Madame Schlick (Eugène SCRIBE - Antoine-François VARNER)

Comédie-vaudeville en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du Gymnase, le 9 février 1852.

 

LE COMTE DE WALSBERG, frère de Catherine

SCHLICK, cocher de la baronne

GOLTZ, valet de chambre de la baronne

CATHERINE, baronne de Puckler

GEORGINA HATWANI, amie de Catherine

 

La scène se passe, a Vienne, dans l’hôtel de la baronne.

 

Un salon, porte au fond, à gauche, au premier plan, porte d’intérieur, autre porte dans l’angle gauche, au fond ; à droite, également une porte dans l’angle du fond ; au premier plan, une cheminée garnie ; à gauche, au premier plan, une toilette ; à droite, près de la cheminée, un petit guéridon ; au fond, une console sur laquelle on trouve tout ce qu’il faut pour écrire.

 

 

Scène première

 

CATHERINE, GEORGINA

 

CATHERINE, entrant du fond.

Ne crains rien !... personne ne t’a vue entrer... tous mes gens se lèvent tard dans l’hôtel.

GEORGINA.

Comme les domestiques de bonne maison. Du reste, c’est la première fois que je viens à Vienne, et sous cet habit plus que modeste, nul ne devinerait qui je suis.

CATHERINE.

Je te revois donc enfin, ma bonne Georgina, mon amie d’enfance et de couvent, pauvre jeune fille échappée à tant de dangers !...

GEORGINA.

Pas encore ; mais sans toi, sans ta lettre qui m’offrait un asile, je ne sais où j’aurais dirigé mes pas.

CATHERINE.

Et ton frère, ma belle fugitive ?...

GEORGINA.

Depuis les frontières de la Hongrie, je l’avais accompagné et j’espérais ne pas le quitter ; mais partout on avait donné le signalement du comte Hatwani et de sa sœur ; deux proscrits sont plus faciles à reconnaître, et ne fût-ce que pour dérouter ceux qui nous poursuivaient, il a bien fallu nous séparer. Le salut de mon frère l’exigeait... et lui avant tout !

CATHERINE.

Je n’ose pas te dire que, malgré nos démarches et nos prières...

GEORGINA.

Condamné, je le sais !... ce devait être !... Jeté, malgré lui, dans cette insurrection hongroise qu’il n’approuvait point, mais que sa position et son rang ne lui permettaient pas d’abandonner, il n’avait que trop bien prévu son sort.

CATHERINE.

Mon Dieu ! le tout est de gagner du temps : car il vient un jour où la meilleure politique est encore la clémence ; et pourvu que ton frère se dérobe aux premières recherches, pourvu qu’il puisse, comme je le lui ai fait dire, te rejoindre en secret a Vienne...

GEORGINA.

Tu crois ?

CATHERINE.

Une grande capitale est l’endroit où l’on est le plus en sûreté ; et ici, dans mon hôtel, près du cabinet de mon mari, derrière une boiserie, il y a une cachette, un réduit que personne ne connaît... Qui, d’ailleurs, oserait me soupçonner de cacher un proscrit, moi, la baronne de Puckler, dont la famille est si bien en cour, dont le frère doit épouser, la semaine prochaine, la fille d’un de nos ministres !

GEORGINA.

En vérité !

CATHERINE.

Eh ! oui vraiment, Léopold de Walsberg, mon frère, se marie.

GEORGINA.

Lui ? si étourdi, si inconséquent !...

CATHERINE, souriant.

Tu le connais bien.

GEORGINA.

Non, mais tu m’en as si souvent parlé... il était le sujet de toutes nos conversations au couvent, et tu devais me le présenter cet hiver.

CATHERINE.

C’est vrai.

GEORGINA.

Je devais venir de Hongrie à Vienne exprès pour ton premier bal.

CATHERINE.

C’est vrai !... mon frère s’était même inscrit, par correspondance, pour la première polka.

GEORGINA.

Justement, mais les révolutions !...

CATHERINE.

Elles ne respectent rien.

GEORGINA.

Pas même les bals !...

CATHERINE.

Bah ! cela reviendra. On s’ennuie de tout, même de s’ennuyer, de déraisonner et de se détester, quand il serait si facile de s’amuser, de s’aimer et de se donner la main.

GEORGINA, souriant.

Ce serait là, pour le coup, une révolution...

CATHERINE.

Que nous autres femmes pouvons seules tenter et faire réussir. Commençons aujourd’hui : que le proscrit, s’il se présente, soit reçu...

GEORGINA.

En frère...

CATHERINE.

Enfermé dans une prison...

GEORGINA.

De plaisance.

CATHERINE.

Où nous lui tiendrons compagnie, où nous lui ferons des lectures, de la musique...

GEORGINA.

Bien ! bien ! Je ne suis plus inquiète de lui... mais moi !... que serai-je ici ? que feras-tu de moi ?

CATHERINE.

Crois-tu donc que je n’y aie pas déjà songé ?... Écoute : j’ai un cocher, monsieur Schlick, qui était allé dans son pays pour se marier ; je lui avais donné huit jours de congé : je lui ai écrit hier que je lui accordais le mois entier... la lune de miel !

GEORGINA.

Eh bien, quel rapport ?...

CATHERINE.

Attends donc !... j’avais promis à monsieur Schlick, et tout le monde le sait à l’hôtel, de prendre la nouvelle mariée, mademoiselle Gertrude, pour femme de chambre... car il m’en faut une.

GEORGINA.

Vraiment ?...

CATHERINE.

Commences-tu à comprendre ? monsieur Schlick sera resté au pays pour affaires de famille ; mais il se sera fait précéder par sa femme, dont j’ai besoin.

GEORGINA, gaiement.

Moi, ta femme de chambre ? c’est admirable !

CATHERINE.

Je crois bien !... nous pourrons, au vu et au su de tout le monde, passer des journées entières ensemble, dans ma chambre ou dans mon boudoir, et même nous y enfermer.

GEORGINA.

Sans exciter de soupçons.

CATHERINE.

Je ne cours qu’un danger, mais qui est grave : sauras-tu me coiffer et m’habiller ?

GEORGINA, riant.

Bah ! à nous deux... nous tâcherons ! mais puisque me voilà madame Schlick, donne-moi au moins quelques détails sur monsieur Schlick, mon mari.

CATHERINE.

C’est inutile, tu ne le verras pas... et d’ici à son retour, nous avons un mois pour aviser.

GEORGINA.

Mais si en attendant on me parlait de lui ?...

CATHERINE.

Sois tranquille... je t’ai très bien mariée ; monsieur Schlick, mon cocher, est un homme mûr, froid, sec, bai-brun, aimant son devoir et ses chevaux par-dessous tout... et enfin rigide à l’excès sur le chapitre des mœurs ; aussi, il aura choisi, j’en suis sûre, une très honnête femme.

 

 

Scène II

 

CATHERINE, GEORGINA, GOLTZ, ouvre au fond

 

GEORGINA, avec humeur et à demi-voix.

Ah ! mon Dieu ! qui vient nous déranger ?...

CATHERINE, bas.

Tais-toi !

GOLTZ.

Madame...

CATHERINE, à Georgina.

Un de tes nouveaux camarades, Goltz, le domestique de mon mari, indiscret, curieux et la plus mauvaise langue de toute ma livrée.

GOLTZ, s’avançant.

Une visite pour Madame... une voiture entre dans la cour.

CATHERINE.

Vous direz que je ne reçois pas si matin... Monsieur Goltz, voici ma nouvelle femme de chambre, madame Schlick...

GOLTZ, d’un air de ravissement.

Notre ami, notre camarade, ce bon Schlick est de retour ?

CATHERINE.

Pas encore ; mais Gertrude, sa femme, l’a devancé.

Gravement.

Elle me convient, elle me plaît beaucoup.

GOLTZ, à part.

Et à moi aussi !

CATHERINE.

J’espère qu’on aura ici pour elle les bons procédés et les égards...

GOLTZ.

Qu’on se doit toujours entre camarades... moi, d’abord, madame la baronne me connaît ; et madame Schlick peut compter sur mon zèle, sur mon dévouement... tous les petits services qui dépendront de moi...

CATHERINE.

Il suffit... laissez-nous.

GOLTZ.

Oui, Madame.

À part.

Ce vieux Schlick n’a pas la main malheureuse... Après cela il n’en est que plus à plaindre... parce qu’avec ces yeux-là... pauvre Schlick !...

CATHERINE.

Savez-vous quelle est la visite qui m’arrivait ?

GOLTZ.

Landau vert américain, deux chevaux blancs, livrée bleue et or...

CATHERINE.

Eh ! c’est Léopold, mon frère... et vous ne me le disiez pas ? quelle absurdité !

GOLTZ.

C’est l’heure où Madame a l’habitude de se coiffer...

CATHERINE.

N’importe ! j’y suis toujours pour lui. Faites entrer.

GOLTZ.

Oui, Madame. Je vais annoncer en même temps à l’office notre nouvelle camarade,

Bas, à Georgina.

notre charmante camarade...

À part.

Elle me regarde déjà... et elle sourit ! Pauvre Schlick !

Il sort au fond.

 

 

Scène III

 

CATHERINE, GEORGINA

 

GEORGINA.

Réponds-moi vite ; faut-il ou non nous confier à ton frère ?... Sait-il garder un secret ?

CATHERINE.

Certainement... à moins que malgré lui et sans le savoir...

GEORGINA, vivement et souriant.

Je comprends, tu n’en réponds pas... D’ailleurs, gendre du ministre, c’est le placer entre sa sœur et son beau-père, entre l’amitié et le devoir... ne lui dis rien.

CATHERINE.

Soit, c’est plus sûr.

GEORGINA, allant à la toilette.

Et pour commencer, ma belle maîtresse, voici l’heure de votre coiffure.

CATHERINE, se défendant.

Allons donc ! je ne veux pas que tu me coiffes... et devant lui surtout.

GEORGINA, la faisant asseoir à la toilette.

Au contraire, cela ôtera tout soupçon.

Lui dénouant les cheveux.

Allons, Madame, obéissez... et tenez-vous droite.

 

 

Scène IV

 

CATHERINE, assise, GEORGINA, derrière elle, et lui peignant les cheveux, GOLTZ, LÉOPOLD

 

GOLTZ, annonçant, du fond.

Monsieur le comte de Walsberg !

Il se retire.

LÉOPOLD, tenant à la main un bouquet.

On dit que vous êtes à votre toilette, et que malgré cela vous consentez à me recevoir... Merci, ma chère Catherine... car il y a si longtemps que je ne vous ai vue, et j’ai tant de choses à vous dire !... des choses graves, des choses de la dernière importance... Ah ! vous avez la une jolie femme de chambre ! je ne vous la connaissais pas.

CATHERINE, d’un air indifférent.

Elle est entrée d’aujourd’hui à mon service ; la femme de Schlick, mon cocher.

Avec intérêt.

Mais ces affaires si graves dont vous vouliez me parler ?

LÉOPOLD, lui offrant son bouquet.

Ces fleurs d’abord, les plus belles de mes serres, et que je viens de cueillir pour vous. J’ai un jardinier hollandais qui ferait venir des camélias au milieu de la neige.

CATHERINE.

Merci, Léopold ; mais ce n’est pas pour moi, c’est pour votre fiancée qu’il fallait réserver ce charmant bouquet.

LÉOPOLD, vivement.

Non pas ! j’ai congé toute la journée... je ne fais ma cour que tantôt... plus tard... très tard. Le matin aux plaisirs, et la soirée aux affaires !

CATHERINE.

Ah ! vous regardez votre cour à votre prétendue comme une affaire sérieuse ?

LÉOPOLD.

J’ajouterais, si je l’osais, la plus ennuyeuse du monde...

Gaiement.

Imaginez-vous, chère sœur, que je n’ai encore fait que deux visites.

GEORGINA, lui approchant un fauteuil près de la toilette.

Si monsieur le comte voulait s’asseoir ?...

LÉOPOLD, s’asseyant.

Merci, ma chère enfant... Vous avez là une jolie femme de chambre... Je disais donc que c’est fini, c’est convenu, j’ai cédé. Ma perte est jurée... je me marie !... l’empereur le veut... et mon grand-oncle aussi... c’est une question de territoire... et de frontière... Les domaines du ministre sont enclavés dans les nôtres, et cela fera douze lieues de forêts, au lieu de six... une chasse magnifique ! À quoi tient le destin des empires ! Pardon, j’allais parler politique, et je l’exècre, surtout depuis que j’ai pour beau-père un homme d’État, un protocole vivant, qui discute notre contrat de mariage comme un traité de commerce... Et sa fille donc !

CATHERINE.

On dit qu’elle est belle ?

LÉOPOLD.

Très belle !... beauté froide et correcte qui ferait aimer la laideur.

CATHERINE.

Et son esprit ?

LÉOPOLD.

Elle ne parle pas... mais elle a l’air de penser ; physionomie très douce et sans expression... un mouton qui rêve ! Telle est la princesse Dorothée, ma prétendue, que j’ai vue l’autre semaine pour la première fois... présentation solennelle devant les grands parents, soirée qui n’eût jamais fini, sans l’heureuse idée de sa mère, qui l’a fait mettre au piano. Pauvre jeune fille ! elle nous a joué un morceau, deux morceaux, trois morceaux du Prophète... toujours avec son air distrait... Elle pensait à autre chose, c’est sûr, et ne s’entendait pas ; mais nous !... par bonheur, et doucement bercé par l’harmonie, je m’étais endormi sur mon fauteuil et n’ai été réveillé que par les applaudissements.

CATHERINE.

C’est là votre première entrevue ; et la seconde ?

LÉOPOLD.

Oh ! la seconde, c’est différent. Il y a été question d’un sujet qui vous intéresse, ma chère Catherine, de ce pauvre comte Hatwani, dont j’ai chaudement plaidé la cause.

CATHERINE.

C’est bien.

LÉOPOLD.

Pour lui d’abord...

CATHERINE.

Et puis pour sa sœur, mon amie d’enfance !

LÉOPOLD.

Ma foi, non. Il y a trop longtemps que vous me faites son éloge, et malgré tout le bien que vous ne cessiez de m’en dire, je n’ai jamais eu un grand faible pour elle. Ces femmes si supérieures, si courageuses, cela nous humilie, nous autres hommes, cela va sur nos brisées... Une amazone qui brave tous les dangers, qui galope nuit et jour à cheval, comme un hussard, cela m’est antipathique. Une femme pareille doit avoir six pieds, sans compter la peau rude et le visage basané...

CATHERINE, à Georgina.

Aïe !... prenez donc garde ! vous me tirez les cheveux.

GEORGINA.

Pardon, Madame.

LÉOPOLD.

Mais ce qui m’intéressait, ce qui m’indignait, c’est que non-seulement on condamne ce pauvre comte, si malheureux et si brave, mais toute sa famille se trouverait comprise dans sa disgrâce.

CATHERINE, voulant se lever.

Comment ! sa pauvre sœur ?

GEORGINA.

À votre tour, Madame, tenez-vous donc...

LÉOPOLD.

Ce ne sera pas, je vous le jure !... quand je devrais me brouiller avec mon beau-père. J’ai d’ailleurs un allié dans ma prétendue, qui, pour la première fois a pris la parole, et pour être de mon avis. C’est de bon augure, n’est-ce pas, pour notre futur mariage ?... Aussi, et ce qui ne m’était pas encore arrivé, je l’ai trouvée charmante et j’allais le lui dire, quand la mère est venue donner à la conversation un tour bien autrement intéressant ; nous avons parlé à voix basse et d’un air sentimental de mon nouvel hôtel, de son ameublement, et surtout de la corbeille...

Se baissant et ramassant un nœud de rubans.

Ah ! un nœud de rubans que laisse tomber votre camériste... Mademoiselle... Mademoiselle...

GEORGINA.

Gertrude, Monsieur...

LÉOPOLD.

Gertrude !... c’est dommage ! j’en suis fâché pour elle...

Lui remettant le nœud de rubans.

Car elle a de très jolis doigts, une main très distinguée, votre femme de chambre.

CATHERINE, se levant, d’un air de reproche.

Mon frère !

LÉOPOLD.

Mon Dieu ! ne vous fâchez pas... on regarde cela comme on regarderait autre chose... Je disais donc que pour ma corbeille, j’ai voulu m’en occuper... et je n’y entends rien. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir acheté en ma vie des diamants et des cachemires ; tant il y a, chère sœur, et c’est là le but de ma visite, que je viens vous prier de vous charger pour moi de cette importante affaire... vous donnant plein pouvoir de choisir, d’acheter ou commander, dussiez-vous me ruiner.

Air du vaudeville de la Robe et les Bottes.

N’épargnez rien ; que ma corbeille
Se cite chez nos élégants
Comme un prodige, une merveille.
Surtout beaucoup de diamants !...

CATHERINE.

Le diamant de l’hymen est l’emblème.

LÉOPOLD.

Inaltérable, on ne peut le briser.

CATHERINE.

Sa flamme enfin reste toujours la même.

LÉOPOLD.

Mais elle brille... et ne peut embraser.

CATHERINE.

Nous allons causer de cela dans mon appartement, et entre nous.

À Léopold, qui reste immobile et regarde Georgina.

Eh bien ! que faites-vous donc là ?

LÉOPOLD.

Rien... Je pensais qu’il me faudra aussi monter ma maison. Est-ce que vous tenez beaucoup à votre femme de chambre ?

CATHERINE.

Quelle demande !

LÉOPOLD.

C’est qu’il en faudra une à ma femme... et dès que vous me répondez de celle-là...

CATHERINE.

Mais pas du tout, je la garde. D’abord elle est mariée à Schlick, mon cocher.

LÉOPOLD.

S’il n’y a pas d’autres difficultés, je prendrai aussi le cocher.

CATHERINE.

Vous ? un élégant, un seigneur à la mode, prendre un vieux domestique ?

Georgina retourne à la toilette.

LÉOPOLD, donnant le bras à sa sœur.

Sa femme est jeune, cela se compense !

CATHERINE, d’un air de reproche.

Mon frère ! mon frère ! le mariage ne vous changera pas !

LÉOPOLD.

C’est pour cela que je me marie... sinon... vous comprenez bien...

Il sort avec Catherine par la porte d’angle du fond à gauche.

 

 

Scène V

 

GEORGINA, puis GOLTZ

 

GOLTZ, entr’ouvrant la porte du fond, et à demi-voix.

Gertrude !... Gertrude !...

Regardant Georgina, qui range la toilette de sa maîtresse.

Est-ce qu’elle ne m’entend pas ?...

À voix plus haute.

Gertrude !...

GEORGINA, revenant à elle, et à part.

C’est juste, c’est moi... je n’y pensais plus !

GOLTZ.

Madame est partie ?

Goltz, aidé de Georgina, reporte la toilette à gauche entre la porte du premier plan et la porte d’angle, et range le fauteuil.

GEORGINA, montrant la porte à gauche.

Non, elle est là, avec monsieur son frère.

GOLTZ.

Si vous tenez à savoir, comme c’est tout naturel, je vous préviens que de ce côté-là double porte... inutile d’écouter... mais de celui-ci... c’est différent... on entend tout... Je vous dis ça en bon camarade.

GEORGINA.

Vous écoutez donc, monsieur Goltz ?

GOLTZ.

Toujours ! c’est le seul moyen d’avoir la confiance des maîtres. Je dois vous prévenir aussi que Monsieur examine toujours les mémoires, Madame jamais ; par ainsi, vous pouvez faire les additions à volonté.

GEORGINA.

Je ne sais, monsieur Goltz, comment vous remercier...

GOLTZ.

Laissez donc !... ça se doit, entre bons camarades... Ah ! il vous faut aussi tâcher d’être bien avec monsieur Léopold de Walsberg, son frère, qu’elle traite d’étourdi ; mais elle ne fait rien sans le consulter... c’est par lui que je suis dans la maison.

GEORGINA.

En vérité ?

GOLTZ.

J’étais autrefois au service d’une jeune cantatrice, la Rosita... une prima donna que monsieur le comte adorait... j’y étais fort bien... mais quelque brillante que fût la position, elle n’avait rien de stable.

GEORGINA.

Vous l’avez quittée ?

GOLTZ.

Oui, j’ai quitté le théâtre... pour le grand monde, sans rompre cependant totalement avec Nancy, la femme de chambre de la Rosita, qui me tient au courant des secrets de sa maîtresse...

En confidence.

Monsieur le comte est toujours charmant pour elle.

GEORGINA.

Au moment d’un mariage ?

GOLTZ.

Raison de plus ! c’est la fidélité même que ce seigneur-là !...

GEORGINA.

Mais c’est indigne !... et cela peut lui faire beaucoup de tort.

GOLTZ.

Un tort qui fait nos profits à nous autres... aussi, règle générale, il ne faut jamais contrarier les maîtres dans leurs défauts... au contraire !

Air du vaudeville de la Famille de l’Apothicaire.

Nos complaisances en effet
À leurs bontés nous font un titre :
Il y va de notre intérêt,
Et c’est un important chapitre.
Quand on entre en maison, il faut
Bien stipuler ses avantages :
Mais si l’ maître a quequ’ bon défaut,
On peut êtr’ coulant sur les gages.

Je vous dis ça en bon camarade... et j’espère bien, madame Schlick, que de votre côté...

GEORGINA, s’inclinant.

Comment donc !...

GOLTZ.

Vous aurez quelque souvenir, quelque reconnaissance de mes bons offices... D’abord, monsieur Schlick est un bon enfant, mais il ne faut pas le sortir de son écurie... c’est un homme d’avoine, un homme de paille, qui ne connaît que ses chevaux, et qui volontiers se laisserait mener par eux.

GEORGINA, souriant.

Lui, un cocher ?...

GOLTZ.

Tandis que quand on a une femme, une jolie femme, m’est avis que c’est elle qui doit tenir les guides et conduire à son gré, du côté qui lui plaît... de celui-ci, par exemple... d’autant que dans toutes les bonnes maisons, la femme de chambre de Madame revient toujours de droit au valet de chambre de Monsieur...

Voulant lui prendre la taille.

et l’on s’empresse de réclamer ses privilèges.

GEORGINA, lui donnant un soufflet.

Insolent !...

GOLTZ, avec colère.

Madame Schlick !...

 

 

Scène VI

 

GEORGINA, GOLTZ, LÉOPOLD

 

LÉOPOLD, entrant du fond.

Bravo !... bien, touché !

GOLTZ, se tenant la joue.

Monsieur, vous êtes témoin...

LÉOPOLD.

Témoin de sa vertu, dont je rendrai bon compte à monsieur Schlick...

Riant.

Ah ! tu oses t’adresser à de pareilles Lucrèces, Tarquin d’antichambre !

GOLTZ.

Moi, Monsieur ?...

LÉOPOLD.

Laisse-nous. Ma sœur vient de prendre mes chevaux pour faire mes acquisitions ; tu m’avertiras quand elle me renverra la voiture.

Le menaçant du doigt.

Et surtout n’oublie pas la leçon.

GOLTZ.

Il n’y a pas de danger, Monsieur !

Se tâtant la joue en s’en allant.

C’est encore chaud !

Il sort.

LÉOPOLD, à Georgina.

Il n’a que ce qu’il mérite ; tu es trop jolie et trop gracieuse pour un maraud de cette espèce, car tu n’es pas une fille comme une autre ; et tu serais déjà très remarquable, très extraordinaire même, sans ce luxe de vertu que tu viens de déployer.

GEORGINA.

Et que vous blâmez, Monseigneur.

LÉOPOLD.

Dans toute autre femme de chambre peut-être, mais chez toi, cela ne choque pas, au contraire, cela te va bien... Tu as le sentiment de ce que tu vaux... tu comprends que ces yeux, cette taille, méritent mieux que monsieur Goltz, et que ta place n’est pas dans l’antichambre.

GEORGINA.

Ni au salon non plus, monsieur le comte.

LÉOPOLD.

Soit... Je ne vois alors qu’une position possible, position intermédiaire où tu ne serais ni suivante, ni grande dame, et où tu commanderais cependant...

GEORGINA, avec indignation.

Monsieur !...

LÉOPOLD.

Position que chacun s’empresserait de t’offrir.

GEORGINA.

Et qui donc aurait cette audace ?

LÉOPOLD.

Qui ?... eh ! mais sans aller plus loin, moi, qui aurais cette témérité, ou plutôt ce bonheur.

GEORGINA.

Vous, monsieur, qui venez de me voir pour la première fois ?...

LÉOPOLD.

Pourquoi m’as-tu charmé du premier coup d’œil ?

GEORGINA.

Vous !... qui allez vous marier ?...

LÉOPOLD.

Je suis plus à plaindre qu’à blâmer... et dans la position désespérée qui m’est faite, il me semble qu’on me doit quelque indemnité.

GEORGINA, avec dédain.

Et vous vous adressez pour cela à la femme de chambre de votre sœur ?... je vous dirai, à mon tour, que vous ne vous estimez pas assez, monsieur, le comte... vous valez mieux que cela ; et, à votre place, je laisserais tomber mes regards sur des objets plus dignes de moi.

LÉOPOLD.

Et sur qui donc ?

GEORGINA.

Mais sur votre femme d’abord.

LÉOPOLD, avec colère.

Mademoiselle Gertrude !...

GEORGINA.

À moins que vous ne préfériez, et vous auriez tort, quelque prima donna, la signora Rosita par exemple...

LÉOPOLD.

Qui te l’a dit ?

GEORGINA.

Qu’importe, si je le sais ?... et loin de vous fixer à une si brillante conquête, vous en ambitionnez d’autres encore !...

LÉOPOLD, avec dépit.

Qui ne la valent pas, j’en conviens.

GEORGINA.

Et moi, je n’en conviens pas.

LÉOPOLD.

C’est bien de l’orgueil.

GEORGINA.

Ce n’est que la vérité... car elle accepte des grands seigneurs dont moi, je ne veux pas.

LÉOPOLD, avec colère.

Mademoiselle !...

Air : Un page aimait la jeune Adèle. (Les Pages du duc de Vendôme.)

Respectez du moins ma naissance,
Et mes titres...

GEORGINA.

De bonne foi,
Entre nous quelle est la distance,
Quand vous descendez jusqu’à moi ?

LÉOPOLD.

C’en est trop !

GEORGINA.

Je parais hardie.
Monseigneur peut s’enorgueillir
De son rang... mais quand il l’oublie,
Est-ce à moi de m’en souvenir ?

LÉOPOLD.

Vous avez raison...

Après un instant de silence.

Approchez-moi ce fauteuil...

GEORGINA, avançant le fauteuil de droite.

Voilà, Monseigneur...

LÉOPOLD.

Cette table.

Elle avance le guéridon qui est près de la cheminée.

Et maintenant laissez-nous... Sortez !

GEORGINA.

Oui, Monseigneur.

LÉOPOLD.

Non !... donnez-moi de l’encre et du papier.

GEORGINA, va prendre ce qui lui est demandé, l’apporte et dit après un instant de silence.

Monsieur le comte a-t-il quelqu’autre ordre à me donner ?

LÉOPOLD.

Peut-être... attendez.

Georgina passe près de la toilette pendant que Léopold écrit à droite.

Refuser mes offres !... et de plus oser me faire la leçon, à moi !... Après tout, cette sagesse rigide et prétentieuse est une coquetterie comme une autre, un moyen de se faire remarquer... moyen qui ne lui réussira pas, je le jure...

 

 

Scène VII

 

GEORGINA, LÉOPOLD, GOLTZ

 

GOLTZ.

La voiture de monsieur le comte rentre dans la cour.

LÉOPOLD, vivement.

Déjà !...

À Goltz.

C’est bien...

Achevant d’écrire.

je lui apprendrai à me donner des conseils... qui peuvent être bons... je ne dis pas non... c’est une insolence de plus... aussi, quant à elle et à ses prétendus principes...

Appelant.

Gertrude !

GEORGINA.

Voici, Monsieur !

LÉOPOLD.

Non, pas toi !...

À Goltz.

Tiens, porte sur-le-champ cette lettre à son adresse... sur-le-champ, entends-tu ?

GOLTZ.

Oui, Monsieur...

LÉOPOLD.

Et envoie-moi chercher une voiture...

GOLTZ.

La vôtre est en bas... qui vous attend.

LÉOPOLD, se levant.

C’est vrai, je m’en vais...

Il reste quelque temps en place, puis remonte le théâtre, s’arrête, regarde Georgina qui lui tourne le dos, fait quelques pas vers elle comme pour lui parler, puis se retourne.

Oui, je m’en vais...

Il sort par le fond.

 

 

Scène VIII

 

GEORGINA, GOLTZ

 

GOLTZ, rangeant le guéridon et s’approchant d’elle gravement.

Madame Schlick...

GEORGINA, sans le regarder.

Qu’est-ce ?

GOLTZ, de même.

Madame Schlick... quelle qu’ait été votre conduite envers moi, je veux encore vous rendre un service.

GEORGINA, s’asseyant à gauche.

Je vous en dis pense.

GOLTZ.

Je vous le rendrai alors malgré vous et vous apprendrai que monsieur le comte va sur mes brisées.

GEORGINA, d’un air de hauteur.

Qu’osez-vous dire ?

GOLTZ.

Il en tient comme moi, pour vos beaux yeux, c’est évident. Il vous a regardée deux fois avant de partir, d’un air... qui ne me laisse aucun doute. Je le connais...

À demi-voix.

une fois pris, il n’y a pas de folie dont il ne soit capable... c’est toute une fortune qui vous arrive là !

GEORGINA, voulant le faire taire.

Monsieur Goltz !...

GOLTZ.

Ce diable de Schlick est né coiffé... je ne lui en veux pas, au contraire !... je serai le premier à lui en faine mon compliment, parce que je suis bon camarade.

GEORGINA, se levant, ne se contenant plus.

Sortez !...

GOLTZ, surpris.

Comment ! sortez...

GEORGINA.

Je veux dire que vous avez à sortir.

GOLTZ.

Oui... c’est vrai ; cette lettre que monsieur le comte m’a chargé de porter...

Regardant l’adresse.

à la signora Rosita...

GEORGINA, avec indignation.

Est-il possible ?... c’est à elle qu’il écrit ?

GOLTZ.

Voyez plutôt.

GEORGINA, de même.

Dans un pareil moment !

GOLTZ.

Ah ! ah ! ma camarade, cela vous fait quelque chose.

GEORGINA.

À moi ?... par exemple...

GOLTZ, d’un ton railleur.

Oui, vraiment... dans notre petite vanité, nous avions trop présumé de nous-même ! Nous comptions déjà le tenir à nous toute seule.

GEORGINA.

Goltz... vous êtes un sot !

GOLTZ.

Parce que j’ai deviné...

GEORGINA, haussant les épaules.

Tout de travers.

GOLTZ.

Pourquoi alors êtes-vous si indignée ?

GEORGINA.

Pour sa sœur, pour ma maîtresse... je vois qu’il n’y a plus rien à attendre de ce frère qu’elle aime tant... et que décidément il est perdu...

GOLTZ.

Parce qu’il écrit à la signora ?...

Riant.

Je comprends... vous voudriez savoir ce qu’il lui écrit.

GEORGINA.

Moi ?

GOLTZ, prenant la lettre.

Je vais vous le dire... parce que je suis bon camarade.

GEORGINA, le retenant.

Qu’osez-vous faire ?... décacheter cette lettre !

GOLTZ, avec indignation.

La décacheter !... pour qui me prenez-vous ? ça ne m’est jamais arrivé ; je connais trop bien mes devoirs... mais on peut lire sans cela.

Lisant la lettre par le côté qu’il entr’ouvre.

« Mon cher amour... je vais me marier... il faut nous dire adieu... »

GEORGINA, à part.

Est-il possible ?

GOLTZ.

« Aujourd’hui seulement on me l’a fait comprendre... Mon amitié veut te laisser un souvenir ; cette traite sur la maison Rothschild... »

S’interrompant avec attendrissement.

Ah ! c’est à fendre le cœur... je n’en lirai pas davantage... c’est impossible !... La page tourne ; mais de tels procédés avec celle que l’on quitte !... que sera-ce donc ?... Ah ! si vous refusez, madame Schlick...

Regardant Georgina qui vient de s’asseoir à droite.

elle ne m’écoute plus... à quoi pense-t-elle ?... si vous osez refuser, c’est que vous n’aimez pas monsieur Schlick !... c’est que vous n’avez pour lui aucun attachement, aucun égard...

On sonne à gauche deux coups.

Eh bien, vous n’entendez pas ?...

Il s’assied dans le fauteuil à gauche.

GEORGINA.

Quoi donc ?

GOLTZ.

Madame sonne.

GEORGINA.

Eh bien ?

GOLTZ.

Elle sonne deux coups.

GEORGINA.

Eh bien ?... qu’est-ce que ça me fait ?

GOLTZ, dans son fauteuil et à part.

Ce que ça lui fait ?... elle est charmante, ma parole d’honneur... style d’hôtel ou de palais... il faut qu’elle sorte de quelque grande maison...

Haut.

Mais deux coups, c’est vous !

S’étendant dans son fauteuil.

et elle ne se bougerait pas plus... il y a des domestiques qui sont étonnants !

 

 

Scène IX

 

GEORGINA, GOLTZ, CATHERINE, sortant de la porte à gauche, premier plan

 

CATHERINE.

Gertrude ! Gertrude !

Goltz se lève vivement.

GEORGINA, à part.

C’est juste ! j’oublie toujours que c’est moi !

GOLTZ, à part.

A-t-elle du sang-froid, celle-là !

GEORGINA.

Pardon, Madame...

GOLTZ, de même.

Ah ! la voilà qui s’émeut.

CATHERINE, à mi-voix.

Un ami vient de me l’apprendre... le comte Hatwani, ton frère, est entré cette nuit, déguisé, dans Vienne.

GEORGINA.

Ô ciel !...

CATHERINE.

On le cherchera partout, excepté dans cet hôtel, et s’il peut s’y réfugier...

GEORGINA, bas, regardant Goltz.

Tu me fais trembler !... Ne restons pas ici.

Elles sortent à gauche, premier plan.

 

 

Scène X

 

GOLTZ, seul

 

Déjà dans l’intimité avec madame la baronne... elle lui parle bas, elles s’enferment toutes deux dans ce boudoir...

Faisant un pas vers la gauche.

Ah ! morbleu !...

S’arrêtant.

J’oubliais que de ce côté on ne peut rien entendre ; mais c’est égal, madame Schlick, à qui je voulais donner des leçons, en sait plus long que moi... c’est la perle des soubrettes, et si j’avais une femme comme celle là, quelle fin honnête, quelle maison nous ferions !

 

 

Scène XI

 

GOLTZ, SCHLICK, du fond

 

GOLTZ.

Eh mais ! en croirai-je mes yeux ?... ce bon Schlick, mon ami Schlick, que nous n’attendions que la semaine prochaine...

SCHLICK.

Bien mieux que cela... Madame m’accordait encore tout un mois de congé. Elle est bien bonne, mais moi, je ne pouvais pas y tenir ; il y avait trop longtemps que je n’avais vu mes chevaux ! et je suis venu...

GOLTZ.

Recevoir nos compliments.

SCHLICK.

Sur quoi ?

GOLTZ.

Sur ton mariage, sur ta femme...

SCHLICK.

Elle n’est pas mal.

GOLTZ.

Elle est charmante !

SCHLICK.

Un peu innocente, un peu niaise...

GOLTZ.

Diable ! comment te les faut-il ?

SCHLICK.

Mais avec le temps elle se fera.

GOLTZ.

Oh ! c’est déjà fait.

SCHLICK, étonné.

Que dis-tu ?

GOLTZ.

Je dis... je dis... qu’elle est très bien faite.

SCHLICK, lui serrant la main.

Je te remercie ; mais comment le sais-tu ?

GOLTZ.

Je le sais par moi-même, parce que je viens de la voir.

SCHLICK.

Ma femme ! que j’ai laissée dans sa famille !

GOLTZ.

Allons donc ! elle est ici depuis ce matin...

SCHLICK.

Ce n’est pas possible ! Elle devait d’abord passer chez sa marraine, je le lui avais permis.

GOLTZ, riant d’un air goguenard.

Sa marraine !

SCHLICK.

Et puis venir me rejoindre après... ici, à l’hôtel.

GOLTZ.

Eh bien, elle est venue avant.

SCHLICK.

Voilà qui est singulier ! et je veux savoir pourquoi, sans m’en prévenir...

GOLTZ.

Ne t’avise pas de lui faire des scènes, car elle a pris ici à merveille.

SCHLICK.

En vérité ?

GOLTZ.

Madame ne peut déjà plus se passer d’elle ; et, mieux encore... le frère de Madame, le jeune comte de Walsberg, la trouve charmante.

SCHLICK.

Ah ! bah !

GOLTZ.

Il en perd la tête.

SCHLICK.

Allons donc !

GOLTZ.

Et je parierais même qu’il est sérieusement amoureux.

SCHLICK.

De ma femme ?

GOLTZ.

Elle ne s’en doutait pas ! c’est moi qui l’en ai fait apercevoir, parce que je suis bon camarade... Adorée du frère, adorée de la sœur, tu vois quelle excellente position ! Est-il heureux ce Schlick !

SCHLICK, le poussant violemment.

Va-t’en au diable !

GOLTZ.

Qu’est-ce qu’il a donc ?

SCHLICK.

Lui, monsieur le comte, aurait fait attention à cette pauvre Gertrude ? ce n’est pas possible !...

GOLTZ.

En tout bien, tout honneur... cela va sans dire.

SCHLICK, avec désespoir.

Elle qui a tant de vertus, de morale et de principes, il voudrait me l’enlever !...

GOLTZ.

Eh non ! il te la laisse avec ses principes... car il n’y est pas, il ne comprend rien... la fortune est aveugle... elle arrive comme ça à des gens... absurdes !

SCHLICK.

Il faut que je voie ma femme, et que je lui parle...

GOLTZ.

Impossible !... elle était enfermée là, avec Madame, qui s’habille en ce moment. Tu peux bien attendre.

SCHLICK.

Attendre !

GOLTZ.

Eh oui, sans doute.

SCHLICK.

Et que faire jusque-là ?...

Froidement.

Ah ! je vais aller voir mes chevaux...

Air : Je saurai bien la faire marcher droit.

Ils ont été l’objet de mes regrets
Pendant mon absence... et pour cause ;
À mon bonheur il manquait quelque chose :
À mes chevaux par moments je pensais.

J’aime à soigner ces pauvres animaux ;
Avec amour je les étrille :
Quand je me trouve au milieu d’ mes chevaux,
Il m’sembl’ que je suis en famille.

Ils ont été, l’objet de mes regrets, etc.

GOLTZ, à part.

Nouvel époux, il avait des regrets !
J’n’en aurais pas d’viné la cause.
Je n’pensais pas qu’il manquât quelque chose
À son bonheur, que tout bas j’enviais.

Schlick sort par le fond.

 

 

Scène XII

 

GOLTZ, le regardant sortir, puis LÉOPOLD, qui entre de droite

 

GOLTZ.

Ah ! si j’étais à sa place...

Voyant entrer Léopold.

Encore un qui voudrait y être, à sa place !...

Suivant des yeux Léopold, qui pose son chapeau et ses gants sur la table, et qui se promène en souriant.

Il n’a plus son air sombre de ce matin.

LÉOPOLD, apercevant Goltz.

Ah ! c’est toi ? tu as porté ma lettre ?...

GOLTZ, à part, et montrant sa poche.

Ah ! diable !... elle est encore là !

LÉOPOLD.

Sur-le-champ... comme je te l’avais dit ?...

GOLTZ.

Oui, Monsieur.

À part.

J’y cours de ce pas.

LÉOPOLD.

Ma sœur est-elle visible ?

GOLTZ.

Je crois que Madame s’habille.

LÉOPOLD.

C’est bon, je reviendrai.

Il remonte.

GOLTZ.

Ou du moins elle est là, dans son boudoir, enfermée avec Gertrude.

LÉOPOLD, revenant vivement.

Gertrude !

À Goltz.

Eh bien ! ne t’ai-je pas dit de sortir ?

GOLTZ, à part.

C’est-à-dire, c’est lui qui devait s’en aller... et c’est moi qui pars ! Ô trop heureux Schlick !

Haut.

Je m’en vais, Monsieur.

Il sort par le fond.

 

 

Scène XIII

 

LÉOPOLD, puis GEORGINA

 

LÉOPOLD, frappant à la porte à gauche, premier plan.

Ma sœur !... ma sœur !... ouvrez, c’est moi !...

GEORGINA, paraissant, portant sur le bras plusieurs robes.

Madame n’y est pas, Monsieur...

LÉOPOLD.

Ah ! j’en suis désolé, car il faut que je lui parle... à elle... à elle seule.

GEORGINA.

Madame vient de monter dans le cabinet de son mari.

LÉOPOLD, avec un peu d’embarras.

Ah ! elle est avec monsieur le baron... dans son cabinet ?

GEORGINA.

Je peux la prévenir.

LÉOPOLD.

Inutile de la déranger ; j’attendrai qu’elle descende.

GEORGINA.

Comme Monsieur voudra.

LÉOPOLD.

Que je ne vous empêche pas de vaquer à votre service... faites comme si je n’étais pas là.

S’asseyant à gauche, après un instant de silence.

Un mot seulement... ma sœur s’est-elle occupée de ma corbeille ?...

GEORGINA.

Beaucoup de choses viennent déjà d’arriver... ce sera magnifique... et surtout d’un goût exquis.

LÉOPOLD.

Tant mieux... car j’ai promis de la porter aujourd’hui même à ma fiancée... que je viens de voir.

GEORGINA, vivement.

Vous venez de la voir ?

LÉOPOLD.

À l’instant et de faire dans les formes ma demande en mariage.

GEORGINA, qui a posé sur un fauteuil, au fond du théâtre, les robes qu’elle tenait sous son bras.

Ah ! c’est bien à vous, Monsieur, c’est très bien !

LÉOPOLD, avec ironie.

En vérité ? j’ai votre approbation.

GEORGINA.

Monsieur y tient peu, je le sais ; mais je tiens, moi, à lui faire mes excuses... d’avoir été avec lui impertinente et surtout injuste.

LÉOPOLD.

Que dit-elle ?

GEORGINA.

Oui, Monsieur, je vous avais mal jugé ; vous vous mariez, c’est beau, car cela vous coûtait... et ce qui vaut mieux encore, vous avez rompu avec Rosita.

LÉOPOLD.

D’où le sais-tu ?

GEORGINA.

Mon Dieu nous autres femmes de chambre, nous savons tout.

LÉOPOLD, se levant avec colère.

D’où le sais-tu ?...

GEORGINA.

Que vous importe ? cela vous prouve seulement que les belles actions finissent toujours par être connues, et cela doit vous encourager.

LÉOPOLD.

Eh ! que m’en reviendra-t-il ?

Avec ironie.

Tonestime, n’est-ce pas ?

GEORGINA.

Mieux que cela, Monsieur, la vôtre, le contentement de vous-même.

LÉOPOLD.

Eh bien, jamais, je crois, je n’ai été plus mécontent, plus dépité contre moi et contre tout le monde.

GEORGINA.

Est-ce qu’il y aurait quelque obstacle ?

LÉOPOLD, à la cheminée.

Au contraire... tout marche à merveille... et avec une rapidité effrayante... c’est le ministre lui-même, le père, à qui je ne demandais rien, qui me prend dans l’embrasure d’une croisée et me dit mystérieusement : « Vous lui plaisez, mon cher, vous lui plaisez ! » Et la mère : « Regardez-la donc, monsieur le comte, regardez son trouble... elle m’a avoué que vous étiez celui qu’elle aurait choisi. »

GEORGINA.

Que voulez-vous de plus ?

LÉOPOLD.

Ce que je veux ?... cela m’irrite, cela m’agace, cela me prend sur les nerfs... j’aurais eu du plaisir, je crois, à entendre le contraire... et la fille !...

GEORGINA.

Eh bien ?

LÉOPOLD.

C’est bien mieux encore ! en rougissant, en baissant les yeux, enfin avec une émotion qui, par malheur, ne me laissait aucun doute, elle a balbutié quelques mots sur sa soumission aux vœux de ses parents, ajoutant que « confiante en ma bonté, en ma générosité... elle ne craindrait pas de me remettre sa destinée. » Jamais en ma présence elle n’en avait dit autant, ni entrepris une phrase aussi longue !

GEORGINA.

En vérité ?

LÉOPOLD.

Et ce n’est pas tout... j’avais parlé de la corbeille et sollicité la permission de la lui offrir, permission qu’elle m’a accordée d’un signe de tête ; et pendant qu’avec respect et à quelque distance des grands parents, je portais sa main à mes lèvres, elle m’a dit à voix basse : « À condition que vous me l’apporterez vous-même au salon, à trois heures. »

GEORGINA.

Pourquoi pas ? ici, en Allemagne, entre fiancés c’est tout simple.

LÉOPOLD.

Non pas, car un instant auparavant sa mère avait dit devant nous que tous les jours, à trois heures, sa fille étudiait son piano, seule, au salon... Me voilà donc, au delà de mes espérances, favorisé d’un rendez-vous !

GEORGINA.

Je ne vois pas là ce qui peut vous fâcher.

LÉOPOLD.

Ce qui me fâche ?... c’est que ce mariage et tout ce qui s’y rattache m’est insupportable... c’est que mes projets, mes rêves sont ailleurs... ce qui me fâche enfin... c’est de penser encore à toi !

GEORGINA.

Ah ! Monsieur, moi qui tout à l’heure vous faisais compliment de votre sagesse, faut-il vous adresser de nouveaux reproches ?

LÉOPOLD.

Tu ne m’en feras pas plus que je ne m’en fais à moi-même. Après la manière dont tu m’as traité ce matin, je m’en veux, je me méprise, d’être là où je suis... quand ta position et la mienne devraient nous rendre étrangers l’un à l’autre... il n’y a pas jusqu’a ton nom, madame Gertrude, madame Schlick, qui ne me soit importun et odieux ; tout en un mot devrait m’éloigner de toi... et me voilà... je reviens... je t’aime !...

GEORGINA.

Monsieur Léopold !

LÉOPOLD.

Tu vas rire encore de moi, je le sais, aux yeux de cette livrée qui te fait la cour.

GEORGINA.

Vous vous trompez, Monsieur ; où je crois voir un amour véritable, la raillerie cesse pour faire place à...

Hésitant.

à...

LÉOPOLD, brusquement.

À la pitié ?

GEORGINA.

Vous savez bien, Monsieur, que vous ne pouvez jamais inspirer un tel sentiment. Celui que j’éprouve pour vous est de la reconnaissance, du respect, et si vous daignez le permettre, Monsieur, une sincère affection.

LÉOPOLD.

Ah ! tu as une manière de t’exprimer qui me surprend et me ravit ! c’est un charme et un bonheur de causer avec toi ; tu as du tact, de l’esprit, du bon sens, enfin... tout ce qui me manque en ce moment... et s’il est vrai que tu aies quelque amitié pour moi, voyons, conseille-moi, car je ne sais que faire... si ce n’est de m’éloigner, de m’en aller... si j’en ai le courage.

GEORGINA.

Vous l’aurez.

LÉOPOLD.

Tu crois ?

GEORGINA.

Oui, Monsieur.

LÉOPOLD.

Et où cela me conduira-t-il ? à conclure ce mariage, qui, dans les conditions où je suis, me rendra le plus malheureux des hommes ! moi encore ce ne serait rien, mais jurer amour et fidélité a une femme, quand, à tort ou à raison, on en préfère une autre ; compromettre le bonheur d’une belle et honnête jeune fille, dont les destinées vous sont confiées... est-ce bien ? est-ce loyal ? est-ce digne d’un galant homme ?

GEORGINA, froidement.

Vous avez raison, Monsieur.

LÉOPOLD, vivement.

N’est-ce pas ? tu es de mon avis ? mais maintenant que j’ai fait la demande, et qu’elle est acceptée, comment rompre, sans un éclat qui m’attirerait la disgrâce de l’empereur, la colère de mon oncle, de mon second père, qui brouillerait à jamais deux grandes familles, et qui même déshonorerait peut-être cette jeune personne ?

GEORGINA.

Ou du moins lui ferait un grand tort...

LÉOPOLD.

Et un grand chagrin... car, après tout, elle m’aime.

Il va s’asseoir à droite.

GEORGINA, souriant et après un instant de silence.

En êtes-vous bien sûr ?

LÉOPOLD.

Dame ! sa mère me l’a déclaré, et son père lui-même me l’a dit sans que je le lui aie demandé.

GEORGINA.

Un diplomate !

LÉOPOLD.

Au fait, c’est presque une raison pour que cela ne soit pas ! mais la jeune fille ?

GEORGINA, se rapprochant de lui.

Elle a parlé des vœux de sa famille... mais elle n’a rien dit des siens.

LÉOPOLD.

C’est vrai.

GEORGINA.

Elle a ajouté qu’elle avait confiance en votre bonté, en votre générosité : elle en a donc besoin ?

LÉOPOLD.

C’est vrai.

GEORGINA.

Enfin, elle vous demande un entretien, à vous, a vous seul, à trois heures !

LÉOPOLD, se levant.

C’est vrai... que de choses dont je ne m’étais pas douté et que tu as découvertes ou plutôt devinées d’un coup d’œil !

GEORGINA.

Celui de l’amitié.

LÉOPOLD.

Eh bien ! parle, achève... que faut-il faire ?

GEORGINA.

Écouter d’abord votre fiancée, et répondre à sa confiance par le conseil que l’honneur vous donnera, et il vous conseillera bien, j’en suis sûre.

LÉOPOLD.

Ô mon bon ange ! Ô ma gentille Gertrude.

S’arrêtant.

Ah ! c’est dommage que tu portes ce nom-là... mais c’est égal, je vais l’aimer... comme je t’aime, malgré moi.

GEORGINA.

Monsieur le comte...

LÉOPOLD.

Et si je puis me dégager honorablement... si je suis libre... tu ne peux plus exiger que je m’éloigne, car j’ai ton affection, ton amitié, tu me l’as dit... et pourvu que je reste près de toi, que je te voie, je ne te parlerai plus d’amour, mais je t’aimerai... tu ne peux pas m’en empêcher.

GEORGINA.

Et votre rendez-vous ? voilà bientôt le moment... eh ! mon Dieu non...

Regardant la pendule.

L’heure est passée...

LÉOPOLD, avec amour.

Je l’avais oubliée.

GEORGINA, naïvement.

Et moi aussi !

LÉOPOLD.

Ah ! je te remercie... voilà le premier bonheur que tu m’aies accordé.

GEORGINA.

Malgré moi, Monsieur, et sans y penser.

LÉOPOLD, se jetant à ses genoux.

C’est pour cela que je te remercie...

GEORGINA.

Ah ! si l’on vous voyait à mes genoux !... partez, Monsieur, votre fiancée vous attend...

 

 

Scène XIV

 

GEORGINA, LÉOPOLD, à ses genoux, GOLTZ, puis SCHLICK

 

GOLTZ, accourant.

Que vois-je ? monsieur Schlick est sur mes pas...

GEORGINA, poussant un cri.

Ah !...

Elle se sauve dans l’appartement à droite.

LÉOPOLD, à part.

Au diable les maris !

GOLTZ, lui donnant son chapeau.

Je crois qu’il vous a vu...

Léopold sort par le fond, répondant par un salut de la main à Schlick qui lui ôte son chapeau.

GOLTZ, étonné.

Comment ? au lieu de se fâcher, il lui ôte respectueusement son chapeau ?

S’approchant de Schlick.

Eh bien, mon pauvre Schlick, tu viens de voir ?...

SCHLICK.

Quoi ?

GOLTZ.

Notre jeune maître, tout à l’heure, ici... à genoux...

SCHLICK.

Eh bien ! que m’importe ?...

GOLTZ, étonné.

Comment, que t’importe ?...

À part.

à la bonne heure, au moins, il commence à entendre raison ; il se forme...

Haut et souriant.

Après tout, quand Monseigneur, en riant et en badinant, ferait une déclaration...

SCHLICK, de même.

Ce n’est pas la première fois que ça lui arrive.

GOLTZ.

Non sans doute !

SCHLICK, sans le regarder.

Eh bien alors, qu’est-ce que tu veux que cela me fasse ?

GOLTZ, gaiement.

Si tu le prends ainsi, bravo !

Lui donnant la main.

Ce bon Schlick ! moi, d’abord, c’est mon avis... c’est moins que rien ! et tu n’avais pas besoin de te monter la tête comme tu l’as fait ce matin, quand je t’ai parlé de ta femme.

SCHLICK.

Madame Schlick !

GOLTZ.

Oui.

SCHLICK, avec bonhomie.

Quel rapport tout cela a-t-il avec madame Schlick ? il me semble que ça ne la regarde ni ne la touche en rien.

GOLTZ.

Ça ne la touche en rien ?... que monsieur le comte soit à ses genoux ?...

SCHLICK, avec colère et à voix haute.

Ma femme ! madame Schlick !... élever le moindre soupçon sur son honneur !

 

 

Scène XV

 

GOLTZ, SCHLICK, CATHERINE, sortant, au bruit, de l’appartement à gauche

 

CATHERINE.

Qu’est-ce donc ?

SCHLICK.

C’est ce malappris, cette mauvaise langue de Goltz, qui ose soutenir...

GOLTZ.

Je ne soutiens rien... je disais seulement que madame Schlick était pour le moment la passion de monsieur votre frère.

SCHLICK.

Ce n’est pas vrai !... ce n’est pas elle !

CATHERINE.

Silence !...

Avec force.

Silence... ou je vous chasse tous les deux !

À Goltz.

Depuis ce matin,

Montrant la cheminée.

ces vases sont dégarnis de fleurs... allez en chercher... et à l’instant.

GOLTZ.

Oui, Madame.

Allant prendre les vases et regardant Schlick en s’en allant.

Je ne sais pas ce qu’il a... il prenait d’abord la chose comme on doit la prendre... et maintenant... se fâche pour cela... je vous demande... ça n’a pas de tête !...

Il sort.

 

 

Scène XVI

 

CATHERINE, SCHLICK

 

SCHLICK, s’approchant de Catherine.

Ne le croyez pas, madame la baronne, ce n’est pas vrai !... monsieur le comte était tout à l’heure ici aux genoux d’une dame, d’une jolie dame ; mais ça n’était pas Gertrude. Il s’en faut du tout au tout.

CATHERINE.

Je le sais ; mais écoutez-moi bien : il faut que quelques jours encore cette jeune dame passe pour votre femme.

SCHLICK.

Bonté de Dieu !...

CATHERINE.

Qu’aux yeux de tous, vous l’appeliez madame Schlick.

SCHLICK.

Mais, Madame...

CATHERINE.

C’est votre faute. Je vous avais accordé un mois de congé, pourquoi êtes-vous revenu sans permission ?

SCHLICK.

Mais...

CATHERINE.

Il faut avant tout m’obéir... et vous m’obéirez de point en point.

SCHLICK.

Mais pourquoi, de grâce ?

CATHERINE.

Sans raisonner, sans répliquer... sinon je vous chasse.

SCHLICK, avec effroi.

Quitter mes chevaux !

CATHERINE.

C’est donc convenu ?

SCHLICK.

Mais changer de femme !

CATHERINE.

Il me semble que vous ne perdez pas au change ?

SCHLICK.

Physiquement parlant, non Madame ; mais mon autre est d’une vertu rigide et à toute épreuve, tandis qu’il paraît que celle-ci...

CATHERINE.

Que vous importe ? puisqu’elle n’est votre femme que par intérim.

SCHLICK.

Et pendant l’intérim... que deviendra la réputation de madame Schlick ?

CATHERINE.

On la lui rendra après.

SCHLICK, avec désespoir.

Mais dans quel état ? ils sont si bavards à l’office ! comment distinguer et ne pas confondre... entre les deux ?... quand on en a deux, Madame !

CATHERINE.

Dans quelques jours je justifierai moi-même la vraie madame Schlick. D’ici là silence avec tout le monde, surtout avec Goltz, ou bien, chassé.

Elle remonte.

SCHLICK, à part.

Ô mes chevaux !

Haut.

Je me tairai, Madame, je ne tairai, quoiqu’il en coûte à ma conscience de mari.

CATHERINE.

À la bonne heure... En récompense, voici mon cadeau pour votre noce.

SCHLICK, d’un ton plaintif.

Laquelle, Madame ?

CATHERINE, souriant.

C’est juste, il y en a deux. Voici pour la seconde ; nous verrons plus tard pour la première... mais silence !

Elle lui donne une bourse et sort par la droite, en lui faisant signe de se taire.

 

 

Scène XVII

 

SCHLICK, GOLTZ, rentrant par le fond, avec un pot de fleurs à chaque bras, et voyant la bourse que Catherine vient de donner à Schlick

 

GOLTZ, à part.

Madame, qui lui donne de l’argent !... Elle a raison ; il vaut mieux arranger l’affaire que de l’ébruiter... parce que cet imbécile-là, qui ne sait pas vivre, pouvait faire du tort à monsieur le comte.

SCHLICK, apercevant Goltz.

Lui encore ! je m’en vais.

GOLTZ.

Eh ! non... car j’ai à te parler.

Arrangeant les fleurs dans les vases.

Je conçois ta mauvaise humeur de tout à l’heure... et j’ai eu tort de m’en formaliser... parce qu’après tout, dans le premier moment, quand on trouve quelqu’un aux pieds de sa femme...

SCHLICK, avec colère.

Encore, morbleu !

GOLTZ.

Mon Dieu, ne te fâche pas ! il y en a tant d’autres... sans te compter !

SCHLICK, en fureur.

Goltz !

GOLTZ.

Eh bien, en te comptant !

SCHLICK, à part, et se contenant.

Ah ! sans ma promesse à Madame, que j’aurais de plaisir à l’assommer !

GOLTZ.

Enfin tout est arrangé à l’amiable et à la satisfaction générale... il ne s’agit plus de cela...

Mystérieusement.

mais d’une autre chose... qui pourrait détruire entre vous trois le bon accord.

SCHLICK, étonné.

Autre chose ?

GOLTZ.

Que j’ai cru devoir, en bon camarade, venir te confier en secret... sur madame Schlick.

SCHLICK, effrayé.

Entendons-nous... sur Gertrude ?

GOLTZ.

Eh oui !

 

 

Scène XVIII

 

SCHLICK, GOLTZ, LÉOPOLD, qui vient d’entrer par le fond, et qui a entendu ces derniers mots

 

LÉOPOLD, vivement.

Sur Gertrude ? qu’est-ce, s’il vous plaît ?

GOLTZ.

Dieu, monsieur le comte !

LÉOPOLD.

Je prends part, vous le savez, à tout ce qui touche monsieur Schlick et sa femme...

SCHLICK.

Monsieur le comte est bien bon...

À Goltz.

Eh bien, parle donc ?

LÉOPOLD.

Eh oui, parle ! je te l’ordonne !

GOLTZ, à part.

Je ne savais pas avoir affaire aux deux intéressés... à la fois !

Haut.

Eh bien donc... mais vous ne ferez pas de bruit, pas d’éclat... j’étais tout à l’heure dans le jardin à choisir des fleurs pour la cheminée du salon, lorsqu’au haut d’un petit mur, qui touche à la serre, je vois apparaître un jeune homme enveloppé d’un manteau... vingt-huit à trente ans... une petite moustache, et fort joli cavalier, ma foi ! Je veux crier... il me montre le bout d’un pistolet : j’interromps ma phrase. « Ne sont-ce pas là les jardins de l’hôtel Puckler ? – Oui, Monsieur. – N’est-il pas entré ce matin au service de la baronne, et en qualité de femme de chambre, une jeune fille ? – Oui, Monsieur. – Sous le nom de madame Schlick ? – Oui, Monsieur. »

SCHLICK, à part.

Ça n’est pas la mienne ! c’est l’autre.

Il va se placer tranquillement à droite du théâtre près de la cheminée.

LÉOPOLD, vivement, à Goltz.

Continue...

GOLTZ.

« Dieu soit loué, s’est écrié l’inconnu en s’élançant dans le jardin !... conduis-moi vers elle !... » et comme je refusais, comme je mettais en avant... mon honneur et celui de son mari...

SCHLICK, avec colère.

Le mien !...

GOLTZ.

Il a glissé, je ne sais comment, un rouleau d’or dans ma main qu’il ne quittait pas... si bien qu’il m’a fallu pour le cacher... le conduire dans ma chambre qui est de ce côté...

Montrant la droite.

« Va, m’a-t-il dit alors, prévenir en secret madame Schlick, que je suis ici caché, et que je l’attends. – Madame Schlick, ai-je répondu fièrement, est une honnête femme qui n’écoute point de pareilles propositions, et n’accepte point de rendez-vous !... elle a un mari, d’ailleurs, un mari respectable... »

SCHLICK, à part.

Décidément je l’assommerai !

LÉOPOLD, avec impatience.

Eh bien ! donc... achève !...

GOLTZ.

Tirant alors de son doigt un diamant qui m’a paru d’un grand prix, « Remets-lui cette bague, a-t-il répondu, et elle n’hésitera pas un instant. »

LÉOPOLD, avec colère.

Ce n’est pas vrai ! c’est une indignité !

GOLTZ.

N’est-ce pas, Monsieur ?

Regardant Schlick qui est contre la cheminée.

Et il est la tranquille !... comme si cela ne le regardait pas...

LÉOPOLD.

Eh bien ?... cette bague ?...

GOLTZ, fouillant dans sa poche et la donnant à Léopold.

Je l’ai prise, Monsieur ; mais vous sentez bien qu’au lieu de la remettre... je suis venu d’abord vous demander à tous deux la conduite à suivre...

LÉOPOLD.

C’est à lui de parler.

SCHLICK.

À moi !

GOLTZ.

Eh ! oui, sans doute... toi d’abord... tu es le mari.

SCHLICK.

Moi ?

À part.

Ah ! sans ma promesse à Madame, sans ma place de cocher !...

GOLTZ, à Léopold.

Le voilà qui se monte... et qui va enfin se mettre en colère !...

À Schlick.

Eh bien ! qu’en dis-tu ?

SCHLICK.

Ce que je dis ?... j’vas retrouver mes chevaux !

Il sort par le fond.

GOLTZ.

Oh ! il est aussi trop philosophe.

 

 

Scène XIX

 

GOLTZ, LÉOPOLD

 

LÉOPOLD, se promenant avec agitation.

Je ne puis revenir d’une pareille audace !

GOLTZ.

Le mari qui est si calme !... et l’autre si agité !... c’est admirable !

LÉOPOLD.

Il y a là un aplomb, une assurance inexplicables... à moins que par imprudence ou coquetterie, Gertrude elle-même n’ait autorisé les espérances d’un fat... mais d’après ce que je sais d’elle, ce n’est pas possible.

GOLTZ, du fond.

La voilà, Monsieur, qui se dirige de ce côté.

LÉOPOLD.

Qui ?

GOLTZ.

Madame Schlick.

LÉOPOLD, à Goltz.

Tiens-toi à l’écart, et, pendant que je serai là, dis-lui à voix basse ce dont il s’agit et remets-lui cette bague...

La lui rendant.

qui est en effet fort belle... une pierre où sont gravées des armes, un diamant de huit ou dix mille florins.

GOLTZ, avidement.

Tant que cela !

LÉOPOLD.

Tu verras comme elle le repoussera avec mépris.

GOLTZ.

Vous croyez ?

LÉOPOLD.

J’en suis sûr.

GOLTZ.

Et moi aussi.

Il se retire au fond du théâtre. Léopold va s’asseoir près de la table à droite. Georgina entre du fond. Elle va droit à Léopold.

 

 

Scène XX

 

GOLTZ, GEORGINA, LÉOPOLD

 

GEORGINA, à Léopold.

Déjà de retour, Monsieur ? et le résultat de votre démarche ?

LÉOPOLD, assis à droite.

Excellent ! le succès a dépassé mes vœux. Vous aviez deviné juste, Gertrude, et plus que jamais maintenant, j’aurai confiance en vous.

GEORGINA.

Vrai, Monsieur !

LÉOPOLD, avec intention.

Oui, je veux m’en rapporter en tout à vous seule, à vous-même !

GOLTZ, qui, à gauche du théâtre, s’est approché doucement de Georgina, lui dit mystérieusement.

J’ai à vous parler, madame Schlick, d’une importante affaire.

GEORGINA.

Plus tard... monsieur le comte est là.

LÉOPOLD, prenant un papier sur la table.

Que je ne vous gêne pas ; je lis la Gazette de Vienne.

Goltz est à gauche, Georgina au milieu, Léopold, assis à droite, observe.

GOLTZ, à voix basse, à Georgina.

Un jeune et joli cavalier qui vient de franchir les murs du parc...

GEORGINA.

Que dites-vous ?...

GOLTZ, de même.

M’a chargé de vous remettre cette bague...

GEORGINA, passant à gauche.

Ô ciel !

GOLTZ, de même.

Et de vous dire qu’il vous attend dans ma chambre, où je l’ai caché.

GEORGINA, avec émotion.

Silence !... et conduis-moi vers lui...

GOLTZ, bas, au comte.

Elle accepte la bague... et le rendez-vous.

LÉOPOLD, se levant.

Tu mens !

GOLTZ.

Attendez seulement un instant, et vous la verrez suivre mes pas... car elle m’a chargé de la conduire près du jeune homme.

LÉOPOLD, se contenant.

C’est bien !... marche devant !...

GOLTZ.

Oui, Monseigneur.

LÉOPOLD, avec une fureur concentrée.

Va-t’en donc !... va-t’en !...

Goltz sort par la porte à droite. Georgina se retourne et s’apprête à le suivre ; elle fait quelques pas pour sortir ; Léopold s’élance vivement et se place entre la porte et elle. Musique à l’orchestre.

Où allez-vous ?...

La musique s’arrête.

GEORGINA.

Qu’avez-vous, de grâce, Monseigneur, et pourquoi cette émotion ?

LÉOPOLD.

M’apprendrez-vous d’où vient la vôtre ? m’apprendrez-vous quelle est la personne qui vous attend avec tant d’impatience et vers qui vous courez avec tant d’empressement ?

GEORGINA.

Ô ciel !

LÉOPOLD.

Vous vous taisez ?... eh bien ! moi, je vais vous le dire... Cette personne est celle qui vient de vous envoyer ce riche bijou, cette bague que je vois encore là... à votre doigt.

GEORGINA.

C’est vrai.

LÉOPOLD.

Et vous l’avez acceptée ?... et vous ne l’avez pas rejetée avec indignation ?... Ah ! quelle était mon erreur et combien j’aimais à m’abuser moi-même, en vous parant de tous les dons et de toutes les vertus ! moi qui, dans mon cœur ou plutôt dans mes rêves, vous plaçais au premier rang !

GEORGINA.

Vous vous trompiez alors, Monseigneur, et vous vous trompez encore... le temps me justifiera, laissez-moi sortir.

LÉOPOLD.

Pour aller le rejoindre ?

GEORGINA.

Oui...

LÉOPOLD.

Plutôt mourir !...

GEORGINA.

Et de quel droit, Monsieur, prétendez-vous me retenir ? quel droit vous ai-je donné sur moi ?

LÉOPOLD.

Aucun, je le sais, aucun... et cependant il faut que vous m’écoutiez : confiante en ma loyauté, celle qu’on me destinait m’a avoué qu’elle aimait un de ses parents... un jeune homme de mérite et d’avenir, mais sans aucun bien. Son père entrait dans ce moment et, indigné du rôle qu’on m’avait fait jouer, je l’ai menacé de m’en plaindre à l’empereur, à la cour, au monde entier, s’il ne m’accordait, pour réparation, le bonheur de son enfant !

GEORGINA, avec chaleur.

Ah ! c’est bien, Monsieur, c’est très bien !...

LÉOPOLD, avec impatience.

Il ne s’agit pas de cela.

GEORGINA.

Il vous l’a accordé ?

LÉOPOLD, avec impatience.

Eh ! oui, Madame... et bien d’autres choses encore, car c’est à ce prix que je mettais mon silence... et quand, libre et content, je revenais près de vous pour vous dire ma reconnaissance, mon amitié, et surtout mon estime, il faut renoncer au plus doux des rêves... à toutes mes illusions... et vous fuir à jamais !...

GEORGINA.

Vous le devez, Monsieur.

LÉOPOLD, avec colère.

Oui, je le devrais...

Avec amour.

et je ne le puis... Dussé-je m’avilir à vos yeux et aux miens, je ne vous laisserai point au pouvoir d’un rival ! et si, pour vous mériter, la richesse suffit...

GEORGINA.

Monsieur...

LÉOPOLD.

Il ne vous aime pas tant que moi, et je vous sacrifierai plus que lui, car, à mes trésors, je joindrai mon honneur, mon rang et mon avenir.

Air du Nom Français.

Oui, désormais je me sens ton esclave,
Je te l’avoue, et devrais en rougir !
C’est vainement que ta froideur me brave,
Qu’un autre est là... je devrais te haïr,
Oui, par orgueil, je devrais te haïr !
Et cependant vois à quel point je t’aime !
Partons tous deux !... dis un mot... en ce jour
Pays, famille, et ta trahison même,
J’oublierai tout... excepté mon amour.

GEORGINA, avec émotion.

Un pareil sacrifice... pour moi, Monsieur, pour moi, que vous n’estimez plus... ah ! voilà une folie bien coupable... dont il est impossible de ne pas être touchée !

LÉOPOLD.

Vous acceptez donc ?

GEORGINA.

Plus tard, je vous dirai ce que j’en pense... en ce moment je ne vous demande qu’une chose, c’est de me laisser sortir.

LÉOPOLD, hors de lui.

Ah ! c’en est trop...

Allant ouvrir à droite.

et je ne souffrirai pas qu’au refus on ajoute l’outrage. Oui, je vous permets de le rejoindre ; mais je vous accompagnerai, et à vos yeux, aux yeux de tous, je le défierai.

GEORGINA.

Ô ciel !

 

 

Scène XXI

 

GEORGINA, LÉOPOLD, CATHERINE

 

CATHERINE.

Qu’y a-t-il, mon Dieu ! et qui cause tout ce bruit ?

LÉOPOLD, montrant Georgina.

Quelqu’un qu’elle défend et qu’elle aime... quelqu’un qui n’ose se montrer et se tient caché dans votre hôtel.

GEORGINA, vivement à Catherine.

C’est lui !

LÉOPOLD.

Lui !... vous l’entendez ?

CATHERINE.

Et que lui voulez-vous ?

LÉOPOLD.

Lui demander raison d’une insulte... me battre...

CATHERINE.

Vous ne le pouvez pas, mon frère, sans le dénoncer et le perdre... car c’est un proscrit !

LÉOPOLD, stupéfait.

Que dites-vous ?...

CATHERINE.

C’est le comte Hatwani !

GEORGINA, lui mettant la main sur la bouche.

Silence... au nom du ciel...

LÉOPOLD, hors de lui.

Le comte Hatwani !... je connais sa retraite... il ne m’échappera pas...

CATHERINE, s’attachant à lui.

Qu’osez-vous dire ?

LÉOPOLD, de même.

Laissez-moi !... il me faut son sang !

CATHERINE et GEORGINA.

Mon frère, Monsieur.

LÉOPOLD, de même.

Oui, j’aurai raison, j’aurai vengeance !

CATHERINE.

D’un proscrit ?... ce n’est pas possible...

GEORGINA, avec force.

Un proscrit !

LÉOPOLD, avec colère et impatience.

Eh ! il ne l’est plus.

CATHERINE et GEORGINA.

Ô ciel !

LÉOPOLD, de même.

Il a sa grâce.

CATHERINE.

Comment ?...

GEORGINA.

Par qui ?

LÉOPOLD, avec colère.

Par moi ! à qui le ministre n’avait rien à refuser...

Se dégageant de leurs mains.

Aussi rien ne peut le sauver.

Catherine l’embrasse et Georgina tombe à ses pieds.

GEORGINA, très émue.

Monsieur !... Monsieur, soyez béni !... maintenant je consens... j’accepte.

CATHERINE.

Quoi donc ?

GEORGINA.

Tout ce que vous voudrez... tout ce que vous me proposiez de déraisonnable...

CATHERINE, gaiement.

Et moi, quoique ce puisse être, j’y souscris d’avance...

LÉOPOLD, étonné, et les regardant toutes les deux.

Qu’est-ce que cela signifie ?...

 

 

Scène XXII

 

GEORGINA, LÉOPOLD, CATHERINE, SCHLICK

 

SCHLICK.

Madame, chassez-moi, renvoyez-moi, si vous voulez, mais ça ne peut pas durer... ma femme vient d’arriver... ma vraie femme... et elle réclame ses droits...

LÉOPOLD.

Que dit-il ?...

SCHLICK.

La véritable madame Schlick... Monsieur !... la seule et l’unique...

LÉOPOLD, montrant Georgina.

Et qui donc est celle-là ?

CATHERINE.

La comtesse Georgina.

GEORGINA.

La sœur du comte Hatwani.

LÉOPOLD, voulant se jeter à ses pieds.

Ah ! pardon et pitié !...

GEORGINA.

Me demander grâce, vous à qui je dois la grâce de mon frère !... Relevez-vous, monsieur le comte.

CATHERINE, à Léopold.

Et embrassez-la...je vous le permets.

LÉOPOLD, à Georgina.

Et vous, Madame ?

GEORGINA.

Et moi aussi...

 

 

Scène XXIII

 

GEORGINA, LÉOPOLD, CATHERINE, SCHLICK, GOLTZ

 

GOLTZ, voyant Léopold qui embrasse Georgina.

Est-il possible ? devant le mari !...

À Schlick.

Quoi, tu souffres qu’en ta présence ?...

SCHLICK.

Eh ! qu’est-ce que cela me fait ?

CATHERINE.

Pour t’indemniser, mon pauvre Schlick, je me charge de ta première femme.

LÉOPOLD.

Et moi de la seconde !

Le chœur.

Air de valse.

GEORGINA.

Quel bonheur
Pour mon cœur,
Plus de crainte,
Plus de contrainte,
Je puis donc, à mon tour,
Laisser éclater mon amour !

LÉOPOLD.

Quel bonheur !
Pour mon cœur,
Plus de crainte,
Plus de contrainte,
Je puis donc, sans détour,
Laisser éclater mon amour.

CATHERINE.

Quel bonheur !
Pour leur cœur,
Plus de crainte,
Plus de contrainte,
Et tous deux sans détour,
Laissent éclater leur amour.

GOLTZ.

Le bonheur !
De leur cœur,
Chass’ la crainte...
Plus de contrainte !
Et tous deux sans détour
Laissent éclater leur amour.

SCHLICK.

Quel bonheur !
Pour mon cœur,
Plus de crainte,
Plus de contrainte !
Ma femme est de retour
Toujours digne de mon amour.

GEORGINA, au public.

Air : J’en guette un petit de mon âge. (Les Scythes et les Amazones.)

Montrant Catherine.

À cette amie, au malheur si fidèle,

Montrant le comte.

À cet époux, mon orgueil, mon espoir,

Montrant Goltz.

À ce valet,

Montrant Schlick.

À ce mari modèle,
Donnez, Messieurs, quelques bravos ce soir !
S’il en reste, la grande dame
Pour la soubrette les attend...
Et la soubrette enfin se présentant
Pour la comtesse les réclame !

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