

LENGLUMÉ.

Eh bien, Potard, c’est atroce, n’est-ce pas ?

POTARD.

Quoi ?

LENGLUMÉ.

Tu m’as vu cette nuit ?

POTARD.

Je vous ai même suivi... vous battiez les murs... et tout ce qui se trouvait devant vous... avec mon parapluie... pif ! paf ! pan !

LENGLUMÉ, à part.

La malheureuse !...

POTARD.

Ah ! vous allez bien quand vous vous y mettez !

LENGLUMÉ.

Je te jure que c’est la première fois que je m’y mets !... Pauvre femme !...

POTARD.

Votre femme n’en saura rien.

LENGLUMÉ.

Oui... mais l’autre !

Il indique le ciel.

POTARD, à part, riant.

Comment, il en a une autre ?... au-dessus ?

LENGLUMÉ.

Potard... j’ai une demande à t’adresser.

POTARD.

Moi aussi !

LENGLUMÉ.

Tu ne voudrais pas me mettre dans la peine, n’est-ce pas ? toi, notre seul parent du côté des Frottemouillard !

POTARD.

Parlez, cousin.

LENGLUMÉ.

Eh bien, si jamais on te demande à qui tu as prêté ton parapluie... ton sinistre parapluie !...

POTARD.

Qu’est-ce qu’il a ?

LENGLUMÉ.

Réponds... ah ! réponds que tu l’as égaré dans le chemin de fer de Versailles en allant voir jouer les eaux, un dimanche !...

POTARD.

Tiens !... quelle drôle d’idée !

LENGLUMÉ.

Tu m’as compris ?

POTARD.

C’est-à-dire...

LENGLUMÉ, lui serrant la main.

Merci !... merci !...

Soupir de satisfaction.

POTARD, à part.

Il a l’air bien disposé.

Haut.

Cousin, à mon tour, j’ai un service à vous demander.

LENGLUMÉ.

Parle, tu sais bien que je n’ai rien à te refuser.

POTARD.

C’est que... il s’agit d’argent...

LENGLUMÉ.

Ah ! il s’agit...

À part.

Il veut me faire chanter !

Haut.

Voyons... tu es honnête... sois modéré : combien ?

POTARD, après avoir hésité.

Quinze cents francs !...

LENGLUMÉ, joyeux.

Pas plus ?

À part.

Air de Voltaire chez Ninon.

Le progrès règne maintenant.

Jadis on ne faisait usage

Que de l’art sublime du chant.

À présent on a... le chantage !

À Potard.

Noble cœur ! de toi je suis fier,

Tu pouvais, sur ta serinette,

Me faire chanter un grand air ;

Tu t’en tiens à la chansonnette !

C’est très gentil !

Lui remettant deux billets.

Voilà !

POTARD.

Ah ! cousin !... tant de générosité !... Tenez, laissez-moi vous remercier !

Il l’embrasse.

LENGLUMÉ, touché.

Ah ! tu ne crains pas de m’embrasser, toi ! tu es un homme fort !

POTARD, à part.

Qu’est-ce qu’il a ?

Haut.

J’entre dans votre cabinet pour écrire à mon créancier. Vous permettez ?

LENGLUMÉ.

Tout ; mais tu me jures de jeter un voile épais ?...

POTARD.

Sur quoi ?

LENGLUMÉ.

Sur cette nuit d’horreur !

POTARD.

Allons donc !... une peccadille !...

LENGLUMÉ, satisfait.

Une peccadille !... Oh ! tu es un homme fort !

POTARD.

Soyez tranquille, je n’en parlerai à personne... excepté à ma femme pourtant !

LENGLUMÉ.

Ta femme ? La première bavarde du quartier !

POTARD.

Je ne peux rien lui cacher. Elle a un talent pour me tirer les vers du nez.

LENGLUMÉ.

Potard !... au nom du ciel !...

POTARD.

Non ; je ne pourrais pas vous tenir parole !

Il se dirige vers le cabinet.

LENGLUMÉ, courant après lui.

Potard !... Potard !...

POTARD.

C’est impossible !

Il entre à droite, premier plan, et ferme la porte.

 

 

Scène XV

 

LENGLUMÉ, puis JUSTIN

 

LENGLUMÉ.

Impossible !... Je suis un homme perdu ! Sa femme va tout raconter, et le mois prochain on criera : « V’là c’qui vient de paraître !... Horrible assassinat, commis par la bande Lenglumé ! ça ne se vend qu’un sou ! »

Frissonnant.

Brrr !... Dire que, si je pouvais fermer la bouche à cet homme, tout serait fini !... tout !...

JUSTIN, entrant de la gauche avec un réchaud de charbon.

Il est complet, l’ami de Monsieur.

LENGLUMÉ, à part.

Du monde !

Il se retourne.

JUSTIN, à part, riant.

Il a bu tout le genièvre... Dans ce moment, il fait cuire un soulier sur le gril et il pleure dessus !

LENGLUMÉ.

Où vas-tu ?...

Montrant le réchaud.

Qu’est-ce que c’est que ça ?

JUSTIN.

C’est un réchaud de charbon allumé, je le porte dans la bibliothèque pour sécher le papier.

Il entre à droite, premier plan.

LENGLUMÉ, seul.

Un réchaud !... Et Potard qui est là !... il va l’asphyxier !...

Gaiement.

Il va l’asphyxier... ce garçon-là finira mal !...

NORINE, dans la coulisse.

Lenglumé !... Lenglumé !...

LENGLUMÉ.

N’entre pas !... n’entre pas !

Il sort vivement par la gauche, deuxième plan.

JUSTIN, rentrant.

J’ai ouvert les deux fenêtres... à cause de ce monsieur qui écrit... Mais, pourquoi diable l’autre fait-il cuire son soulier !... Ah ! il est cocasse !... il dit qu’il a massacré une charbonnière, rue de Lourcine... et qu’il a mis son bonnet dans un pot... Ce que c’est que les liqueurs !... Tiens ! le tabac... Monsieur n’y est pas... je vais bourrer ma pipe.

Il tire sa pipe et ôte le couvercle du pot.

LENGLUMÉ, revenant et apercevant Justin.

Qu’est-ce que tu fais là ?

JUSTIN.

Oh !

Il tourne vivement le dos au pot et continue à bourrer sa pipe par derrière ; au lieu de tabac, il y fourre les rubans du bonnet.

LENGLUMÉ.

Va-t’en.

JUSTIN.

Oui, monsieur.

En s’éloignant il entraîne le bonnet.

Un bonnet !

LENGLUMÉ.

Silence !

JUSTIN.

Ah ! mon Dieu !... c’était donc vrai... celui de la charbonnière !... dans un pot !

LENGLUMÉ, effrayé.

Comment !... tu sais ?...

JUSTIN.

Rue de Lourcine !

LENGLUMÉ, le saisissant à la gorge.

Misérable !... je vais t’étrangler !

JUSTIN.

Au secours ! au secours !

Il se sauve à droite, deuxième plan.

 

 

Scène XVI

 

LENGLUMÉ, JUSTIN, NORINE

 

NORINE.

Ces cris !... qu’y a-t-il ?

LENGLUMÉ, très calme.

Rien... je causais avec Justin... ce brave Justin !...

NORINE, un papier à la main.

Qu’est-ce que c’est que cette note que je viens de recevoir ?... tu n’as rien demandé ?

LENGLUMÉ.

Non !

À part.

Il faut absolument qu’il se taise !... il le faut !...

Il se dirige vers la porte par laquelle est entré Justin.

NORINE.

Où vas-tu ?...

LENGLUMÉ, tranquillement.

Casser du sucre... avec ce brave Justin !...

À part.

Il le faut !

 

 

Scène XVII

 

NORINE, puis JUSTIN

 

NORINE.

Casser du sucre par là !... mais les volets sont fermés...

JUSTIN, paraissant à la porte de gauche, deuxième plan.

Madame... on attend pour cette petite note.

Il disparaît.

NORINE.

Je n’y comprends rien !... absolument rien !... Sans doute il y a erreur... il faut qu’on s’explique... je vais voir...

Appelant.

Justin !... Justin !...

Elle sort par la gauche.

 

 

Scène XVIII

 

LENGLUMÉ, NORINE

 

LENGLUMÉ, pâle, défait.

En entrant, il va à la table et boit deux verres de curaçao. Musique à l’orchestre.

C’est fait !... c’est horrible !... c’est fait !... Je lui ai dit : Justin, mille francs pour toi si tu veux te taire... pas de réponse !... deux mille francs !... c’était pourtant gentil... mais je ne voulais rien avoir à me reprocher, pas de réponse !... alors, je me jette à ses genoux... il me fait : Psch ! psch !... pour me narguer !... Je m’emporte ! je m’exaspère ! je lui saute au cou !... il m’égratigne !... je serre !... j’entends un râle... miaou !... c’était fait... c’est bien simple !... Comme l’homme est peu !... Pauvre Justin ! j’avais toujours pensé que ce garçon-là finirait mal...

Se grisant par degrés.

Ce que c’est que le remords... tout tourne... tout danse autour de moi... comme au banquet Labadens.

MISTINGUE, en dehors.

Air de Dufresny (les Vendanges, sans l’orchestre).

Dans la vigne à Claudine

Les vendangeurs y vont.

LENGLUMÉ, complètement gris.

Tiens !... le petit biberon qui chante sa darbo !...

 

 

Scène XIX

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE

 

MISTINGUE, entrant et continuant.

On choisit à la mine

Ceux qui vendangeront.

LENGLUMÉ.

Aux vendangeurs qui brillent

On y donne le pas ;

Les autres y grappillent,

Mais n’y vendangent pas !

ENSEMBLE.

Les autres y grappillent,

Mais n’y vendangent pas !

MISTINGUE.

Je ris... je ris comme un bossu !

LENGLUMÉ.

Moi aussi !

MISTINGUE.

Tu sais bien, le soulier de la charbonnière ?...

LENGLUMÉ.

Oui... oui...

MISTINGUE.

C’est comique !... je l’ai mis sur le gril... il se tortille... il se retourne, et il fait coui ! coui !

LENGLUMÉ, très gaiement.

Coui ! coui !...

À Mistingue.

Tu sais bien, Potard... le témoin à charge ?

MISTINGUE.

Oui.

LENGLUMÉ, riant.

Couic !

MISTINGUE.

Bon ! très bon !

LENGLUMÉ.

Et Justin !

Même geste.

Couac !

MISTINGUE.

Bon ! très bon !

LENGLUMÉ.

Comme ça, il n’y a plus de témoins !... plus personne !

MISTINGUE.

Absolument ! Ah ! si, il y a quelqu’un !

LENGLUMÉ, furieux.

Où est-il ?

MISTINGUE.

Toi !

LENGLUMÉ.

Et toi !

MISTINGUE, à part.

C’est peut-être indélicat ce que je vais dire là !...

Riant.

Si je supprimais Lenglumé ?

LENGLUMÉ, à part.

À la merci d’un ivrogne !... Si je supprimais Mistingue ?... Ça y est !...

MISTINGUE, à part.

Ça va !

LENGLUMÉ, lui tendant la main.

Ce brave Mistingue !...

MISTINGUE, même jeu.

Ce brave Lenglumé !

LENGLUMÉ, à part.

Un labadens ! ça me fait de la peine !...

MISTINGUE, à part.

Ça me fait de la peine !... un labadens !

TOUS DEUX, frappés d’une idée.

Ah !...

LENGLUMÉ, prenant sur la table une grande cuiller à potage.

Ceci fera l’affaire !...

MISTINGUE, allant prendre une bûche près de la cheminée.

Dès que je pourrai trouver mon petit joint... une vingtaine de coups !

LENGLUMÉ, il prend le journal et présente une chaise à Mistingue.

Asseyons-nous, mon ami !

MISTINGUE, apportant une chaise.

Volontiers !...

À part.

Exauçons ses dernières volontés !

Ils s’asseyent.

LENGLUMÉ.

Et lis-moi le journal.

MISTINGUE, à part.

Tiens ! si ça pouvait l’endormir.

LENGLUMÉ.

Tu y verras l’histoire de la malheureuse charbonnière...

MISTINGUE.

Bien malheureuse, en effet !

LENGLUMÉ.

Y es-tu ?

MISTINGUE.

J’y suis...

Lisant.

« Mardi prochain, tout Paris se portera sur la place de la Concorde pour assister à l’érection de l’obélisque de Louqsor... »

LENGLUMÉ, debout ; derrière lui, et tenant sa cuiller à deux mains, prêt à l’assommer.

L’obélisque !... qu’est-ce qu’il chante ?

MISTINGUE.

C’est imprimé !

LENGLUMÉ, prenant le journal et lisant.

« Le monolithe sera découvert demain, 24 juillet 1837. »

Avec joie.

1837 !...

MISTINGUE, la bûche en l’air.

Hein !... 1837 !

LENGLUMÉ.

C’est un vieux journal !...

MISTINGUE.

Il y a vingt ans !... Mais alors la charbonnière...

LENGLUMÉ.

Nous sommes innocents !... Ah ! mon ami !...

Ils tombent dans les bras l’un de l’autre en s’embrassant avec effusion.

Et moi qui allais t’assommer !

MISTINGUE.

Tiens ! moi aussi !

LENGLUMÉ, se dégageant.

Ah ! ça va mieux ! ça me dégrise !...

Se rappelant tout à coup.

Ah ! sapristi ! et les deux autres !... car tu sais... j’ai tué deux hommes !

MISTINGUE, vivement.

Ah ! mais je n’en suis pas, de ceux-là !

 

 

Scène XX

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE, JUSTIN, puis POTARD

 

JUSTIN, entrant par la gauche, deuxième plan.

Monsieur, Madame fait demander si...

LENGLUMÉ.

Hein !... tu n’es pas mort ?

JUSTIN.

Par exemple !

LENGLUMÉ.

Brave garçon !... Tiens, voilà cent sous pour toi !

JUSTIN.

Pour n’être pas mort ?

LENGLUMÉ.

Reste à un !

POTARD, sortant, sa lettre à la main.

Cousin, je vous remercie !

LENGLUMÉ.

L’autre... Tu n’es pas mort ?

POTARD.

Comment ?

LENGLUMÉ.

Bon jeune homme !... Tiens, voilà cent sous pour toi !

POTARD.

Cent sous ?...

LENGLUMÉ.

Reste à zéro !

MISTINGUE, à part.

Sapristi ! j’ai mal à la tête !...

Il remonte et disparaît derrière les rideaux du lit.

LENGLUMÉ.

Mais qui donc était là, là... dans ce cabinet ?

 

 

Scène XXI

 

LENGLUMÉ, MISTINGUE, JUSTIN, POTARD, NORINE

 

NORINE, entrant.

C’est horrible !... c’est affreux !

TOUS.

Qu’y a-t-il ?

NORINE.

Moumoute, ma chatte ! que je viens de trouver sans connaissance !

LENGLUMÉ.

La chatte !... un chatricide !

NORINE.

Ah ! monsieur, je ne vous le pardonnerai jamais... surtout après ce que je viens d’apprendre.

LENGLUMÉ.

Quoi donc ?

NORINE.

Où avez-vous passé la nuit, monsieur ?

LENGLUMÉ.

Ça, je ne serais pas fâché de le savoir... Mistingue non plus.

Le cherchant du regard.

Tiens ! où est-il donc ?

NORINE.

Eh bien, je vais vous le dire : Vous vous êtes roulé dans l’orgie, chez des liquoristes de bas étage !

LENGLUMÉ.

Moi ?

NORINE, lui tendant un papier.

Chez la mère Moreau !

TOUS.

Oh !

NORINE.

Oser le nier ! voici la note de vos déportements !

Lisant.

« Trois bocaux de cerises à l’eau-de-vie !... deux idem de prunes ! »

LENGLUMÉ, se rappelant.

Ah ! les noyaux !... les noyaux !...

NORINE, lisant.

« Plus : un bonnet de femme, un soulier du même sexe et un tour en cheveux appartenant à la demoiselle de comptoir. »

LENGLUMÉ.

Ah ! je comprends !... je comprends !...

NORINE.

Total : soixante-quatre francs.

LENGLUMÉ.

C’est chacun trente-deux... Mistingue ! où diable est-il passé ?

NORINE.

Et vous étiez tellement abruti par l’alcool, qu’il a fallu vous enfermer dans la cave au charbon !

LENGLUMÉ.

Attends !

Fouillant à sa poche.

Il m’en reste un morceau... Je vais t’expliquer...

NORINE.

On nous attend pour le baptême, monsieur ; mais nous causerons ce soir.

LENGLUMÉ, à part.

La nuit sera orageuse !... Il faudra que je me fasse pardonner !

On entend ronfler dans l’alcôve.

TOUS.

Qu’est-ce que c’est ?

LENGLUMÉ.

Sapristi !... est-ce que j’aurais ramené un troisième labadens ?

Justin ouvre les rideaux de l’alcôve. On aperçoit Mistingue couché tout habillé sur le lit.

TOUS.

Encore lui !

LENGLUMÉ.

Ah çà ! il ne sortira donc pas de mon lit ? Donne-moi ma canne !...

Se ravisant.

Ou plutôt non !... ne le réveillons pas... Justin !

JUSTIN.

Monsieur ?

LENGLUMÉ, montrant Mistingue.

Tu vois bien ce colis... dès que nous serons partis... tu lui colleras dans le dos une étiquette, avec cette inscription : Cuisinier pour Brunswick. – Fragile. Après quoi, tu le déposeras à la gare de Strasbourg... bureau des marchandises... Aies-en bien soin... c’est un labadens !

CHŒUR.

Air de Mangeant.

Ah ! rions des suites

De notre frayeur ;

Nous en voilà quittes,

Enfin, pour la peur !

LENGLUMÉ, au public.

Air : Tu n’as pas vu ces bosquets de lauriers.

Tous nos forfaits doivent vous étonner ;

Mistingue et moi, nous somme sans malice.

Ne soyez pas prompts à nous condamner,

Et pesez bien tout dans votre justice.

Nous désirions, nous osions espérer,

Vous faire rire au gré de votre attente.

L’intention est à considérer ;

Aussi, messieurs, nous venons implorer

La circonstance atténuante.

Chœur. Reprise.

Ah ! rions des suites,

Etc.

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