Les Sifflets (Jean DE PALAPRAT)

Comédie en un acte et en vers.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre Français, le 3 février 1691.

 

Personnages

 

ÉRASTE, homme du monde, sérieux

DAMON, jeune homme de condition, enjoué

LICIDAS, Auteur

MADEMOISELLE BEAUVAL, célèbre Actrice

UN GASCON

 

 

DISCOURS SUR LE GRONDEUR

 

Le caractère du Héros ridicule de cette Comédie est du choix de mon Associé. D’abord sa première idée avait été de faire le Chagrin. Je lui représentai que ce titre était équivoque, et que le chagrin serait pris pour ce qu’on entend par ces substantifs Latins, mœror, agritudo, sollicitudo, molestia : d’autant plus qu’en Français chagrin est le plus souvent adjectif. Il ne s’agissait pas de peindre un homme chagrin, fâché et affligé par quelque accident ; ce qui arrive aux plus honnêtes gens du monde, aux plus enjoués, et qui ne donne aucun ridicule : mais un homme qui n’a aucun sujet de se fâcher, et qui est chagrin, hargneux, bourru et querelleur par tempérament ; ce qui ne pouvait être renfermé que dans le nom général de Grondeur, sur lequel personne ne pourrait penser différemment.

Nous nous déterminâmes à appeler notre Pièce le Grondeur. Ce titre effaroucha les Docteurs dramatiques de ce temps-là ; et M. Chammelé, qui n’était pas un de ceux qui avaient moins de goût, fut effrayé de ce caractère. Quel plaisir, nous dit-il, espérez-vous que fasse un homme qui grondera toujours ? Nous eûmes beau lui parler du plaisant qu’y jetaient ses oppositions, ce ne fut que par un excès de complaisance qu’il nous accorda le temps d’en entendre la lecture. Elle était en cinq Actes ; le Grondeur ne paraissait qu’à la fin du second, annoncé et préparé sur le grand modèle du Tartuffe, qui ne vient qu’au troisième. Je ne suis pas assez sot pour dire qu’il fut préparé avec le même art : mais je suis assez sûr de mon fait, pour avancer que nous le faisions attendre au spectateur avec impatience et avec plaisir à la fois. Hors l’arrivée de M. Grichard, il n’y a eu presque rien de changé, au premier Acte, qui est le meilleur de cette Pièce, et beaucoup plus à mon Associé qu’à moi. Dès que le Grondeur paraissait, on peut juger par le plaisir avec lequel le Public le voit encore aujourd’hui, si l’on devait être en, peine du reste de la Pièce. Malgré cela M. Chammelé décida souverainement, et avec presque la même hauteur d’une femme d’Agioteur enrichi, il décida, dis-je, et tel fut son arrêt, que ce sujet ne pouvait tout au plus fournir qu’une petite Pièce, et que peut-être ce caractère serait souffert dans une Comédie d’un Acte comme les trois précédentes. Quel arrêt pour deux Auteurs qui avaient travaillé tout de leur mieux pendant près d’un an ? Il fallut avoir recours à des médiateurs ; et à force de négociations, tout ce que nous pûmes obtenir par prières, fut que si nous la réduisions en trois Actes, on verrait l’effet qu’elle ferait. Mon associé y travailla ; avec mes petits secours, en vint à bout, et fut obligé de faire un voyage dans sa Province. Me voilà seul maître de la Pièce, et par conséquent les Comédiens tout-à-fait maîtres de moi, parce que je suis incomparablement plus facile, pour ne pas dire plus mol, que mon Camarade scénique, à qui sa fermeté à défendre ses sentiments par raison a fait quelquefois donner injustement le nom d’opiniâtre. Pour moi je suis un homme dont on a toujours bon marché, et il y a un secret sûr de me faire rendre, c’est ce lui de ne se rendre pas d’abord. En ce temps-là, qui était ce qu’on appelle en langage de spectacles, le meilleur de l’année, c’est à-dire dans le Carnaval, le Théâtre se trouva vide et sans aucune nouveauté, au moins comique ; car on répétait la belle Tragédie de Tiridate de M. Campistron. Je lus le Grondeur en trois Actes ; il fut accepté, plus par besoin que par choix : mais parce que trois actes ne pouvaient pas faire un divertissement entier, j’y ajoutai le Prologue des Sifflets, qui fut si bien reçu. Mais en cela je réveillai, comme l’on dit communément, le chat qui dort, s’il m’est permis de parler ainsi ; et je dirai en son lieu comment les Sifflets me firent sentir la rancune qu’ils me gardèrent.

Comme je suis facile, j’écoutais tous les avis qu’on me donnait ; et je me rendis si fort à toutes les chicanes qu’on me fit dans les répétitions, qu’à force de supprimer et de retrancher, mon troisième Acte s’évanouit entre mes mains, et je me trouvai réduit d’aller aux expédients pour avoir des matériaux, et de quoi en construire un, que je fis presque tout comme on voulait dans la loge de cette Actrice charmante qui jouait le rôle de Clarice. Je fus obligé, plus par la nécessité de remplir mon Acte, que par la nécessité du sujet, d’y mettre la scène du retour de Fadel avec Cato, qui lui rend ses monosyllabes. Elle ne fait plus un fort grand effet aujourd’hui : mais M. Guérin et Mademoiselle Beauval la jouaient d’une si grande perfection ; et, pour parler ainsi, dans une harmonie si parfaite, qu’elle divertissait beaucoup, et ne durait guères moins que la première de Fadel avec M. Grichard, laquelle par les jeux, les temps, et les silences des Acteurs, qui sont les grands coups de l’art, durait trente-cinq et plus de minutes, dont j’ai eu plusieurs fois le plaisir de faire l’expérience à ma montre, quoique cette scène ne contienne au plus que dix ou douze monosyllabes. J’y en ajoutai une autre, malgré le sentiment d’un des grands Maîtres du Théâtre, qui paria contre moi un bon souper qu’elle ne réussirait pas. Je laisse à penser si je gagnai ma gageure. C’est la scène où Mondor fait semblant de consulter M. Grichard, pour se tirer de l’embarras où il s’est jeté, et qui finit par ces mots qui sont passés en proverbe : Prenez deux ou trois fois seulement aussi mal votre temps avec elles que vous le prenez avec moi, etc.

Il arriva une chose assez bizarre à la première représentation de cette Pièce ; elle fut sifflée par le Théâtre et protégée par le Parterre. Si les orages de l’un ne ont pas tout-à-fait si violents que ceux de l’autre, il leur faut encore moins pour les exciter. Laissons à part la question auquel de ces deux endroits on juge plus sainement. Si j’étais encore Auteur, j’aurais bientôt pris mon parti là-dessus ; et disons seulement qu’en vérité, prix pour prix, il y a souvent autant de marchandise mêlée sur le Théâtre que dans le Parterre, et toujours plus de chefs de ces cabales d’où sortent les règlements pour la mode, de ces gens dont tout, jusqu’à des pauvretés, est une décision parmi leurs sectateurs, et que la jeunesse incertaine, qui entre toute neuve dans le monde, croit bonnement devoir prendre pour ses modèles.

Il plût à quelques-uns de ces modèles de venir à la première représentation du Grondeur, et de n’y pas venir de sang froid. Il n’y eut sorte de singerie qu’ils ne fissent contre la Pièce, sans malice et sans dessein peut-être, mais par la seule gaieté qui les animait. Tous les yeux se tournèrent de leur côté ; Grichard eut beau se démener, on le laissa crier tout son saoul, et l’on n’eut plus d’attention pour l’ennuyeux spectacle d’un furieux, d’un enragé : c’est ainsi qu’on l’appelait. Le Théâtre gronda à son tour de l’avoir payé demi-pistole, et se livra volontiers aux plaisanteries de jeunes gens enjoués, qui voulaient bien l’en dédommager, et se donner gratis eux-mêmes en spectacle.

La Pièce finit enfin décriée à un point dans l’esprit des gens du monde, qu’à quelques jours de là feu Monseigneur le Prince voulant aller à la Comédie, il demanda qu’on ne lui donnât pas au moins le Grondeur, tant il en avait ouï dire de mal. On lui représenta le tort qu’il ferait à cette Pièce, et il voulut bien courir le risque de s’y ennuyer, pourvu que par accommodement on y ajoutât les Sabines, c’est ainsi que la Cour avait appelé le Ballet extravagant. S. A. S. l’honora de sa présence à cette condition. Elle en fut très satisfaite, et en dit tant de bien à la Cour, qu’on reçut l’ordre de l’y aller jouer. Elle y réussit infiniment, et ce même Théâtre qui l’avait vilipendée, par l’habitude outrée du Français de passer d’un excès à l’autre, commença à la porter beaucoup plus haut qu’elle ne méritait. La voilà tout à fait rétablie du côté de la gloire : elle reçût du côté de l’intérêt un coup mortel, dont elle ne se releva plus.

Monseigneur alla passer les jours gras à Anet. Sa Majesté sachant bien que M. de Vendôme aurait toujours voulu donner à ce Prince (s’il l’avait pu) des Fêtes pareilles à celle de Galatée[1], eut la bonté de mettre des bornes à sa passion ; et Sa Majesté ne lui permit d’employer que trois Comédiens au plus pour les divertissements qu’on lui donnerait. Je fus chargé de ces divertissements ; chose très difficile à faire avec trois Acteurs, si je n’avais pas trouvé les ressources d’une troupe entière dans la variété et la fécondité de Messieurs Raisin frères et de Viliers. Toute la Cour qui eut l’honneur de suivre Monseigneur à ce petit divertissement, se souvient encore avec plaisir des prodiges que firent ces trois Acteurs.

Je n’avais porté que deux divertissements préparés et concertés de Paris, pour les deux premiers jours, comptant que les trois derniers on divertirait Monseigneur avec de la Musique, qui précéderait et amènerait des scènes détachées des meilleures Pièces. Mais j’eus le bonheur que mes deux divertissements plurent si fort à Monseigneur, qu’il en demanda de pareils pour les trois derniers jours gras, qu’il de voit passer à Anet, et ne voulut point de ces scènes détachées sur lesquelles nous avions fait fonds. Je frémis à la difficulté de cette entreprise : mais de quoi ne serait-on pas venu à bout pour obéir à Monseigneur, et dans un lieu où tout ne respirait que pour lui plaire, où les personnes les plus graves qui composaient sa Cour, s’empressaient à être jouées en leur propre présence, pour concourir à ses plaisirs ; où Messieurs de Vendôme s’étant livrés les premiers aux plus vives railleries, jetèrent une belle émulation dans tous les courtisans, à qui consentirait plus volontiers à l’envi l’un de l’autre, de fournir des traits et des caractères pour remplir et pour égayer ces scènes croquées, ces manières d’impromptu qu’il fallait tirer des objets présents, parce que les Acteurs et moi nous étions véritablement astreints à la règle de vingt-quatre heures, pour imaginer, composer, apprendre et représenter nos petites Comédies ?

C’est le défaut des vieillards de vouloir toujours parler du temps passé, et d’en parler avec éloge. J’avoué que je suis trop sensible au souvenir de ces beaux jours d’Anet, pour me refuser le plaisir d’en marquer toutes les gracieuses circonstances. Voici donc comment tout se passait dans la disposition et dans l’exécution des divertissements qui furent donnés à Monseigneur.

Premièrement, j’étais chargé de les imaginer, et de les faire à ma façon comme je l’entendais. J’y rêvais la nuit, j’y travaillais dès le matin, et ensuite j’allais les concerter avec mes Acteurs. L’après dînée, pendant que Monseigneur était à la chasse, on avait une heure marquée pour s’assembler chez M. le M. de la Fare. Là voulaient bien avoir la bonté de se trouver Monseigneur le Duc, et Monseigneur le Prince de Conti ; le M. Grand Prieur et M. l’Abbé de Chaulieu faisant les honneurs en l’absence de M. de Vendôme, qui ne quittait pas Monseigneur. M. le M. de Dangeau y était aussi appelé, M. Campistron, les trois Acteurs, et moi. Voilà qui était de la fondation du Conseil des plaisirs, où toujours quelque intrus se glissait. Par tout où il y a une Cour, il y a des gens empressés à se fourrer où l’on n’a pas affaire d’eux.

Je commençais par lire ce que j’avais fait : sur cela chacun donnait non seulement son avis, mais y mettait du sien, et fournissait des pensées et des traits. Le sage M. de la Fare était préposé pour modérer ceux qui auraient pu être trouvés trop vifs. J’avais l’honneur de tenir la plume ; et en faveur du petit mérite d’avoir été le premier inventeur, on me chargeait, préférablement à d’autres, qui s’en seraient mieux acquittés, de donner à cet assemblage d’idées de plusieurs personnes, une forme de petite Comédie, qui n’étant quelquefois achevée qu’à quatre ou cinq heures après midi, était jouée une heure après. C’était aussi pour soulager la mémoire des Acteurs, que j’imaginais pour leurs rôles tout ce qui pouvait être lu avec grâce et en action : comme, Lettres, Titres de livres, Enseignes de boutiques, Étiquettes de baîtes et fioles d’Operateurs et de Charlatans, etc. et par là j’ose me vanter d’avoir donné l’idée de ce qu’on a appelé depuis dans le monde Logements et Bibliothèques, qu’on a tant promenées, et sur le Théâtre et ailleurs.

Tels étaient donc l’ordonnance et l’arrangement des fêtes qui furent données à Monseigneur à Anet les cinq derniers jours du carnaval de l’année 1691. Elles commençaient toujours par de la musique, qui était le prélude d’une Comédie. On avait rassemblé tout ce qu’il y avait de meilleur en homme, pour les voix et pour la symphonie. On chanta pendant les quatre premiers jours alternativement une Idylle de M. Campistron, et une Églogue de moi, qui avaient été mises en musique par M. Lulli l’aîné ; et le jour du Mardi gras, le grand divertissement où nous jouâmes presque tous notre rôle, fut coupé par une Pièce dont M. Morel, de la Musique du Roi, avait fait le chant : je ne sais plus qui était l’auteur des Vers.

Ce n’est pas sans raison que j’ai avancé que presque tout le monde joua son rôle dans ce dernier divertissement. Monseigneur le Comte de Brionne commença sans le savoir. Il était au milieu de l’assemblée, qui était déjà pleine, et qui n’attendait plus que Monseigneur ; et il me faisait l’honneur de me parler, lorsque le chef de notre petite troupe, pour préparer une surprise qu’il méditait, saisit cette occasion pour me venir dire qu’il mourait de soif, assez haut pour être entendu de tous ceux qui étaient près de nous. J’étais d’intelligence avec lui : je m’offris sur le champ d’aller lui faire venir de quoi le désaltérer, sans qu’il sortît du lieu où il était, et Monseigneur le Comte de Brion ne fut fort de cet avis là. Mais cet habile Acteur qui avait ses fins, et qui n’était venu se montrer au milieu de l’assemblée que pour tromper tout le monde, dit qu’il aurait plutôt fait d’aller vite boire un coup à l’Office : et au lieu d’y aller, il se déroba, il s’escamota, pour ainsi dire, sans que personne s’en aperçût, et se cacha sous une table couverte d’un grand tapis de Turquie. Peu de temps après Monseigneur arriva, se plaça ; et après avoir attendu quelques moments sans que la Comédie commençât, il demanda pourquoi on ne commençait point. J’étais attentif à cet instant pour aller faire mon personnage. Je m’avançai d’un air embarrassé, et dis quelques mots tout bas à M. le Grand Prieur, qui était assis aux pieds de Monseigneur. Monseigneur qui s’aperçût de mon embarras, (je ne l’affectais qu’afin qu’il le remarquât) demanda à M. le Grand Prieur ce que je lui disais ; et M. le Grand Prieur, qui était du secret, faisant l’embarrassé à son tour, me donna le temps de répéter tout haut, qu’il y avait plus d’un quart d’heure qu’on cherchait par tout l’Acteur qui devait commencer la Pièce, et qu’on ne le trouvait nulle part. Il n’y eut pas deux voix sur son absence : tous ceux qui avaient entendu ce que j’avais dit, l’accusèrent unanimement de s’être oublié quelque part à gobelotter, je répète le propre terme dont on se servit ; et Monseigneur le Comte de Brionne eut la bonté de déposer d’office, qu’il n’y avait pas longtemps qu’il l’avait vu en ce même endroit ; que sur ce qu’il avait dit qu’il mourait de soif, Palaprat s’était offert de lui faire porter à boire ; qu’il avait été, lui, fort de cet avis là : mais que l’altéré s’était impatienté mal à propos.

Cela suffit pour qu’il fût crû
Dûment atteint et convaincu
D’énormité de beuverie.[2]

Monseigneur ordonna qu’on le cherchât dans tous les coins du Château. Le Musicien lui vint demander s’il voulait bien, en attendant qu’il fit chanter sa musique : Monseigneur répondit qu’il voulait attendre que cet Acteur fût retrouvé. Son frère parut là-dessus, en désordre et à demi habillé, pour venir demander pardon de la prétendue sottise de son frère. Et pendant qu’il disait mille choses pathétiques, plus plaisantes que solides pour l’excuser, il fut interrompu par le ronflement violent d’un homme endormi, dont il fit fort le surpris, et ne laissa pas d’en prendre occasion de donner en passant, un petit trait à un homme de condition des plus aimables et des plus généralement aimés qui fussent dans l’assemblée, auquel ses amis s’avisaient dès lors de faire (faute d’autre sujet) une raillerie, qui fut longtemps après la matière de ce couplet de chanson que fit sur lui un Prince qui l’aime tendrement :

Au souper que Damon prépare,
Avec un petit Opéra,
Je ne sais pas bien si...
Se plaira ;
Mais je sais bien qu’il mangera
Et ronflera...

On chercha le ronfleur au bruit, on connut bientôt qu’il venait de dessous cette table dont j’ai parlé, de dessous laquelle on tira notre Acteur ivre, ou le contrefaisant à merveille. Je laisse à penser si sa feinte ivresse fut un prétexte pour l’encourager à pouvoir hardiment faire le moulinet sur toute l’assemblée. Il tira tout le monde, et chacun, quand son tour venait, faisait le plongeon en étouffant de rire. Ce fut une des plus plaisantes et des plus vives scènes qui aient jamais été jouées. Elle servit de Prologue à la petite Comédie qui suivit la musique qui fut chantée pendant que les acteurs allèrent prendre d’autres habits.

Nos Comédies étaient mêlées d’entrées de Ballet ; nous avions des plus excellents Danseurs pour les exécuter, surtout un Arlequin, un Paysan et un Gile, dont nous tirâmes de grands secours pour jouer des rôles dans nos Pièces, aussi bien que du célèbre M. Philibert, qui ne se borna pas à son talent enchanteur de tirer de la Flute Allemande

Des sons plus doux que le chant des serins,
Que ceux que Devizé[3] tire de sa guitare ;
Sons à rendre jaloux Labarre[4],
S’il pouvait l’être encor de l’amant de
SYRINX.

Philibert fit le Suisse, il fit le Gascon, et quelques autres personnages à ravir tout le monde. S’il ne fut surpassé par personne à faire mieux que lui tout ce qu’aurait pu exécuter un bon Comédien de profession, il fut au moins suivi par bien d’autres, qui nous aidèrent beaucoup dans l’indigence d’Acteurs où nous étions.

Pour le grand Acteur que nous avions choisi pour être le pivot sur lequel devaient rouler tous ces divertissements, et qui en fut aussi toute l’âme, et en fit toute la vivacité, on vit de lui dans cette occasion des prodiges à ne pouvoir être crûs. Ce gracieux Comique enchérit sur tout ce que cet art a jamais fait imaginer ; et non seulement il joua au moins trente différents caractères, mais il chanta, il dansa, (que ne fit-il point ?) et en chargeant un peu, (en quoi il excellait) il copia tout ce qu’il y avait de plus parfait sur les Théâtres de Paris, et dans cette assemblée même.

La Cour de Monseigneur était fort grosse : que tous ceux de qui elle était composée me démentent, si j’ajoute à la vérité, je les atteste. Jamais on n’a tant ri qu’à ces divertissements brusques et précipités ; tout y réussit dans une perfection qu’un mois de préparation n’aurait pu faire espérer. Il n’y eut pas un seul endroit qui languît, et dont tous les spectateurs ne fussent charmés, et ne rissent aux larmes. On ne parla d’autre chose pendant trois mois à la Cour et à la Ville, que de ces plaisirs d’Anet. Que de gens me les demandèrent ? que d’autres me proposèrent de les rendre publics ? Ce dernier parti était un peu contraire aux bienséances qu’on devait à ceux qui avaient bien voulu n’être pas épargnés pour contribuer à divertir Monseigneur. Il y eut un homme qui vint me trouver un matin, et qui après m’avoir fait toute sorte d’instances pour m’obliger à lui en vendre le manuscrit à ses périls, risques et fortunes, crût me séduire, (parce qu’il savait bien que j’étais joueur et pas trop pécunieux) en mettant sur ma table un rouleau d’environ peut-être une cinquantaine de louis : mais quoique je fusse en ce temps-là beaucoup plus brouillé encore avec l’argent comptant que je ne le suis aujourd’hui, j’étais le même sur les égards que tout honnête homme : doit à autrui et à soi-même ; et il n’y avait appas de flatteuse et vaine réputation, ni d’intérêt, ni de ressentiment, qui pût me tenter de publier, je ne dis pas une satyre injurieuse contre qui que ce fût, mais même la raillerie la plus innocente, au hasard de faire le moindre chagrin à quelqu’un.

Mais une chose que je ne dois point taire, dont l’Académie en corps se trouverait honorée, et sur laquelle la modestie même pourrait avoir de l’orgueil, sans sortir de son caractère : c’est que LE ROI, à qui les Courtisans rendaient tous les jours un compte exact de tout ce qui se passait dans les divertissements d’Anet, et qui n’ignora pas une syllabe de tout ce qui s’y prononça, LE ROI enfin eut la bonté d’en paraître si content, que S. M. dit tout haut, qu’à choses égales Elle n’avait jamais été mieux divertie dans ses Fêtes les plus magnifiques, que Monseigneur venait de l’être à Anet par ces petits Jeux. Il est vrai que des paroles si obligeantes de S. M. partaient du penchant qu’Elle a toujours eu à recevoir avec plaisir en toute sorte d’occasions les marques du zèle de M. de Vendôme.

Il est temps que je revienne au Grondeur, dont j’ai perdu l’histoire de vue : mais qui ne me le pardonnera pas, s’il veut bien, pour entrer dans mes sentiments, écouter ses propres entrailles, pour peu qu’il en ait ?

Les trois Acteurs d’Anet jouaient les trois principaux rôles dans le Grondeur, et par leur absence cette Pièce perdit, dans la fureur où était Paris pour elle, les cinq meilleures représentations de toute l’année. On la reprit le jour des Cendres, jour où le spectacle est peu fréquenté, parce que les femmes sont fatiguées des jours précédents. Elle eut affaire à un Arlequin Ésope des Italiens ; monstre comique composé, comme une autre chimère, de plusieurs monstres ridicules, et de tous les plus bas grotesques. Cette concurrence n’est guères plus honorable pour le Grondeur, que le fut autrefois celle de la Phèdre de Pradon pour la Phèdre de Racine. Ce malheureux Esope ne laissa pas d’achever de couler à fond notre pauvre Comédie : de sorte qu’on peut dire d’elle, par rapport aux louanges qu’on lui a données, et qu’on lui donne encore tous les jours, qu’elle ressemble à l’Hecyre de Terence, puisqu’à sa première représentation et à sa reprise elle a eu l’affront de se voir abandonnée pour des Pantomimes et des Danseurs de corde.

Le plus grand succès du Grondeur, à le prendre dans le sens utile où le prennent les Poètes, n’a donc jamais été dans sa nouveauté, et au profit de ses auteurs. Mais on dirait que c’est depuis à force de gloire que le Public a voulu nous dédommager de l’intérêt : il n’y a jamais eu de Pièce qui ait fait une si grande et si constante fortune. Je ne compte pas pour beaucoup de l’avoir vu jouer dans les Provinces, et que l’on y crevait, malgré la stupidité et la barbarie des Comédiens, qui la défiguraient :mais d’avoir vu un temps très considérable à Paris, où toutes les fois qu’une Pièce nouvelle tombait, (ce qui arrivait souvent) le Grondeur était demandé à grands cris, et il fallait le donner, comme s’il avait été fait pour calmer les tempêtes, et réconcilier le Théâtre avec le Parterre, quand une Pièce nouvelle l’avait mis de mauvaise humeur : semblable à ce météore brillant, dont on voit toujours avec plaisir les vives couleurs après un noir orage.

Il me serait bien aisé de faire ici des remarques sur cette Pièce, et de les faire même avantageuses, sans blesser la modestie, en jetant les plus beaux endroits sur mon associé : mais tout le monde la sait aujourd’hui par cœur ; et si l’on en excepte les ouvrages divins de Molière, il n’y a pas eu de Pièce depuis Pathelin premier, je veux dire ce fameux Pathelin du temps de Charles VIII, qui ait donné naissance à plus de proverbes ; preuve toujours certaine de la bonté d’un ouvrage. Ce serait donc aujourd’hui autant d’inutilités que de parler de son caractère, de la manière fine, théâtrale, comique, et toute neuve dont il est exposé, et de la manière vive et plaisante dont il est soutenu par tout jusqu’à la fin, des mœurs qui y règnent, du vice insupportable à la société civile qu’on y corrige, de la vérité qui y est enseignée, des fréquents sujets de rire qu’il y a, sans que la plus délicate pudeur puisse s’en alarmer ; des traits nouveaux dont elle est semée, (même sur les Médecins) matière qui semblait épuisée par Molière.

Mais j’avoue que je suis bien fâché de ne pouvoir faire juge le Public du sentiment, ou peut-être de l’erreur où j’ai toujours été, que cette Pièce était infiniment meilleure en cinq Actes. Je l’aurais fait imprimer aujourd’hui de cette façon, si une personne, qui m’est chère, ne m’avait rendu, pendant que j’étais en Italie, le même bon office que la nièce de D. Quichotte lui rendit, en jetant au feu tous ses livres de Chevalerie. La personne dont je parle craignant peut-être que la passion de corriger les mœurs ne me menât aussi loin que celle de réparer les torts avait mené ce pauvre Chevalier, fit en mon absence un abatis entier, et une déconfiture générale de tous les papiers où elle trouvait les mots d’Acte et de Scène : et par là je me trouvai hors de portée à mon retour (quand j’en aurais eu quelque démangeaison) de travailler sur mes vieilles folies ; et je ne suis pas assez jeune pour m’aller tourmenter l’esprit à en imaginer de nouvelles. Je crois bien qu’en cela il m’a été rendu un bon service. Mais puisque j’ai tant fait que de consentir non seulement à une nouvelle édition de ces ouvrages dramatiques, mais aussi d’y donner mes soins avec application, je n’aurais pas été fâché de pouvoir y en ajouter plusieurs, dont les uns ont vu le jour, et les autres ont été totalement perdus pour moi : heureux s’ils ne sont sortis de mes portefeuilles que pour aller dans le feu ! car enfin je regarde le bucher pour des écrits, comme une espèce d’apothéose, chimérique si vous voulez, mais qui les garantit sûrement de tous les honteux dangers où ils sont exposés pendant qu’ils sont en nature.

J’aurais donc non seulement ajouté à ces Pièces, le Sot toujours sot, ou le Baron Paysan, qui fut joué avec beaucoup de succès vers le mois de Juillet de 1693, et que je n’ai jamais pu retrouver : mais je crois même que j’aurais été tenté de produire quelques autres Pièces, quoiqu’elles n’aient pas été jouées, et dont à tout événement je vais, par une espèce d’instinct de précaution, donner une liste, afin qu’elle leur serve en quelque manière, comme ces remarques que les Anciens avaient accoutumé de mettre aux enfants exposés.

 

L’Annonce du Grondeur.

 

C’en était la critique. Son succès surprenant nous la fit faire ; sa mort subite, et arrivée quand nous l’attendions le moins, nous la fit supprimer.

 

Le derrière du Théâtre.

 

C’était une peinture naturelle de ce qui s’y passe tous les jours, surtout dans les foyers ; et dans cette peinture les Comédiens ne s’épargnaient pas eux-mêmes.

 

Omphale.

 

Pièce en cinq Actes et en Vers, toute de moi, qui fut représentée pour la première fois le 16 du Mai 1694, et aux représentations de laquelle il arriva toutes sortes de contretemps. Une jeune Actrice, qui devait y jouer un rôle des plus gracieux, tomba malade de la petite vérole l’après dînée même, et deux heures au plus avant que la Pièce fût jouée. Je n’allai que fort tard au Théâtre ; je trouvai que son rôle avait été donné sans ma participation à une autre Actrice, à laquelle il convenait si peu, que c’était comme si on avait voulu faire jouer Brillon du Grondeur, ou Clistorel du Légataire, par le Géant de la Foire.

On prit pour prétexte qu’il ne fallait pas renvoyer la Pièce à un autre jour, parce que Monseigneur le Duc et Monseigneur le Prince de Conti l’honoraient de leur présence. Ces Princes cependant voulaient bien se contenter de toute autre Pièce, et consentaient que celle-ci fût remise. Rien ne put faire changer l’irrévocable arrêt. À sa cinquième ou sixième représentation le père de cette jeune Actrice malade, tomba malade lui-même, et il avait un rôle considérable. Enfin la maladie des Acteurs fut la mort de la Comédie, qui après avoir agonisé quelques jours expira d’abattement et de langueur, laissant pour toute succession quelque estime, et peu de profit.

 

Les Fourbes heureux.

 

La destinée de cette Pièce prouve bien mon indifférence. Les rôles en furent distribués, appris et récités de suite par les Acteurs ; ce qui se pratiquait avant les repétitions. On craignit qu’une espèce de gens d’affaires, qui est généralement comprise sous le nom odieux de Traitants ou de Maltôtiers, n’y fût point assez ménagée. Ce n’était pourtant pas trop ma manière, d’être lourd et pesant dans mes traits ; et j’ai vu depuis ces Messieurs-là bien rudement et bien lourdement frappés dans plusieurs Pièces, au prix des bottes légères que je leur portais. Enfin je m’aperçus d’un sage refroidissement dans l’esprit des Comédiens, quoiqu’ils eussent l’honnêteté de ne me le pas déclarer. J’ai toujours été l’homme du monde le moins propre à me donner les mouvements que tant d’Auteurs se donnent pour les réchauffer. La Pièce en demeura là, et eut le sort des autres pendant mon voyage d’Italie.

 

Le Faucon.

 

Tout le monde connaît ce Conte de la Fontaine qui est si touchant. J’en avais fait pour les Italiens une Pièce tout à fait folle, qui figurerait aujourd’hui avec ses deux sœurs d’un premier lit, Phaéton et la Fille de bon sens, dans le recueil général que Gherardi a fait imprimer. Elle était prête à être jouée quand leur Théâtre fut renversé en 1695. Je l’avais depuis accommodée à la Scène Française sous le nom de l’Amant parfait.

 

Les Veuves du Lansquenet.

 

C’était une manière de Vaudeville, à propos d’une très rigoureuse défense du Jeu. J’avais quelque raison de me flatter de pouvoir réussir à tourner en ridicule ce qui se passe dans ces fameuses guerres qui s’allument quelquefois entre les personnes qui donnent à jouer, dans leurs alliances et leurs traités de paix, parce que je m’étais trouvé moi-même fort souvent mêlé dans ces partis et dans leurs négociations.

Et enfin.

 

Les Dervis.

 

Chef-d’œuvre de mon innocence, pour ne pas dire de ma bêtise. On peut voir ce sujet dans les Annales galantes de Mme de Villedieu. Il me parut si plaisant, que je le traitai avec une franchise et une loyauté véritablement Gauloise, et sans aucune réflexion. Dès qu’on m’en eut fait faire, je tombai d’accord que cette Pièce ne devait pas être jouée, par les mêmes raisons qui en auraient fait sûrement le succès. J’avais bonnement embrassé ce sujet sans y entendre la moindre finesse, et avec cet te simplicité que j’ai reçue en naissant, qui n’a guères été diminuée par cinquante ans de fréquentation, toujours avec ce qu’il y a eu de plus délié, et très souvent même avec ce qui a eu la réputation d’être malin. Simplicité en un mot si grande, que j’avoue que M. le Grand Prieur a toujours eu raison quand il l’a appelée imbécillité. Ma fortune en pourrait servir de preuve démonstrative ; et je n’aurai garde d’oublier dans l’impression de mes Poésies une Balade dont le refrain est :

Les gens d’esprit sont les dupes des sots.

Je dois soutenir cette proposition pour mon honneur, n’osant me flatter de pouvoir être mis au rang des gens d’esprit que par cet endroit. Cette thèse d’ailleurs s’établit tous les jours par des exemples beaucoup plus authentiques. Rien n’est plus familier dans le monde, que d’y voir des sots reconnus, avérés pour tels, à qui personne ne veut parler, et qui n’ont pas laissé de faire trente fois plus de chemin en moins de rien, que n’en ont fait en vingt années ces véritables imbéciles qui s’amusent, et se bercent de la frivole réputation de gens d’esprit, de gens aimables, de gens dont le commerce fait plaisir. Ceux-ci se vengent chimériquement, en lâchant de temps en temps quelques traits contre les autres, qui ne leur donnent pas même la satisfaction de leur laisser croire qu’ils les aient sentis, et ne s’écartent jamais de leur chemin ; semblables à ces animaux patients et pacifiques, qui sans s’embarrasser si leur figure et leurs grandes oreilles font japper quelques roquets après eux, vont toujours leur petit train, et arrivent ainsi à leur but. Je ne puis m’empêcher de faire à ce propos un conte domestique, qui suffirait pour me corriger d’aboyer vainement après les sots comblés de biens, quand je n’en serais pas aussi éloigné que je le suis par la seule tranquillité de mon tempérament.

En sortant de ma Philosophie, on me donna chez moi un très savant homme pour m’apprendre le Droit Civil. Il était grand Légiste, et avait été sur les rangs pour une Chaire de Professeur. Il suivait assidûment le Barreau, où il était Avocat toujours écoutant, et jamais écouté ; car en six ou sept ans que nous fûmes ensemble, il n’ouvrit jamais la bouche pour plaider. Il s’appelait M. Dequan : tout notre Barreau de Toulouse se souvient encore de lui. Il y avait en même temps un Avocat fort occupé, que Dequan regardait avec plus de mépris que Tribonien n’aurait regardé un Bedeau de l’Université. Il s’appelait M. Puiou. Il avait dépêché tous les matins, avant la belle heure de l’Audience, quatre ou cinq de ces petites Causes d’entrée à trois livres pièce, suivant l’usage et le tarif de notre Parlement. Dequan en crevait de jalousie ; et comme il était d’un grand loisir, il ne manquait jamais tous les jours de l’affubler d’une ou de deux épigrammes, et quand l’année rendait, cela allait quelquefois jusqu’à trois ou quatre par jour. Jamais il ne tomba dans l’esprit à Puiou de perdre un instant à s’amuser de répondre à Dequan,

Et sagement comme Bartholomée[5],
Droit à son but allait cet Avocat.

Tout ce qu’il disait quelquefois, avec un sang froid assommant, mêlé d’une pitié insultante : Dequan fait des épigrammes contre moi, et je plaide : Sept ou huit mots de Prose plus accablants qu’une satyre hérissée des Vers les plus piquants de Lucilius, d’Horace, de Juvenal et de Perfe. Les sots dont je viens de parler ne feront certainement jamais d’épigramme contre personne : mais ils ne cesseront pas un moment de plaider, et de plaider pro domo sua, plus utilement que des Cicéron.

Revenons à la liste que je viens de mettre ici. Voilà, diront les plaisants, la plus impertinente fanfaronnade dont un Auteur Gascon se soit encore avisé. Je m’étonne seulement, puisqu’il ne s’agissait de nous donner que des titres de Comédies, qu’il en quitte notre crédulité à si bon marché, et qu’il ne nous dise pas qu’il en a perdu autant que le fanatique Héros du Poème de Sarrasin[6] se plaignait qu’on lui avait dérobé de Sonnets. Des Comédies en blanc ne sont pas plus malaisées à faire que des Sonnets en blanc ; et il est bien modeste de n’avoir pas enchéri sur le nombre de trois cent, fixé par son confrère et son prédécesseur Dulot. Ah ! vraiment voici qui est tout du plus nouveau ; on nous a donné autrefois une Comédie sans titre, et aujourd’hui on nous donne une douzaine de titres sans Comédies. Hé, Messieurs les railleurs, trêve, de grâce, pour cette fois. Je pourrais vous le rendre quelque jour, et plaisanter peut-être aussi-bien que les gens qui s’en mêlent. N’empoisonnez pas toujours, je vous prie, les intentions les plus droites et les plus simples ; voici la mienne. Je me suis crû obligé de faire un aveu public de tout ce qui a paru de moi, soit en seul, soit avec mon associé, ou qui a pu paraître imprimé ailleurs qu’en France sans le consentement de l’un ni de l’autre ; de déclarer que je n’ai aucune part à ce qui ne portera pas ces noms, quelque bon qu’il puisse être ; de rendre grâces aux Imprimeurs étrangers de l’honneur qu’ils m’ont fait de me donner de très bons ouvrages, et de n’usurper pas plus longtemps celui que je recevais injustement du Public, lorsqu’il m’en croyait l’Auteur.

 

 

Scène première

 

DAMON, LICIDAS

 

DAMON.

Vous vous défendez mal, avouez-le entre nous.

LICIDAS.

J’ai quitté le métier.

DAMON.

La défaite est mauvaise ;

Je sais que le Grondeur est encore de vous.

LICIDAS.

De moi, Monsieur ? À Dieu ne plaise.

 

 

Scène II

 

ÉRASTE, DAMON, LICIDAS

 

ÉRASTE.

Toujours aux nouveautés on vous voit le premier,

N’avez-vous rien appris de celle qu’on nous donne ?

DAMON.

J’ai vu des gens qui sortaient du Cormier,

Et qui disaient entr’eux qu’elle était assez bonne.

LICIDAS.

Partisans de l’Auteur, qu’il venait d’engager

Par un repas...

DAMON.

Rayez cela de vos tablettes ;

Monsieur l’Auteur, vous-même, est-ce que les Poètes

Donnèrent jamais à manger ?

Sur cet article seul on les voit toujours sages.

ÉRASTE.

Mais le désir de faire approuver ses ouvrages...

DAMON.

Ce n’en est guères le chemin,

Il ne faut point chercher des flatteurs dans le vin ;

La Comédie en fait l’expérience,

Et l’on n’a pas connu ses intérêts,

En la plaçant entre deux cabarets.

Il revient du Cormier, il sort de l’Alliance

Fort peu d’Approbateurs, et beaucoup de Sifflets.

LICIDAS.

C’est-là que les ligues formées

Ayant élu pour chef quelque Siffleur banal,

N’attendent que le signal

Des chandelles allumées,

Pour donner au Théâtre un assaut général.

ÉRASTE.

Eh ! Monsieur Licidas, parlons sans passion,

Souvent toute autre chose excite la tempête.

LICIDAS.

Les Dimanches surtout.

ÉRASTE.

Ha, pour les jours de Fête,

Je n’en serais pas caution.

Mais ordinairement comptez que cette guerre

Naît d’un légitime courroux ;

Dans ce formidable Parterre,

D’où partent les plus rudes coups,

On trouve toute la justesse,

Tout le bon sens, tout le bon goût,

Tout l’esprit, toute la finesse,

Et toute la délicatesse

Qu’on demande aujourd’hui pour bien juger de tout :

Enfin presque toujours la raison, la justice

Au murmure public ont la meilleure part.

LICIDAS.

Et quelquefois aussi l’envie et le caprice.

Échouer par chagrin, réussir par hasard,

Est le destin commun aujourd’hui des spectacles :

On en verra bien peu désormais résister

À ce cruel destin, à moins de grands miracles.

On n’y va plus pour écouter.

Les jeunes gens y vont traiter de leurs affaires,

Faire assaut de tabac, troquer des tabatières,

S’informer du bon vin. Fi, se laisser toucher

À des plaisirs si secs, sent trop la vieille mode.

Par habitude encor le monde y va chercher

Hors le spectacle seul tout ce qui l’accommode,

Celui-ci qui lui donne à souper chez Lami[7] ;

Celui-là sa Maîtresse, et l’autre son ami,

Qui fait en l’abordant, par sa voix, par son geste,

Un bruit qui force enfin les gens à décamper,

En louant en secret l’écornifleur modeste,

Qui n’y vient chercher qu’à souper.

Ce sont caquets, fracas, qui jamais ne finissent ;

Jugez si c’est par tout un tumulte achevé.

Les lieux que les femmes remplissent

Sont ceux où le silence est le mieux observé.

DAMON.

Aux Loges, aux Balcons quelquefois il se passe

Des Scènes...

LICIDAS.

De tout temps les femmes ont parlé :

C’est un point sur lequel on doit leur faire grâce.

Il est vrai, quelquefois l’Acteur en est troublé :

Mais on les voit au moins qui demeurent en place.

DAMON.

Grâces à la Crosnier[8], qui les enferme à clé.

LICIDAS.

Pour le repos public Dieu veuille qu’on en fasse

Au premier jour autant de tous ces esprits vifs ;

Changeant aussi souvent de lieu que de grimace,

Sur ce vaste Théâtre ils se trouvent captifs,

C’est pour leur promenade un trop petit espace.

DAMON.

S’imaginer aussi de les rendre attentifs

À vos Pièces à la glace,

C’est terriblement se flatter.

LICIDAS.

Faut-il encor le répéter ?

Le spectacle est perdu, vous dis-je.

DAMON.

Mais...

LICIDAS.

De grâce,

Y voyez-vous venir quelqu’un pour écouter ?

On y vient pour fronder, pour tailler tout en pièces ;

On voit de ces frondeurs un peloton mutin,

Qui...

ÉRASTE.

Croyez-moi, Monsieur, donnez de bonnes Pièces,

Je vous répons de leur destin.

LICIDAS.

En ce temps l’entreprise est grande ;

Et l’on ne peut ainsi parler

Tant que l’on n’aura pas défendu de siffler,

Sur peine d’une grosse amende.

DAMON.

Oh ! je ne doute point que vous ne trouvassiez

Cette amende fort équitable,

Et sur tout si le tiers en était applicable

Aux Auteurs disgraciés.

Vos plaintes là-dessus sont de pures chimères,

Rien ne tient mieux les gens dans leur devoir,

Écoutez-moi, vous allez voir

Si les Sifflets sont nécessaires.

Chez un Marchand moins riche en bijoux qu’en caquet,

L’un près de l’autre un jour se rencontrèrent

La Trompette et le Sifflet,

Qui sur le pas d’abord se querellèrent.

Leur procédé fut violent,

L’un est traître et moqueur, l’autre fière et bruyante.

Sans la présence du Marchand

Leur querelle eût été sanglante.

La Trompette bravant d’un ennemi si vain

Le ridicule orgueil et l’impuissante rage,

Crut avoir tout l’avantage.

D’une Géante contre un Nain.

Oses-tu, disait-elle, au plus beau de mon règne

De ton mérite au mien faire comparaison ?

Es-tu jusqu’à ce point dépourvu de raison,

Vil instrument que l’on dédaigne,

Qui serais ignoré de tous

Sans les criminels rendez-vous

Où tu servais jadis dans l’horreur des ténèbres ?

Aujourd’hui le Pont-Neuf jouit d’un plein repos.

Trop de catastrophes célèbres

Ont servi de pompes funèbres

Aux prouesses de tes Héros.

Si tu prends désormais ces manières mutines,

Vois en moi qui te châtiera.

Es-tu si glorieux parce qu’à l’Opéra

Tu fais mouvoir des façons de machines ?

Je vois bien ce qui t’a gâté,

Ce sont les airs d’autorité

Qu’on te souffre à la Comédie.

Les tours que tu fais là te paraissent galants :

Mais regarde de quelles gens

Ton insolence est applaudie.

Moi, je fais mon devoir toujours près des guerriers,

Je leur fais moissonner des forêts de lauriers,

Je ramène, j’excite un languissant courage,

On me doit des hauts faits qu’on ne peut oublier.

N’as-tu pour tout avantage

Autre chose à publier,

Repartit le Sifflet d’un air assez tranquille ?

Avec un mot je veux t’humilier.

Dans le camp des Français, instrument inutile,

De leur haute valeur tu n’es que le témoin ;

D’exciter leur courage a-t-on quelque besoin ?

Crois-moi, rabaisse un peu de ce ton de tonnerre,

Tu n’auras pas longtemps matière à tes discours :

Eh ! fanfaronne, la guerre

Ne durera pas toujours.

Nos victoires sont trop complètes,

Pour ne voir pas dans peu tout calme, ou tout soumis.

À quoi servirez-vous alors, pauvres Trompettes ?

La France au premier jour sera sans ennemis,

Et jamais sans mauvais Poètes.

Pendant ce plaisant démêlé

Le Marchand par plaisir ayant dissimulé,

À la fin éclata de rire.

Pour mettre toutefois la paix dans sa maison,

Je suis fâché, dit-il, Trompette, de vous dire

Que le Sifflet a raison :

Vous nous contez des sornettes,

Quand vous faites sonner si haut vos grands emplois.

Depuis un certain temps je débite en un mois

Beaucoup plus de Sifflets qu’en deux ans de Trompettes.

Il vous dit vrai, bientôt vous serez au filet,

La paix vous rendra muette,

On ne conservera que la douce musette,

Le hautbois et le flageolet,

Pour chanter les amours sur les bords de la Seine ;

Et le redoutable Sifflet,

Pour corriger les abus de la Scène.

Ces vers vous plaisent-ils ?

LICIDAS.

Si...

DAMON.

Mon intention

Est de savoir comment Éraste les regarde.

Pour vous, Monsieur, je n’ai garde

De vous faire jamais pareille question.

Mais on va commencer. Voici l’instant fatal,

Et je vois dans cette coulisse...

ÉRASTE.

Qui ?

DAMON.

Mademoiselle Beauval.

ÉRASTE.

En écharpe une telle Actrice !

Ne jouerait-elle point ?

DAMON.

J’en augurerais mal.

ÉRASTE.

Il faut que sur ce point elle nous éclaircisse.

 

 

Scène III

 

MADEMOISELLE BEAUVAL, DAMON, ÉRASTE, LICIDAS

 

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Crève plutôt l’Auteur de la frayeur qu’il a.

Renvoyer ce beau monde-là :

Vraiment nous aurions bonne grâce.

Rendre un double, encor moins, qu’il compte sur cela.

LICIDAS.

De quelle bonne humeur aujourd’hui vous voilà ?

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Vous ririez trop, Messieurs, devoir ce qui se passe.

L’Auteur de cette Pièce, orgueilleux, confiant,

(Comme ils sont tous) gardant pour lui seul son estime,

S’applaudissant toujours, et toujours décriant

Tout ce qui ne vient point de son esprit sublime,

Idolâtre éternel de ses productions,

Traitant tous les Auteurs près de lui d’allobroges,

Au Grondeur chaque jour ajoutait des éloges.

Il le fallait entendre aux répétitions,

Prôner sa Comédie, élever ce chef-d’œuvre ;

Il nous allait tous enrichir.

De ce matin plus humble, et cherchant à gauchir,

Le Parterre lui semble aspic, serpent, couleuvre,

Dans son premier courroux difficile à fléchir.

L’affronter est, dit-il, une terrible chose.

Combattu, mais trop tard, de ces réflexions,

Je viens de le laisser dans les convulsions.

On doit aux violons cette métamorphose,

Qui du premier coup d’archet

L’ont rendu sourd et muet.

D’abord il regardait allumer les chandelles,

Sans trop paraître se troubler :

Mais la toile levée, on l’a vu chanceler,

Rougir, pâlir, céder à ses frayeurs mortelles,

La peur entièrement a troublé son esprit,

Il extravague et ne sait ce qu’il dit.

Quoi qu’on lui représente, il raisonne pantoufle,

Sa Comédie en poche il tremble et n’entend rien,

Nous ne la savons pas cependant assez bien

Pour la jouer sans qu’on nous souffle :

Nous sommes bien embarrassés.

Je n’ai vu de mes jours une chose pareille.

À Licidas, qui rit.

Ne riez point, autant vous en pend à l’oreille ;

Depuis assez longtemps vous nous en menacez.

LICIDAS.

Peut-on vous écouter sans un plaisir extrême ?

Votre récit a tant d’appas,

Que je veux aller voir moi-même l’embarras

D’un homme jusqu’ici trop rempli de lui-même.

DAMON.

Je confesse pour moi que j’en ris de bon cœur.

ÉRASTE.

Pour moi, sans connaître l’Auteur,

J’ai pitié de sa confiance,

Et j’estime beaucoup sa peur.

L’une de l’amour propre est une douce erreur,

L’autre un effet de la prudence.

Cette peur le rendra plus sage à l’avenir.

 

 

Scène IV

 

MADEMOISELLE BEAUVAL, DAMON, LE GASCON, ÉRASTE

 

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Vous ne pouviez, Monsieur, plus à propos venir.

Qui peut mieux qu’un Gascon, en fait de hardiesse,

Mener les gens tambour battant ?

LE GASCON, à Mademoiselle Beauval.

Parlez.

À Damon.

Ah te voilà, serviteur.

À Éraste.

Hé bien, qu’est-ce ?

S’agit-il donc ici d’un exploit important ?

MADEMOISELLE BEAUVAL.

D’encourager l’Auteur.

LE GASCON.

Qu’est-ce donc qu’il craint tant ?

Que l’on n’accompagne sa Pièce

De quelque concert éclatant ?

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Vous voilà dans le fait sans que je vous l’explique.

LE GASCON.

J’entends les gens à demi mot.

Eh donc de se fâcher l’Auteur est-il si sot ?

Cet homme assurément n’aime pas la musique[9].

Bagatelle ! cela doit-il vous ralentir !

Nous sommes quelques bonnes lames

Qui ferons un orchestre à vous bien divertir.

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Quoi ?

LE GASCON.

Cela vous déplaît.

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Oui, beaucoup, sans mentir.

LE GASCON.

Ah je n’ai su jamais rien refuser aux Dames !

Et si vous m’en priez, je puis vous garantir...

DAMON.

Tu connais les auteurs de ces nobles aubades ?

LE GASCON.

Si je les connais ? ils sont tous

Mes amis et mes camarades.

C’est une gloire parmi nous

D’inventer sur ce point quelque mode nouvelle ;

L’un fait bien le hautbois, l’autre le chaudronnier.

DAMON.

En cet art, Dieu merci, tu n’es pas le dernier.

LE GASCON.

Ah c’est en quoi sans vanité j’excelle,

Je fais faire un sifflet tout neuf sur ce modèle.

En montrant un monstrueux sifflet.

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Celui-là suffisait, on n’en saurait trouver

De meilleur pour jouer longtemps le premier rôle.

LE GASCON.

Je crois pourtant l’user dans cet hiver,

Si la Troupe nous tient parole.

ÉRASTE.

Comment ?

LE GASCON.

Ne nous promet-on pas

Des nouveautés de toutes sortes ?

Comique, sérieux, tout franchira le pas.

ÉRASTE.

Mais si ces nouveautés étaient bonnes ?

LE GASCON.

N’importe.

ÉRASTE.

Quelle façon de décider ?

De bonne foi je m’étonne

Que l’on trouve plus personne

Qui veuille se hasarder.

Pour s’exposer sur la Scène

Il faut être avéré fou ;

C’est s’aller rompre le cou,

La chute est toujours certaine :

Cependant vous rebutez

Tel à force de vous craindre,

Qui pourrait un jour atteindre

Peut-être aux grandes beautés.

Vous sifflez d’une manière

À désespérer les gens.

Ou ressuscitez Molière,

Ou soyez plus indulgents.

DAMON.

Contre cette raison tu ne peux te défendre.

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Ferons-nous pour vous vaincre un effort superflu ?

Daignez tranquillement aujourd’hui nous entendre.

LE GASCON.

Jouerez-vous ?

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Oui, Monsieur.

LE GASCON.

C’est un point résolu,

Cette Pièce d’abord sur son nom m’a déplu.

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Quoi, vous ne voulez pas vous rendre ?

LE GASCON.

Écoutez, sur ce nom je suis votre valet :

À plus que de récits d’un modeste Sifflet

Et vous, et votre Auteur vous deviez vous attendre ;

On en préparait un chœur

Au seul titre de Grondeur.

Il ne promet rien d’agréable,

Rien que de tintamarre un ennuyeux tissu :

Je le conçois ainsi. Mardi je suis un diable,

Je ne démords jamais de ce que j’ai conçu.

Dans tout notre Armagnac on connaît ma constance,

Sur les bords de Garonne, à Foix, à Tarascon,

Ma fermeté passe tout croyance.

Cependant je me rends à vous par complaisance.

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Je vous suis obligée.

LE GASCON.

Au moins point de Gascon :

En ce cas sans quartier la guerre recommence,

Non par aucun chagrin. Pourquoi se gendarmer,

Voyant que nous faisons le vif des Comédies ?

Que Gascons vrais ou faux ont le don de charmer.

Pardi l’on doit bien nous aimer,

Puisque l’on aime tant nos mauvaises copies :

Mais la variété fut toujours de mon goût,

Et depuis certain temps je ne vois autre chose

Que Gascons là, Gascons ici, Gascons par tout.

Et vertubleu cela me... pousse à bout :

Que la Gascogne au moins pour un temps se repose,

J’en suis las.

MADEMOISELLE BEAUVAL.

On n’en fait aucune mention,

Je vous jure, Monsieur, dans la Pièce nouvelle.

LE GASCON.

À cette condition,

Va, je prends le Grondeur sous ma protection.

MADEMOISELLE BEAUVAL.

Je vais dire à l’Auteur cette bonne nouvelle.

 

 

Scène V

 

ÉRASTE, DAMON, LE GASCON

 

DAMON.

J’admire ta présomption ;

Crains que le protecteur ne soit sifflé lui-même.

LE GASCON.

Que je rirais de ton erreur extrême :

Mais tu me fais compassion.

Palasandis, je sais qu’à ma dévotion

J’aurais en un moment plus de trois cens flamberges :

J’ai du crédit dans les auberges.

DAMON.

On le sait bien, tu dois partout ta pension.

LE GASCON.

Que dis-tu ?

DAMON.

Que je crains pour ta commission.

LE GASCON.

Ne crains rien, de ce pas j’y vole ;

Je l’ai promis, puis-je m’en dispenser ?

On peut faire commencer

Cependant sur ma parole,

J’en réponds.

ÉRASTE.

La caution

Me paraît un peu véreuse ;

Et sur un tel garant je tiens l’attention

Du Public chose douteuse.

DAMON.

Sans vouloir me préoccuper,

J’attends peu d’un Auteur dont la peur est extrême ;

Mais pour l’amour de lui, du Public, de nous-même,

Je souhaite de me tromper.


[1] L’Opéra de Galatée, représenté pour la première fois à Anet devant Monseigneur en 1686.

[2] Rabelais.

[3] Excellent joueur de Guitare.

[4] Fameux joueur de Flute Allemande, qui a mérité d’être chanté sur la Lyre de M. de la Matte. Ode de la Flute, etc.

[5] Contes de la Fontaine.

[6] Dulot vaincu, ou la défaite des Bouts rimés.

[7] Traiteur.

[8] Ouvreuse de Loges.

[9] Vers de Molière dans Amphitryon.

PDF