La Princesse de Carisme (Joseph DE LAFONT - Alain-René LESAGE)

Pièce en trois actes.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Foire Saint-Laurent, en juillet 1718.

 

Personnages

 

LE PRINCE DE PERSE

ARLEQUIN, son confident

LE SULTAN DE CARISME

LA PRINCESSE ZÉLICA, sa fille

DILARA, confidente de Zélica

ESCLAVES blanches et noires de la suite de la princesse

LE VIZIR

LE BOSTANGI

LE GRAND-PRÊTRE

SUITE du grand-prêtre

UN BRACHMANE

LE CONCIERGE DES TOURS

UN HÉRAUT

UN VIEILLARD, fou

UN JEUNE-HOMME, fou

PLUSIEURS FOUS

UNE JEUNE CARISMIENNE, amante du jeune homme

TROUPE de Carismiens et de Carismiennes

GARDES

 

La Scène est d’abord aux portes de la ville de Carisme, ensuite dans les jardins et dans le palais du sultan.

 

 

ACTE I

 

Le théâtre représente plusieurs tours isolées, et une ville dans l’enfoncement.

 

 

Scène première

 

LE PRINCE DE PERSE, ARLEQUIN

 

ARLEQUIN.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormie.

Qui croirait que, sans équipage,
Le fils du grand roi des Persans,
Comme un simple mortel voyage
Dans l’Orient depuis deux ans ?

LE PRINCE.

Cela me fait plaisir.

ARLEQUIN.

Air n° 46, ou de Joconde.

Oui, mais enfin, en voyageant
Comme un homme ordinaire,
Vous n’avez que moi pour agent,
Valet et secrétaire ;
Ne vous lassez-vous point, seigneur,
De ce genre de vie ?

LE PRINCE.

Non, non, j’y trouve une douceur
Dont mon âme est ravie.

J’entends parler le peuple ; je le vois agir ; j’apprends à connaître les hommes.

Air n° 19, ou Je suis encor dans mon printemps. (d’Une Folie.)

En un mot, de ce que je vois
Je tire de grands avantages.
Je suis peu surpris si des rois
Ont fait de semblables voyages
Ils en ont retiré le fruit.

ARLEQUIN.

Voyageons donc à petit bruit.

LE PRINCE.

Nous voici aux portes de la ville de Carisme.

Air n° 13, ou Monsieur te prévôt des marchands.

Dans cet agréable séjour
Un grand monarque tient sa cour,
Un souverain dont la puissance
Fat à redouter aujourd’hui ;
L’auteur même de ma naissance
À peine est plus puissant que lui.

ARLEQUIN.

Air n° 106, ou Comme un coucou que l’amour presse.

Sa cour doit être magnifique.

 

 

Scène II

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, PLUSIEURS FOUS RENFERMÉS

 

PREMIER FOU, qu’on ne voit point.

Ma princesse,
Ma princesse.

DEUXIÈME FOU, qu’on ne voit point.

Nanette, dormez-vous ?
Nanette, dormez-vous ?

TROISIÈME FOU, qu’on ne voit point.

Que faites-vous, Marguerite ?
Ratissez-vous des navets ?

LE PRINCE, continuant l’air qu’Arlequin a commencé.

Qu’entends-je ? le concert est beau.

ARLEQUIN.

Ah ! quelle diable de musique !
Serait-ce un opéra nouveau ?

LE PRINCE.

Même air.

Approchons-nous pour mieux entendre.

ARLEQUIN.

Nous n’entendons que trop d’ici.

PREMIER FOU, qu’on ne voit point.

Même air.

Ma princesse,
Ma princesse.

DEUXIÈME FOU, qu’on ne voit point.

Ô charmante nymphe !

TROISIÈME FOU, qu’on ne voit point, riant.

Ha, ha, ha. ha, ha, ha, ha, ha.

LE PRINCE, continuant l’air qu’il a commencé.

Ami, je commence à comprendre.

ARLEQUIN.

Je commence à comprendre aussi.

LE PRINCE,

Ce sont apparemment des fous qu’on tient renfermés dans ces tours.

ARLEQUIN.

Justement. En voilà qui paraissent.

PREMIER FOU, à une fenêtre, et montrant Arlequin du doigt.

La plaisante figure ! Ho, ho, ho, ho, ho !

ARLEQUIN, le contrefaisant.

Ah ! le joli mignon ! Ha, ha, ha, ha, ha !

DEUXIÈME FOU, à une fenêtre, dans l’attitude d’un homme qui rêve.

Air n° 31, ou des Folies d’Espagne.

Non, non, jamais rien ne fut comparable
Aux traits divins dont je suis enchanté :
C’est des beaux yeux de ma nymphe adorable
Que le soleil emprunte sa clarté.

ARLEQUIN.

C’est un fou sérieux, celui-là.

LE PRINCE.

C’est sans doute un amant à qui l’amour aura troublé la cervelle.

PREMIER FOU.

Air n° 107, ou Sens dessus dessous.

Nous étions trois dans un logis, (bis.)
Et tous trois assez bons amis, (bis.)
Aimant tous trois la chambrière,
Sens dessus dessous,
Sens devant derrière ;
Mais elle se moqua de nous ;
Sens devant derrière,
Sens dessus dessous.

ARLEQUIN.

Voilà un drôle de corps.

PREMIER FOU.

Air n° 108, ou Je passe la nuit et le jour.

Quand je suis près de ma Fanchon,
Rien ne lasse ma complaisance ;
Je fais ce que veut le tendron ;
Je chante ; et, s’il veut que je danse,
Loin de vouloir m’en dispenser,
Je suis toujours prêt à danser,
Prêt à danser,
Prêt à danser,
Je suis toujours prêt à danser.

ARLEQUIN.

J’aime mieux celui-ci, il est plus gaillard.

PREMIER FOU.

Prêt à danser,
Prêt à danser,
Je suis toujours prêt à danser.

ARLEQUIN, après l’avoir contrefait.

L’original !

 

 

Scène III

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, LE CONCIERGE DES TOURS

 

LE PRINCE.

Quel homme vient à nous ?

ARLEQUIN.

C’est quelque échappé des tours.

LE CONCIERGE, après avoir salué le prince, regarde Arlequin de travers.

Seigneur...

ARLEQUIN, effrayé.

Hoïmé ! quels regards !

LE CONCIERGE.

Frères, à l’air dont je vous vois considérer ces fous, je juge que vous êtes deux étrangers.

LE PRINCE.

Vous ne vous trompez pas.

Air n° 52, Chantez, dansez, amusez-vous. (de la Rosière.)

Nous sommes deux fils de marchands.
Nous voyageons par fantaisie.

ARLEQUIN.

Oui, monsieur, nous courons les champs.

LE PRINCE.

Nous voulons parcourir l’Asie.

LE CONCIERGE.

C’est donc un désir curieux
Qui vous attire dans ces lieux !

ARLEQUIN.

Vous l’avez dit.

QUATRIÈME FOU, à une fenêtre.

Refrain de l’air n° 26, ou L’amour me fait, lon lan la.

L’amour me fait, lon lan la,
L’amour me fait mourir.

LE PRINCE.

Ce qui m’étonne, c’est que l’amour entre dans les chansons de tous ces fous.

LE CONCIERGE.

Cela n’est pas surprenant, puisque leur folie vient de l’amour.

LE PRINCE.

Comment cela ?

LE CONCIERGE.

Air n° 41, ou Sous un ciel pur et sans nuage. (Ninon chez madame de Sévigné.)

C’est le même trait qui les blesse ;
Tous ont perdu le jugement
Pour avoir vu notre princesse,
Qu’on ne peut voir impunément.

LE PRINCE.

Qu’entends-je ?

ARLEQUIN.

Que dites-vous ?

LE CONCIERGE.

Même air.

C’est une princesse si belle,
Que d’un seul regard de ses yeux
Elle vous trouble la cervelle.

ARLEQUIN.

Quelle commère, justes dieux !

LE PRINCE.

Air n° 7, ou Tu croyais, en aimant Colette.

Sa vue est donc bien redoutable ?
Eh quoi ! la fille du sultan
Renverse l’esprit ? Quelle fable !

ARLEQUIN.

Oui, vous nous faites un roman.

LE CONCIERGE.

Je ne dis rien qui ne soit véritable. Quand la princesse Zélica sort du palais pour se promener dans la ville, un héraut marche devant elle en disant.

Air n° 109, ou C’est le dieu des eaux.

La fille du roi notre bon maître,
Zélica se dispose à paraître.

Cachez-vous, peuples, la voici, gare ! gare !

ARLEQUIN, tombant sur le ventre.

Ahi ! ahi ! ahi !

LE PRINCE.

Qu’as-tu donc ?

ARLEQUIN, épouvanté, et comme cherchant à se cacher.

La voilà ! la voilà !

LE PRINCE.

Qui ?

ARLEQUIN.

Zélica.

LE CONCIERGE.

Air n° 3, Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

Ami, quelle est cette folie ?

LE PRINCE.

Qu’as-tu ?

ARLEQUIN.

Je viens de la voir.

LE PRINCE.

Où ?

ARLEQUIN.

Ah ! dites-moi, je vous supplie,
Ne suis-je pas devenu fou ?

LE CONCIERGE.

Il faut que vous le soyez naturellement, que diable ! Zélica n’est point venue ici.

ARLEQUIN.

Vous avez pourtant dit : Gare ! gare !

LE CONCIERGE.

Ne voyez-vous pas bien que je fais parler le héraut ?

ARLEQUIN.

Ah ! je vous entends.

LE CONCIERGE.

Le héraut donc n’a pas sitôt dit : Gare ! gare ! que tous les hommes, jeunes et vieux, se cachent dans leurs maisons. Il arrive quelquefois qu’un téméraire méprise le péril, et ose regarder la princesse, qui se promène le voile levé.

Air n° 18, ou Lanturtu.

Mais, ciel ! qu’il prépare
Aux siens de regrets !
D’un objet si rare
A-t-il vu les traits,
Son esprit s’égare,
Et pour jamais est perdu.

ARLEQUIN.

Lanturlu, lanturlu, lanturelu.

LE CONCIERGE.

On me l’amène ; je l’enferme dans ces tours dont je suis le concierge, et que le sultan a fait bâtir exprès pour mettre les malheureux que la vue de Zélica prive de jugement.

LE PRINCE.

Air n° 9, ou Livrons-nous à la tendresse.

Ce récit en moi fait naître
Un mouvement curieux ;
Je voudrais bien voir paraître
Ce beau chef-d’œuvre des cieux.

LE CONCIERGE.

Quel fatal désir vous presse !
Fuyez plutôt la princesse,
Et ses dangereux appas.

LE PRINCE.

Qui ? moi ? Je ne la crains pas.

ARLEQUIN.

Ni moi non plus. Je me moquais au moins.

LE PRINCE.

Même air.

J’ai vu cent beautés charmantes,
Sans m’en laisser enflammer.

ARLEQUIN.

Cent dondons appétissantes
M’ont prié de les aimer.
Oh ! je suis fort difficile !

LE PRINCE.

J’en regarderais dix mille
D’un œil très indifférent.

ARLEQUIN.

Ce n’est pas nous qu’on surprend.

LE CONCIERGE.

Air n° 67, ou Il pleut, il pleut, bergère.

Quelle erreur est la vôtre !
Malgré ces fiers discours,
Vous pourriez l’un et l’autre
Demeurer dans ces tours.

LE PRINCE, riant.

Bon !

ARLEQUIN, riant aussi.

Vous nous faites rire.

LE CONCIERGE.

Vous auriez ce sort-là.

LE PRINCE.

Quoi que vous puissiez dire,
Nous verrons Zélica.

ARLEQUIN.

Oui, morbleu ! nous la verrons.

LE PRINCE, voulant aller dans la ville.

Allons, Arlequin.

ARLEQUIN, le suivant.

Allons.

LE CONCIERGE, arrêtant le prince.

Ah ! que voulez-vous faire ? n’entrez point dans la ville, la princesse s’y promène en ce moment.

ARLEQUIN.

Tant mieux.

LE PRINCE.

C’est à cause de cela que j’y veux entrer.

LE CONCIERGE, prenant le prince par le bras.

Air n° 8, ou Ô ma tendre musette.

Arrêtez, téméraire.

LE PRINCE, voulant se débarrasser.

Vous n’y gagnerez rien.

ARLEQUIN.

Je veux me satisfaire.

LE CONCIERGE, le retenant aussi.

Ah ! gardez-vous-en bien !
La pitié m’intéresse
À retenir vos pas.

LE PRINCE.

Que votre crainte cesse.

ARLEQUIN.

Ne tremblez pas.

LE PRINCE.

Mais y que vois-je ?

Air n° 36, ou De tous les capucins du monde.

Quel homme en ces lieux on entraîne ?

LE CONCIERGE.

C’est un nouveau fou qu’on m’amène.
Voyez ce vieillard décrépit :
Malgré la glace de son âge,
Il n’a pu, sans perdre l’esprit,
De Zélica voir le visage.

ARLEQUIN.

Mais, cela paraît sérieux.

LE CONCIERGE.

Cela ne l’est que trop pour lui.

 

 

Scène IV

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, LE CONCIERGE, LE VIEILLARD, UN GARDE

 

LE VIEILLARD.

Air n° 110, ou Griselidis.

Ah ! quel air de noblesse
Brille dans Zélica !
Quelle délicatesse !
Ah ! que d’attraits elle a !
Aussi je dis,
Que c’est une princesse
Dont jamais n’approcha
Griselidis.

LE CONCIERGE, au prince.

Il est occupé de la princesse y comme vous voyez.

LE PRINCE, au vieillard.

Vous paraissez bien content de Zélica.

LE VIEILLARD, dansant.

Air n° 111, ou De Paris jusqu’au Mississipi.

De Carisme jusques à Lima
Il n’est point d’objet comme Zélica ;
Pour enchanter le ciel la forma ;
Vénus n’eut jamais les attraits qu’elle a.
La Palestine,
La Cochinchine,
Même la Chine
Ne voit point d’objet comme Zélica.

ARLEQUIN, lui mettant le doigt au front et chantant sur le ton du dernier vers.

Bonhomme, ma foi, vous en tenez là.

LE VIEILLARD.

Air n° 12, ou Vivons pour ces fillettes.

Cet objet n’a point de défauts. (bis.)
Ses beaux yeux ont deux arsenaux
Du dieu de la tendresse.
Vivons pour la princesse,
Vivons, vivons pour la princesse.

Allons, chorus.

Il prend Arlequin d’une main, et de l’autre le concierge, qui prend le prince, et ils dansent tous quatre en rond en chantant les deux derniers vers.

TOUS ENSEMBLE.

Vivons pour la princesse,
Vivons, vivons pour la princesse.

LE VIEILLARD.

Même air.

C’est là que ce dieu prend des traits, (bis.)
Quand il enflamme pour jamais
Les tendres cœurs qu’il blesse.
Vivons pour la princesse,
Vivons, vivons pour la princesse.

TOUS ENSEMBLE.

Vivons, etc.

LE VIEILLARD, faisant faire silence.

Chut !

ARLEQUIN.

Conticuére omnes.

LE VIEILLARD.

Air n° 113, ou Il ressemble à mon frère, on dirait que c’est lui. (Rêveries renouvelées des Grecs.)

Mes chers amis,
Sans une humeur joyeuse,
La vie est ennuyeuse ;
Vivent les ris :
Rions, chantons,
Dansons, sautons.

ARLEQUIN.

Ma foi, de votre espèce on voit peu de barbons.

LE VIEILLARD.

Rions, chantons,
Dansons, sautons.

ARLEQUIN.

Vous êtes, sur ma foi, la perle des barbons.

LE VIEILLARD.

Air n° 114, ou Vieillards de Thésée.

Je vivrai toujours dans l’allégresse,
Je fuirai sans cesse
Les noirs chagrins.
Le dieu du tendre empire
Aime encore à rire
Avec les vieillards badins.
D’un air de vieillesse,
D’une blanche tresse
Il n’a point d’horreur ;
C’est la seule tristesse
Qui lui fait peur.

LE PRINCE.

Mais, cet homme-là n’est pas si fou.

ARLEQUIN.

Non, vraiment, il n’en a qu’un petit grain ; il faut qu’il n’ait vu la princesse que de profil.

LE PRINCE, au vieillard.

Vous êtes bien gai pour un homme de votre âge.

LE VIEILLARD, dansant.

Air n° 115, ou Le Traquenard (contredanse).

Oui, je suis, dans mon vieux temps,
Aussi dispos qu’à quinze ans.

ARLEQUIN.

Ho ! ho ! ho ! quel vieillard !

LE VIEILLARD.

Je danse
Mieux qu’on ne pense.

ARLEQUIN.

Ventrebleu ! quel gaillard !

LE VIEILLARD.

Je danse le Traquenard.

LE PRINCE.

Vous avez encore du jarret.

LE VIEILLARD.

Air n° 93, ou Gardons nos moutons, lirette.

Quand j’entre dans une maison,
La maman s’inquiète ;
Et dit tremblante, avec raison,
Tout bas à la fillette :
Gardez vos moutons,
Lirette, liron,
Liron, liré, lirette.

ARLEQUIN.

Diable ! voilà un loup bien dangereux !

LE CONCIERGE, au vieillard, le prenant par la main.

Allons, bonhomme, suivez-moi.

LE VIEILLARD le suit deux pas, et, s’échappant de lui, revient en faisant une cabriole, et chante.

Air n° 116, ou Et son lanla, tourlourirette.

Quoique barbon, je sais plaire ;
Je puis faire des jaloux ;
Je fais trembler une mère,
Je fais pâlir un époux.
Je vaux encor,
Tourlourirette,
Je vaux encor
Mon pesant d’or.

ARLEQUIN, le frappant de sa batte, chante sur le refrain de l’air précédent.

Allez dans la
Tour, lourirette,
Allez dans la
Tour que voilà.

Allez danser le traquenard.

Le concierge emmène enfin le vieillard.

 

 

Scène V

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, UNE JEUNE FILLE

 

LA JEUNE FILLE, pleurant.

Ah ! ah ! ah !

LE PRINCE.

Que veut dire ceci ?

LA JEUNE FILLE, redoublant ses pleurs.

Ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

ARLEQUIN, la contrefaisant.

Oh ! oh ! oh ! En voici bien d’un autre.

LE PRINCE.

Air n° 89, ou Nanon dormait.

Qu’avez-vous, la belle ?
Apprenez-le nous.
Nymphe, expliquez-vous :
D’où vient cette douleur mortelle ?

ARLEQUIN.

C’est du changement
D’un perfide amant.

LA JEUNE FILLE, continuant à pleurer.

Ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

ARLEQUIN.

Par ma foi, j’ai mis le doigt dessus.

LE PRINCE.

Air n° 117, ou Un mitron de Gonesse.

Pourquoi donc, ma déesse,
Poussez-vous ces cris-là ?

LA JEUNE FILLE.

Je nourrirai sans cesse
La douleur qui me presse :
Mon amant a
Vu la princesse,
Mon amant a
Vu Zélica.

LE PRINCE.

Et il a perdu l’esprit ?

LA JEUNE FILLE.

En pouvez-vous douter ?

ARLEQUIN, faisant semblant de pleurer.

Ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

LE PRINCE.

Air n° 23, ou Laire la, laire lan laire.

Vous vous aimiez donc tendrement ?

LA JEUNE FILLE.

Ah ! vous redoublez mon tourment !
Seigneur, notre hymen s’allait faire.

ARLEQUIN.

Laire la, laire lan-laire,
Laire-la,
Laire lan-la.

LA JEUNE FILLE.

Air n° 118, ou Dans un bois solitaire et sombre.

Je le vois. Hélas ! on l’amène !
On va l’enfermer dans ces tours.

LE PRINCE.

Nous prenons part à votre peiner
Nous plaignons le sort de vos amours.

 

 

Scène VI

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, LA JEUNE FILLE, UN JEUNE HOMME, UN GARDE

 

LE JEUNE HOMME, chantant et sautant.

Refrain de l’Air n° 28, ou Allons, gai.

Allons, gai, Toujours gai, etc.

LE PRINCE.

Courage. De la gaîté.

ARLEQUIN.

Avez-vous vu Zélica ?

LE JEUNE HOMME.

Air n° 119, ou J’en avons tant ri.

À deux cents pas de son logis,
J’en avons tant ri,
Passant près d’elle, je la vis
Le cul dans une botte :
J’en avons tant ri ;
J’en rirons bien encore.

LE PRINCE.

Celui-là en a une dose un peu forte.

ARLEQUIN.

Il aura vu la princesse en face, assurément.

LE JEUNE HOMME, à la jeune fille.

Air n° 120, ou Petite Fanchon.

Petite fanchon, veux-tu toujours rire ?
N’as-tu point pitié
De mon amitié ?

LA JEUNE FILLE.

Air n° 79, ou Talalerire.

Quoi ! tu méconnais ta maîtresse !
Mon cher ami, regarde-moi.
Ah ! vois la douleur qui me presse !

LE JEUNE HOMME, la prenant par la main et sautant.

Je veux folâtrer avec toi.

LA JEUNE FILLE.

De mes maux tu ne fais que rire.

LE JEUNE HOMME, riant.

Talaleri ! talaleri, talalerire.

LA JEUNE FILLE, soupirant.

Oh ! oh !

LE JEUNE HOMME.

Air n° 121, ou Connaissez-vous Marotte.

Connaissez-vous Marotte,
Mignonne, la femme à tretous ?...

LA JEUNE FILLE.

Air n° 122, ou Charmante Gabrielle.

Ah ! sa folie augmente !
Quel spectacle, grands dieux,
Pour une tendre amante !

ARLEQUIN.

J’ai les larmes aux yeux.

LA JEUNE FILLE.

Jugez si ma tristesse
Est juste, hélas !

ARLEQUIN, pleurant.

Au diable la princesse,
Et ses appas.

LA JEUNE FILLE, prenant la main de son amant.

Air n° 123, ou Le beau berger Tircis.

Reprends le jugement ;
À la voix qui t’appelle.
Reconnais, mon cher amant,
Une maîtresse fidèle.

LE PRINCE.

Vous lui parlez, la belle,
En vain si tendrement.

LE JEUNE HOMME.

Ah ! je vois une mouche bleue. Attendez, attendez, je vais rattraper.

Il fait comme s’il poursuivait une mouche. Arlequin, pour se divertir du fou, se prête à son action.

LE JEUNE HOMME, sautant de joie.

Oh ! je la tiens. La voilà ! la voilà !

Arlequin demande à voir la mouche. Le jeune homme la lui montre. Arlequin lui donne de sa batte sur les doigts. Le fou pleure de ce que ce coup lui a fait lâcher la mouché. Arlequin, pour le consoler, lui dit qu’il va la rattraper ; et, après avoir fait tous les gestes d’un homme qui poursuit et attrape une mouche, il tire rudement au fou un cheveu pour la lier. L’ayant liée, il la laisse voler, et il va l’écraser sur le visage du jeune homme. Après ce lazzi, le garde lui dit.

LE GARDE.

Air n° 13, ou Monsieur le prévôt des marchands.

Marchons. C’est trop le retenir.

LA JEUNE FILLE, éperdue.

Ciel ! on va donc nous désunir !
Quel malheur ! Ne puis-je le suivre ?

LE GARDE, emmenant le jeune homme.

Non, non. Il faut vous séparer.

LA JEUNE FILLE.

Je cesserai bientôt de vivre.

Elle s’en va.

LE PRINCE.

Ah ! cessez plutôt de pleurer.

ARLEQUIN.

C’est bien dit.

Air n° 56, ou Landeriri.

Pourquoi tant pleurer un amant ?
Une femme présentement,
Landerirette,
Perd un amant comme un mari,
Landeriri.

 

 

Scène VII

 

LE PRINCE, ARLEQUIN

 

ARLEQUIN.

Air n° 4, ou Ô reguingué, ô lon lan la.

Hé bien, mon prince, voulez-vous
Augmenter le nombre des fous ?
Ô reguingué, ô lon lan la.

LE PRINCE.

Toutes ces Scènes de folie
Ne font qu’irriter mon envie.

 

 

Scène VIII

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, UN HÉRAUT

 

LE HÉRAUT, sautant de joie.

Talerala, lerala, lerala.

LE PRINCE.

Voici apparemment quelque nouveau fou.

LE HÉRAUT, passant près d’Arlequin.

De la joie, mon ami, de la joie... Talerala, lerala, lerala.

ARLEQUIN, sautant comme lui.

Talerala, lerala, lerala.

LE HÉRAUT.

L’agréable nouvelle !

ARLEQUIN.

Oui, ma foi. Qu’est-ce que c’est ?

LE HÉRAUT.

Zélica n’est plus à craindre. Elle ne paraîtra pas davantage dans la ville. Le sultan, frappé des malheurs que causent les appas de sa fille, vient de lui défendre de sortir jamais du sérail.

LE PRINCE.

Quel contretemps !

ARLEQUIN.

Quoi ! l’on ne pourra plus voir la princesse ?

LE HÉRAUT.

Non, vraiment.

ARLEQUIN, dansant.

Talerala, lerala, lerala.

On entend en cet endroit des violons et des hautbois.

LE PRINCE.

Qu’entends-je ?

LE HÉRAUT.

Ce sont de jeunes filles qui craignaient que leurs amants ne vissent la princesse. Elles se réjouissent avec eux de la défense du sultan qui les délivre de cette crainte.

Il s’en va en chantant et dansant.

Talerala, lerala, lerala.

 

 

Scène IX

 

LE PRINCE, ARLEQUIN

 

ARLEQUIN.

Air n° 47, ou Lon lan la, derirette.

Vous ne verrez point Zélica.

LE PRINCE.

Malgré cette défense-là,
Lon lan la, derirette,
Je prétends la voir, mon ami.
Lon lan la, deriri.

ARLEQUIN, à part.

Quel enragé !

LE PRINCE.

Suis-moi.

Air n° 7, ou Tu croyais, en aimant Colette.

Je vais tâcher de m’introduire.

ARLEQUIN.

Où ?

LE PRINCE.

Dans le sérail en ce jour.

ARLEQUIN, le suivant.

Que le ciel veuille nous conduire,
Et nous préserver de la tour !

 

 

Scène X

 

TROUPE DE CARISMIENS et DE CARISMIENNES

 

UNE CARISMIENNE.

Air n° 124, ou doutez-vous me faire chanter.

Faisons entendre ici nos chants ;
Livrons-nous tous à l’allégresse.
Ne craignons plus pour nos amants,
Ils ne verront point la princesse.

CHŒUR DE CARISMIENNES.

Ne craignons plus pour nos amants,
Ils ne verront point la princesse.

On danse.

UNE AUTRE CARISMIENNE.

Air n° 11, ou Le fameux Diogène.

D’une mortelle crainte
Mon âme était atteinte
Pour mon fidèle amant.

UN CARISMIEN.

Si j’en crois ma tendresse,
Je verrais la princesse
Cent fois impunément.

LA CARISMIENNE.

Air n° 125, ou Goûtons bien les plaisirs, bergère.

L’amour que vous faites paraître
Pour mon tendre cœur est charmant.

LE CARISMIEN.

Vos beaux yeux l’ont fait naître.

LA CARISMIENNE.

Gardez-le chèrement ;
Et puisse-t-il s’accroître
De moment en moment !

Ensemble.

LA CARISMIENNE.

Ah ! puisse-t-il s’accroître !

LE CARISMIEN.

Ah ! je le sens s’accroître !

Ensemble.

De moment en moment !

LA CARISMIENNE.

Ah ! puisse-t-il s’accroître !

LE CARISMIEN.

Ah ! je le sens s’accroître !

Ensemble.

De moment en moment !

On reprend la danse.

 

 

ACTE II

 

Le théâtre représente la maison du Bostangi.

 

 

Scène première

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, LE BOSTANGI

 

LE BOSTANGI.

Oui, messieurs, je suis le jardinier du sérail.

LE PRINCE.

Air n° 9, ou Livrons-nous à la tendresse.

J’en suis ravi, je vous jure.
Que de vous voir il m’est doux !

ARLEQUIN, tendant la main au bostangi.

Touchez là. Je vous assure
Que je me sens tout à vous.

LE BOSTANGI.

Ah ! c’est trop d’honneur...

LE PRINCE.

De grâce,
Souffrez que je vous embrasse.

ARLEQUIN, l’embrassant aussi.

Souffrez, seigneur bostangi,
Que je vous embrasse aussi.

LE PRINCE, lui présentant un brillant.

Air n° 24, ou Réveillez-vous, belle endormie...

Ne refusez pas, je vous prie.

LE BOSTANGI.

Messieurs...

LE PRINCE.

De moi ce diamant.

LE BOSTANGI, s’en défendant.

Mais, mais...

ARLEQUIN.

Point de cérémonie.
Acceptez-le sans compliment.

Le Bostangi prend le diamant, et le met à son doigt.

LE PRINCE, lui offrant une bourse.

Air n° 41, ou Sous un ciel pur et sans nuage. (de Ninon chez madame de Sévigné.)

De plus, cette bourse est remplie
De ducats et de sequins d’or.

LE BOSTANGI, faisant des façons.

Oh ! oh ! oh !

LE PRINCE.

Je vous en supplie,
Prenez-la, s’il vous plaît, encor.

LE BOSTANGI, après a voir mis la bourse dans sa poche.

Çà, messieurs, vous n’avez qu’à me dire présentement ce qu’il y a pour votre service.

ARLEQUIN.

Oh ! oh ! oh !

LE BOSTANGI.

Point de cérémonie. On ne donne aujourd’hui rien pour rien. Parlez, voulez-vous que je demande au sultan quelque emploi pour vous ? Souhaitez-vous qu’on vous fasse eunuque du sérail ?

LE PRINCE.

Ce n’est point cela.

ARLEQUIN.

Non, parbleu.

LE BOSTANGI.

Apprenez-moi donc de quoi il s’agit ?

ARLEQUIN.

Air n° 2, ou En vain la fortune ennemie.

Nous ne voulons qu’une vétille.

LE BOSTANGI.

Eh ! sans façon, dites-le-moi.

LE PRINCE.

Sachez donc que de votre roi
Je voudrais voir la fille.

ARLEQUIN.

Oui. Voilà la vétille.

LE BOSTANGI.

Comment diable !

LE PRINCE.

Air n° 51, ou Il n’est qu’un pas du mal au bien.

Vous n’avez qu’à m’introduire
Dans les jardins secrètement.
Je ne veux la voir qu’un moment.

LE BOSTANGI.

Oh ! n’espérez pas me séduire.

LE PRINCE.

Vous n’avez qu’à m’introduire
Dans les jardins secrètement.

LE BOSTANGI, voulant rendre la bague et la bourse.

Même air.

Vous n’avez, vous, qu’à reprendre
Votre or et votre diamant.
À ce curieux mouvement
Je suis trop sage pour me rendre.
Ah ! vous n’avez qu’à reprendre
Votre or et votre diamant.

LE PRINCE.

Non, vous les garderez.

LE BOSTANGI.

Ventrebille !

Air n° 8, ou Ô ma tendre musette.

Du désir qui vous presse
Je suis épouvanté :
Vouloir voir la princesse !
Quelle témérité !

ARLEQUIN.

Nous savons l’un et l’autre
Tout ce que l’on en dit.
Il n’ira rien du vôtre,
S’il perd l’esprit.

LE BOSTANGI.

Pardonnez-moi. Diantre ! il y va de ma vie de faire entrer un homme dans les jardins du sérail : voilà le hic.

ARLEQUIN.

Hé bien ! nous nous déguiserons en femmes, ce sera le hœc.

LE BOSTANGI.

En femmes, vous avez raison.

ARLEQUIN.

Vous direz que nous sommes des filles de l’opéra de Congo.

LE BOSTANGI.

De Congo, oui. Ah ! que cela est bien trouvé !

ARLEQUIN.

Et vous nous ferez présenter à la princesse par quelqu’une de ses femmes, si vous en connaissez.

LE BOSTANGI.

Si j’en connais ! ah ! je vous en réponds ! Je vous dirai même... (mais motus) qu’il y en a une qui est amoureuse de moi.

Air n° 37, ou La bonne aventure, ô gué !

Elle vient, par les détours
D’une route sûre,
Dans les jardins tous les jours ;

Et là...

Nous parlons de nos amours.

ARLEQUIN.

La bonne aventure,
Ô gué,
La bonne aventure !

LE PRINCE, lui donnant un autre diamant.

Voilà justement la personne qu’il nous faut ; donnez-lui de ma part ce brillant, pour la mettre dans nos intérêts.

LE BOSTANGI.

Je suis sûr qu’elle est déjà dans les jardins. Je vais la trouver ; vous, allez vous déguiser en femmes.

Le théâtre change, et représente les jardins du sérail.

 

 

Scène II

 

DILARA, seule

 

Mon Bostangi ne paraît point encore. Je viens le chercher ici tous les jours. Ce n’est pas Nicolas qui va voir Jeanne, c’est Jeanne qui va voir Nicolas. Chantons un peu pour charmer mon impatience.

Air n° 126, ou Ô ma bergère, viens seulette.

Lorsque je viens ici seulette,
Ô lon-lan-la,
Landerira,
J’y trouve l’Amour qui me guette,
Ô lon-lan-la,
Landerirette,
Ô lon-lan-la,
Landerira.

J’y trouve l’Amour qui me guette,
Ô lon-lan-la,
etc.
D’abord une flèche il me jette,
Ô lon lan-la,
etc.
D’abord une flèche il me jette,
Ô lon-lan-la,
etc.
Il en rit, et puis fait retraite.
Ô lon-lao-la,
etc.

Elle regarde de tons côtés.

Ouais ! je ne le vois point ; qui peut l’arrêter ? Il nie semble qu’il commence à rabattre de son empressement.

Air n° 127, ou De M. de la Coste.

Un amant
D’abord est tout charmant ;
Avant nous
Il vole au rendez-vous ;
Mais de notre tendresse
Se lassant bientôt,
Le perfide nous laisse
Croquer le marmot.

 

 

Scène III

 

DILARA, LE BOSTANGI

 

DILARA sans apercevoir le Bostangi qui l’écoute.

Même air.

Dans le temps,
Hélas ! que je l’attends,
Qu’en vainqueur,
Il règne dans mon cœur,
Dans ce moment peut-être
De nouveaux appas
Le retiennent, le traître !

LE BOSTANGI, l’abordant.

Ne le croyez pas.

Air n° 128, ou De quoi vous plaignez-vous ?

De quoi vous plaignez-vous ?

DILARA.

Je me plains de ta tendresse :
Tu viens au rendez-vous
D’un air qui sent l’époux.

LE BOSTANGI.

Vous m’offensez, ma princesse.
Ah ! quel injuste courroux !
Je pense à vous sans cesse :
De quoi vous plaignez-vous ?

Air n° 129, ou Ton humeur est, Catherine.

Le soleil, qui fond la glace,
N’est pas plus ardent que moi.
Allez, ma belle, de grâce,
Soyez sûre de ma foi.

DILARA.

Je puis donc sur ta constance
Compter ?...

LE BOSTANGI.

Jusques à la mort.

DILARA, lui tendant la main.

Touche là ; cette assurance
Me fait connaître mon tort.

Air n° 28, ou Allons, gai.

Je vois que ma colère
Ne sert qu’à m’abuser :
Un amant qui sait plaire,
Sait bientôt s’excuser.

TOUS DEUX.

Allons, gai,
D’un air gai,
etc.

DILARA, regardant au doigt du Bostangi.

Air n° 13, ou Monsieur le prévôt des marchands.

Que vois-je à ton doigt ? quel brillant !

LE BOSTANGI.

Ma reine, c’est un don galant
Que je suis chargé de vous faire
De la part d’un jeune étranger.

DILARA.

À moi ?

LE BOSTANGI.

Oui.

DILARA.

Vous êtes d’un bon caractère.

LE BOSTANGI.

Oh ! mon plaisir est d’obliger.

DILARA.

Je le vois bien. Quoi ! un jeune étranger ! beau sans doute ?

LE BOSTANGI.

Comme l’Amour.

DILARA.

Bien fait ?

LE BOSTANGI.

Fait à peindre... à peu près comme moi.

DILARA.

Vous propose de me présenter de sa part un diamant, et vous avez la bonté de vous charger de la commission ?

LE BOSTANGI.

Je n’ai pu m’en défendre.

DILARA.

Air n° 36, ou De tous tes capucins du monde.

Votre humeur est tout obligeante.

LE BOSTANGI, lui donnant le diamant.

Acceptez-le donc, mon infante.

DILARA, le prenant.

Oui, je le reçois sans façon.
Allez vanter vos bons offices :
Vous êtes un joli garçon
De rendre de pareils services.

LE BOSTANGI.

Oh ! ce n’est pas ce que vous pensez.

Même air.

Je vais dire en deux mots l’affaire.

DILARA, l’interrompant.

C’est vous montrer bien débonnaire.
Oui, des plus commodes maris
Vous possédez la complaisance.
Ah ! mariez-vous à Paris,
Vous êtes né pour vivre en France.

LE BOSTANGI.

Vous me feriez enrager. Je vous dis que...

DILARA, l’interrompant encore.

Air n° 11, ou Le fameux Diogène.

Quoi donc, porter soi-même
À la beauté qu’on aime
Les présents d’un rival !

LE BOSTANGI.

Je vous dis...

DILARA.

Point d’excuse.

LE BOSTANGI.

Que je vous désabuse...

DILARA.

C’est être un animal.

LE BOSTANGI.

Même air.

Souffrez que je m’explique.

DILARA.

Voyons sa rhétorique.
Hé bien, explique-toi.
Franchement, je t’admire.
Hé ! que pourras-tu dire ?

LE BOSTANGI.

Oh ! dame, écoutez-moi.

Cet étranger.

DILARA.

Air n° 17, ou des Trembleurs.

J’y consens ; parle, j’écoute.
Tu vas me dire, sans doute,
Que, pour se faire une route,
Par toi jusqu’à mes appas,
Il t’a fait quelque promesse...

LE BOSTANGI.

Vous parlerez donc sans cesse ?...

DILARA.

Que tu sers bien sa tendresse !

LE BOSTANGI.

Hé ! que diable, il n’en a pas.

Avec précipitation.

Il ne vous aime point ; c’est un homme, ou plutôt deux étrangers qui meurent d’envie de voir Zélica. Ils vont venir ici déguisés en femmes ; ils m’ont fait des présents pour les introduire dans les jardins, et pour vous engager à les présenter à la princesse comme deux filles de l’opéra de Congo ; ils vous offrent par mes mains ce diamant : entendez-vous à l’heure qu’il est ?

DILARA.

C’est une autre chose ! que ne disais-tu cela tout d’un coup ?

LE BOSTANGI.

Vous ne m’en avez pas donné le temps.

DILARA.

Pourquoi chercher tant de détours ?

LE BOSTANGI.

J’aurai encore tort.

DILARA.

Ne t’accoutumeras-tu jamais à venir d’abord au fait ?

LE BOSTANGI.

Vous ne me le permettez pas.

DILARA.

Hé bien ! je ferai dès aujourd’hui ce que ces étrangers souhaitent.

Air n° 26, ou Et zon, zon, zon, Lisette, ma Lisette.

Adieu, charmant muguet.

LE BOSTANGI.

Adieu, rose mignonne.

DILARA, en s’en allant.

Adieu, mon gros bouquet.

LE BOSTANGI.

Adieu, belle anémone.
Et zon, zon, zon,
Lisette, la Lisette,
Et zon, zon, zon,
Lisette, la Lison.

 

 

Scène IV

 

LE BOSTANGI, seul

 

Les choses sont en bon train ; nos filles d’opéra n’ont plus qu’à venir. J’en vois déjà paraître une.

 

 

Scène V

 

LE BOSTANGI, ARLEQUIN, en femme

 

ARLEQUIN.

Le ciel me garde de malencontre !

LE BOSTANGI.

Où est votre camarade ?

ARLEQUIN.

Il me suit. Me trouvez-vous bien déguisé ?

LE BOSTANGI.

À merveille.

Air n° 52, ou Robin, turelure lure.

De votre déguisement,
Sur ma foi, j’ai bon augure.

ARLEQUIN.

Pour moi, je crains diablement,
Turelure,
La fin de cette aventure,
Robin, turelure lure.

LE BOSTANGI.

Que craignez-vous ?

ARLEQUIN.

Je crains les filles du sérail ; ce sont des animaux de haut nez ; elles me sentiront, mon ami.

LE BOSTANGI.

Oh ! que non.

ARLEQUIN.

Je les sentirai bien, moi.

Air n° 130, ou Et vogue la galère.

Morbleu ! dans cette affaire
Fallait-il m’embarquer !

LE BOSTANGI.

Ai-je donc, mon compère,
Moins que vous à risquer ?

TOUS DEUX.

Et vogue la galère,
Tant qu’elle, tant qu’elle,
Et vogue la galère
Tant qu’elle pourra voguer.

 

 

Scène VI

 

LE BOSTANGI, ARLEQUIN, LE VIZIR

 

ARLEQUIN.

Que vois-je ?

LE BOSTANGI.

C’est le grand-vizir qui se promène dans les jardins.

ARLEQUIN, bas au bostangi.

Il vient à nous. Hoïmé !

LE BOSTANGI.

Qu’importe ? prenez un air qui ne l’attire point.

ARLEQUIN.

Un air effronté ?

LE BOSTANGI.

Non, non ; peste ! cela pique les seigneurs. Prenez plutôt un air de vestale.

LE VIZIR, à part, regardant Arlequin qui lui fait de profondes révérences.

Quelle fille est avec le bostangi ? elle a un air de modestie qui me frappe.

ARLEQUIN, bas au bostangi.

Air n° 18, ou Lanturlu.

Comme il m’examine !

LE BOSTANGI.

C’est un grand seigneur.

ARLEQUIN.

Il a bien la mine
D’être un vieux pécheur.

LE VIZIR.

De sa taille fine
Déjà je me sens féru.

ARLEQUIN.

Lanturlu, lanturlu lanturelu.

LE VIZIR, les abordant.

Monsieur le bostangi, voilà une brunette qui me paraît avoir de la pudeur.

LE BOSTANGI.

Aussi est-ce une fille d’opéra.

LE VIZIR.

Il n’est pas possible !

LE BOSTANGI.

Pardonnez-moi, c’est une actrice de l’opéra de Congo.

LE VIZIR.

La jolie figure ! Ma mignonne, peut-on vous faire une proposition ? Voulez-vous que je sois votre amant ?

ARLEQUIN, faisant la fille réservée.

Air n° 131, ou Tout amant n’est qu’un imposteur.

Tout amant n’est qu’un imposteur.

LE VIZIR.

Air n° 132, ou Oui, je t’aime. (des Rêveries renouvelées des Grecs.)

Une fille
Si gentille
Pour moi serait un trésor.
Quelle grâce !

ARLEQUIN, bas au bostangi.

Quelle face !
Il a l’air d’un franc butor.

LE VIZIR, au bostangi.

Même air.

Que dit-elle ?

LE BOSTANGI, au vizir.

La donzelle
Dit que vous êtes flatteur.

LE VIZIR, à Arlequin.

Ah ! ma reine,
Quelle aubaine,
Si je gagnais votre cœur !

Air n° 22, ou La faridondaine.

Dans mon sérail dès ce moment
Je vous offre une place.

ARLEQUIN.

Pour ma pudeur quel compliment !

Le vizir veut prendre la main d’Arlequin.

Oh ! laissez-moi, de grâce.

LE VIZIR.

Vous serez mon plus cher tendron.

ARLEQUIN.

La faridondaine,
La faridondon.

LE VIZIR.

Et je serai votre mari.

LE BOSTANGI.

Biribi,
À la façon de Barbari,
Mon ami.

ARLEQUIN.

Air n° 133, ou De Proserpine.

Non, je ne veux jamais entendre
Parler ni d’amour, ni d’amant.

LE VIZIR.

Air n° 98, ou Allez-vous-en, gens de la noce.

Je vous serai toujours fidèle.

ARLEQUIN.

Je ne veux point d’engagement.

LE VIZIR.

Il vous conviendrait, la belle,
D’avoir un vizir pour amant.

ARLEQUIN.

Oh ! non, vraiment.
Oh ! non, vraiment.

LE VIZIR.

Je vous serai toujours fidèle.

ARLEQUIN.

Je ne veux point d’engagement.

LE VIZIR, le pressant.

Allons, ma houri, sans façon.

ARLEQUIN, comme une fille embarrassée.

Arrêtez-vous donc, petit badin. Oh ! dame, tenez, je n’aime point ces manières-là.

LE VIZIR.

Pour une fille de théâtre, vous êtes bien réservée.

LE BOSTANGI.

C’est la coutume de Congo.

ARLEQUIN.

Sans doute.

Air n° 154, ou On dit que vous aimez les fleurs.

Les filles de notre opéra
Sont toutes des plus sages,
Sont toutes des, sont toutes des,
Sont toutes des plus sages.

LE VIZIR.

Quoi ! vous n’avez point d’amants ?

ARLEQUIN.

Pardonnez-moi.

LE VIZIR.

Et ne s’émancipent-ils pas quelquefois avec vous ?

ARLEQUIN, d’un air emporté.

S’émanciper ! jour de Dieu ! ils n’auraient qu’à y venir.

Air précédent.

Nos amants, toujours près de nous
Sont comme des idoles,
Sont comme,
etc.

LE VIZIR.

Quelle autre fille vient ici ?

ARLEQUIN.

C’est ma compagne, seigneur.

LE VIZIR.

Encore une fille de l’opéra de Congo ?

LE BOSTANGI.

Justement.

 

 

Scène VII

 

LE VIZIR, LE BOSTANGI, ARLEQUIN, LE PRINCE, en femme

 

LE PRINCE, saluant le vizir.

À votre service, je suis une divinité chantante.

ARLEQUIN.

Et moi, une divinité dansante.

LE VIZIR, considérant le prince.

Cette blonde, ma foi, n’est pas mal faite.

 

 

Scène VIII

 

LE VIZIR, LE PRINCE, LE BOSTANGI, ARLEQUIN, DILARA

 

DILARA, d’un air empressé.

Air n° 135, ou Que faites-vous là ?

Que faites-vous là ?
Messieurs, gare ! gare !
Voici Zélica,
Je vous le déclare.
Prenez garde à vous.

LE VIZIR, fuyant.

Fuyons tous.

LE PRINCE, se moquant.

Tarare.

DILARA.

Prenez garde à vous.

LE BOSTANGI.

Vite sauvons-nous.

ARLEQUIN, voulant aussi s’enfuir.

Air n° 64, ou Voici les dragons qui viennent.

Voici les dragons qui viennent.

Sauve qui peut !

LE PRINCE, l’arrêtant.

Air n° 19, ou Je suis encor dans mon printemps.

Comment donc ! tu veux me quitter ?
Est-ce là ce valet fidèle,
Qui tantôt laissait éclater
Les mouvements du plus grand zèle ?
Je te vois saisi de frayeur !

ARLEQUIN.

Oui, sur ma foi, je meurs de peur.

LE BOSTANGI, s’en allant.

Adieu. Je vous laisse avec la dame qui doit vous présenter, je me retire. Diantre ! l’esprit est une belle chose.

ARLEQUIN.

Oh ! diable ! il a beaucoup à craindre, lui.

 

 

Scène IX

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, DILARA

 

DILARA, au prince.

Air n° 62, ou Dupont, mon ami.

Ô jeune étranger,
Quel démon vous presse,
Malgré le danger,
De voir ma maîtresse ?
Fuyez loin de ces jardins.

LE PRINCE.

Belles, ces conseils sont vains.

DILARA.

Zélica ne paraît point ; vous pouvez encore l’éviter.

LE PRINCE.

Je m’en garderai bien.

ARLEQUIN.

Oh ! il n’en démordra pas.

LE PRINCE.

Air n° 6, ou Guillot auprès de Guillemette. (Répétez le 2e et le 4e vers.)

Je crois la princesse adorable.

ARLEQUIN, à part.

Quel chien d’esprit !

LE PRINCE.

Mais je la crois moins redoutable
Qu’on ne le dit
À parler net, je ne crains rien.

ARLEQUIN, à Dilara.

Il vise aux tours.

DILARA.

Je le vois bien.

LE PRINCE, à Dilara.

Vous, qui la voyez de près, avouez-nous qu’elle n’est pas si belle qu’on la fait.

DILARA.

Ô ciel ! que dites-vous ?

Air n° 4, ou Ô reguingué, ô lon lan la.

De Pallas elle a les beaux yeux,
De Venus le ris gracieux ;
Ô reguingué, ô lon lan la,
Et le vif éclat de jeunesse
D’Hébé.

ARLEQUIN.

Tudieu ! quelle drôlesse !

DILARA.

Air n° 90, ou Les feuillantines.

De plus elle a le chignon
De Junon.

LE PRINCE, riant.

Il n’est rien de plus mignon.

DILARA.

C’est une Hélène nouvelle.
Qui la voit
(bis) en a dans l’aile.

ARLEQUIN.

Air n° 39, ou Dondaine ; dondaine.

Ce portrait me glace d’effroi. (bis.)

LE PRINCE, riant.

Ha, ha, ha, ha, ha.

Je ris, je me moque de toi,
Dondaine, dondaine.
Oh ! je n’ai pas peur, moi,
De cette Hélène.

DILARA.

Vous êtes bien résolu, du moins. Comme la princesse ne manquera pas de vous faire chanter, quelle chanson...

LE PRINCE.

La voici.

Air n° 136, ou Comme les dieux qu’en silence on adore.

Comme les dieux qu’en silence on adore
Vous recevez mes vœux ;
Ma bouche n’ose encore
Vous découvrir mes secrets amoureux.
Hélas ! ce qu’elle n’ose dire
Se peut apprendre dans mes yeux :
Mais, Philis, j’aimerais bien mieux
Que dans mon cœur vous puissiez lire
Comme les dieux.

DILARA.

Fort bien ! je crois que Zélica prendra plaisir à vous entendre. Je la vois qui s’approche. Tenez-vous là, je vais la prévenir.

 

 

Scène X

 

LE PRINCE, ARLEQUIN

 

LE PRINCE.

Enfin nous allons donc voir cet objet si dangereux !

ARLEQUIN, se cachant derrière le prince.

Pour moi, je vais fermer les yeux.

LE PRINCE.

Air n° 41, ou Sous un ciel pur et sans image. (Ninon chez madame de Sévigné.)

Pauvre esprit, ta frayeur augmente.

ARLEQUIN.

Je voudrais être dans un trou.
Pour n’avoir vu qu’une suivante,
Déjà je suis à demi-fou.

 

 

Scène XI

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, DILARA, ZÉLICA et SA SUITE

 

D’abord trois esclaves blanches et trois noires paraissent, et s’avancent en dansant. Ensuite deux autres esclaves marchent devant la princesse, qui s’appuie sur deux esclaves favorites. Pendant toute cette scène Arlequin fait plusieurs lazzis pour ne pas voir Zélica.

DILARA, à la princesse.

Air n° 137, ou N’avez-vous pas vu l’horloge.

Entendez-vous le langage
Des oiseaux de ces beaux lieux ?
Ils chantent par leur ramage
La puissance de vos yeux,
Et vous rendent même hommage
Qu’au brillant flambeau des cieux.

ZÉLICA.

Air n° 138, ou Cessez de vanter mes charmes.

Cessez de vanter mes charmes ;
Ce sont de funestes vainqueurs :
Ils ont coûté trop de larmes.
Du ciel je louerais les faveurs,
Si par de douces alarmes
Je troublais seulement les cœurs.
Cessez de vanter mes charmes ;
Ce sont de funestes vainqueurs.

On danse.

DILARA, montrant le prince et Arlequin.

Princesse, vous voyez les filles dont je viens de vous parler.

ZÉLICA.

Voyons ce qu’elles savent faire.

LE PRINCE, déjà troublé, s’avance, et chante.

Air n° 139, ou Comme les dieux qu’en silence on adore.

Comme les dieux, qu’en silence on adore,
Vous recevez mes vœux.
Ma bouche n’ose encore
Vous découvrir mes secrets amoureux.

Son esprit s’égare.

Mais le soleil... que l’on admire,
Et la lune... qui brille dans vos yeux,
Font que tout le céleste empire
Charme les dieux.

DILARA, à part.

Le voilà devenu fou.

ARLEQUIN.

C’en est fait.

ZÉLICA.

Quel galimatias ! Ciel ! il faut que ce soit un homme déguisé. Ah !

Zélica se retire avec précipitation, et toutes ses esclaves la suivent en criant comme elle : Ah !

 

 

Scène XII

 

LE PRINCE, ARLEQUIN

 

ARLEQUIN, regardant le prince.

Vous l’avez voulu, George Dandin, vous l’avez voulu.

LE PRINCE, regardant Arlequin, et soupirant.

Ah ! ah !

ARLEQUIN, contrefaisant le prince lorsqu’il a chanté.

Et la lune...

Voilà un joli garçon présentement.

Air n° 39, ou Dondaine, dondaine.

Riez encore de mon effroi ; (bis.)
Dites : Je me moque de toi,
Dondaine, dondaine,
Oh ! je n’ai pas peur, moi,
De cette Hélène.

LE PRINCE, regardant tendrement Arlequin, et le prenant pour la princesse.

Ah ! charmante Zélica !

ARLEQUIN.

Moi, Zélica ! Voici bien une autre histoire.

LE PRINCE.

Air n° 24, ou Réveillez-vous, belle endormie.

Si vos beaux yeux méditaient ma défaite,
Vous me voyez à leur pouvoir soumis,
Beauté parfaite...

ARLEQUIN.

Beauté parfaite, moi ! Maudite princesse !

LE PRINCE.

Air n° 140, ou D’une main je tiens mon pot.

Je veux jusqu’au trépas
Adorer vos appas...

Il rêve, et s’attendrissant.

Fin de l’Air n° 141, ou fin de l’Air, Il faut que je file, file.

Le flambeau même du monde
Est moins brillant que vos yeux.

ARLEQUIN, pleurant.

Ahiouf !

Le prince tombe dans une profonde rêverie.

 

 

Scène XIII

 

LE PRINCE, ARLEQUIN, LE BOSTANGI

 

LE BOSTANGI, à Arlequin.

Qu’y a-t-il ? Pourquoi pleurez-vous ?

ARLEQUIN.

Eh ! monsieur bostangi, il vient d’arriver un grand malheur par un accident.

LE BOSTANGI.

Air n° 45, ou Monsieur La Palisse est mort.

Hélas ! je devine, ami,
Le sujet de ta tristesse !

ARLEQUIN.

Pleurons, mon cher bostangi ;
Mon maître a vu la princesse.

LE BOSTANGI.

Je le lui avais bien dit.
Il voulait voir Zélica.

Il pleure.

Air précédent.

Ciel ! il en a tout le soûl ;
Il a contenté sa rage.

ARLEQUIN, pleurant.

Hélas ! s’il n’était pas fou,
Il serait encore sage.

Vous voyez comme il est préoccupé.

LE BOSTANGI, au prince.

Allons, monsieur, revenez de votre étourdissement, ce ne sera peut-être rien.

Air n° 142, ou Ah ! Thomas, réveille-toi.

Ah ! Thomas, réveille, réveille,
Ah ! Thomas, réveille-toi.

LE PRINCE, sortant de sa rêverie, et prenant toujours Arlequin pour la princesse.

Adorable princesse !

LE BOSTANGI, à Arlequin.

Air n° 16, ou Je reviendrai demain au soir.

Quoi ! pour la princesse il vous prend !
Il en tient diablement.
(bis.)

ARLEQUIN.

Je suis dans un grand embarras :
Que vais-je faire, hélas !
(bis.)

LE BOSTANGI.

Malheureux jeune homme !

LE PRINCE, tombant aux genoux d’Arlequin.

Air n° 118, ou Dans un bois solitaire et sombre.

Laissez-moi, divine princesse,
Mourir d’amour à vos genoux...

Il tombe en faiblesse.

LE BOSTANGI.

Ô ciel ! il s’évanouit !

ARLEQUIN.

Aiuto !

LE BOSTANGI.

Emportons-le dans ma maison.

ARLEQUIN.

Du vinaigre ! de l’ellébore !

Arlequin et le bostangi relèvent le prince et l’emportent.

 

 

ACTE III

 

Le théâtre représente le palais du sultan.

 

 

Scène première

 

LE SULTAN, LE VIZIR

 

LE SULTAN.

A-t-on envoyé chercher le bostangi et, les deux étrangers ?

LE VIZIR.

Oui, seigneur.

LE SULTAN.

Air n° 3, ou Je l’ai planté, je l’ai vu naître.

Ô ciel ! quelle insolence extrême !
Je veux entendre Dilara ;
Je vais l’interroger moi-même.

LE VIZIR.

Elle va venir. La voilà.

 

 

Scène II

 

LE SULTAN, LE VIZIR, DILARA

 

LE SULTAN, bas au vizir.

Air n° 41, ou Sous un ciel pur et sans nuage. (de Ninon citez madame de Sévigné.)

Je prétends de cette aventure
Qu’elle ne me déguise rien.

À Dilara.

Avancez.

DILARA, à part.

Hélas ! je n’augure
Rien de bon de cet entretien.

LE SULTAN, bas au vizir.

Même air.

Je m’aperçois qu’elle se trouble.

LE VIZIR, bas au sultan.

Je m’en aperçois bien aussi.

LE SULTAN, à Dilara.

Approchez.

DILARA, à part.

Ma frayeur redouble.
Je voudrais être loin d’ici.

LE SULTAN, bas, au vizir.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormi.

Son air me fait assez connaître
Que l’on m’a dit la vérité.

DILARA, s’inclinant d’un air respectueux.

Que veut mon souverain, mon maître ?

LE SULTAN.

Je veux de la sincérité.

Air n° 42, ou Jupiter prête-moi ta foudre.

On dit que devant la princesse
Un homme, en femme travesti,
À tantôt eu la hardiesse
De se montrer.
M’a-t-on menti ?

DILARA, soupirant.

Ouf !

LE SULTAN.

Même air.

Vous avez eu, dit-on, l’audace
Vous-même, de le présenter.

DILARA, à part.

Je sens que tout mon sang se glace.

Haut.

Seigneur...

LE SULTAN.

Parlez sans hésiter.

DILARA.

Air n° 10, ou Ne m’entendez-vous pas ?

Je n’ai point présenté
D’homme, je vous assure.
Voulez-vous que j’en jure ?

LE SULTAN.

Ah ! quel trait effronté !

DILARA.

Oh ! c’est la vérité !

LE SULTAN.

Air n° 17, ou Des trembleurs.

Quoi ! tu mens en ma présence,
Sans redouter ma vengeance !
Juste ciel ! quelle impudence !
Ah ! tu mérites la mort.

Il tire son sabre.

DILARA, pousse un grand cri.

Ahi !

Calmez donc votre colère.
Puisqu’il faut être sincère,
Attendez, je vais vous faire
Un très fidèle rapport.

LE SULTAN.

Tu prends le bon parti.

DILARA.

Oui ; mais faisons nos conditions. Me pardonnerez-vous aussi, si je vous dis tout ?

LE SULTAN.

Je te le promets.

DILARA.

Air n° 46, ou de Joconde.

Je vais donc naturellement
Vous conter l’aventure ;
Mais rengainez dans le moment
Ce fer, je vous conjure ;
Il me fait peur.

LE SULTAN.

Hé ! que crains-tu ?
Je t’ai promis ta grâce.

DILARA.

Quand je vois un coutelas nu,
Ma langue s’embarrasse.

LE SULTAN, rengainant.

Voilà bien des façons.

DILARA.

Air n° 19, ou Je suis encor dans mon printemps. (d’une Folie.)

Vous saurez que deux étrangers,
Souhaitant de voir la princesse,
Au mépris de tous les dangers,
Ont si bien fait par leur adresse,
Qu’ils ont gagné le bostangi.

LE SULTAN.

Qui vous a su séduire aussi ?

DILARA.

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormit.

Seigneur, vous venez de le dire.

LE SULTAN.

Sachez que rien ne m’est caché.
Corrigez-vous ; qu’on se retire.

DILARA, à part, s’en allant.

M’en voilà quitte à bon marché.

 

 

Scène III

 

LE SULTAN, LE VIZIR, LE BOSTANGI, LE PRINCE, ARLEQUIN, GARDES

 

LE VIZIR.

Seigneur, voici les coupables qu’on vous amène.

LE SULTAN.

Ah ! misérables ! vous serez punis.

Air n° 74, ou Jardinier, ne vois-tu pas.

Allons, sans perdre de temps,
Qu’avec ignominie
On traite ces garnements,
Qu’ils perdent dans les tourments
La vie, la vie, la vie.

ARLEQUIN et LE BOSTANGI, se mettant à genoux devant le sultan.

Même air.

Nous demandons à genoux
Pardon de notre audace.

LE SULTAN.

Non, non, qu’on les pende tous.

ARLEQUIN et LE BOSTANGI.

Seigneur, n’est-il point pour nous
De grâce, de grâce, de grâce ?

LE SULTAN.

Non, point de quartier.

LE BOSTANGI.

Par le temple de la Mecque.

ARLEQUIN.

Par la barbe de Mahomet.

LE SULTAN.

Prières inutiles. Gardes, qu’on les saisisse.

ARLEQUIN, montrant le prince, à qui sa folie cache le péril où il est.

Mon prince ! mon cher prince !

Air n° 18, ou Lanturlu.

Ô fortune adverse !
Voilà de tes coups ;
Sur moi seul exerce
Ton maudit courroux.
Du grand roi de Perse
Le fils sera donc pendu !
Lanturlu, lanturlu, lanturelu.

LE SULTAN.

Comment, le fils du roi de Perse !

ARLEQUIN.

Sans doute ; vous voyez le prince de Perse dans mon camarade.

LE SULTAN.

Qu’entends-je ?

LE BOSTANGI.

Et un fils unique, encore.

LE SULTAN.

Qu’allais-je faire !

ARLEQUIN, se relevant.

Cela change bien la thèse, n’est-ce pas ?

LE SULTAN.

Assurément.

ARLEQUIN, se carrant.

Nous ne sommes pas des canailles, comme vous voyez.

LE SULTAN.

Air n° 143, ou Nous sommes précepteurs d’amour.

Je me sens touché de son sort ;
J’ai perdu toute ma colère :
Au lieu de lui donner la mort,
Je veux lui tenir lieu de père.

Mais voyons s’il est effectivement devenu fou.

LE BOSTANGI.

C’est une affaire toisée.

LE SULTAN.

Ah ! prince infortuné ! quel mauvais génie vous a poussé à voir Zélica ?

LE PRINCE, comme se réveillant en sursaut.

Zélica !

Air n° 144, ou Pata, pata, patapon.

Au son de ce nom charmant
Je sens que mon cœur se réveille...
Non, non,
Il n’est point de si joli nom
Que celui...

Olire, olire,
Ma princesse, olire, ola.

ARLEQUIN ; au sultan.

Vous l’entendez.

LE BOSTANGI.

Air n° 92, ou Amis, sans regretter Paris.

Vous jugez bien, par ce qu’il dit,
Qu’il n’est pas raisonnable.

LE SULTAN.

Hélas ! il a perdu l’esprit.
Rien n’est plus véritable.

Quel dommage !

LE PRINCE.

Air n° 145, On dit que vos parents.

Amour, rend Zélica sensible à ma tendresse ;
Enflamme pour jamais ce chef-d’œuvre des cieux.

Il se met à rire.

Ha, ha, ha, ha, ha.

Air n° 146, ou Ah ! Philis, je vous vis.

Ah ! Philis, je vous vis, je vous aime ;
Si je vous ai, je vous aimerai tant.

LE SULTAN.

Air n° 147, ou C’tila qu’a pincé Berg-op-Zoom.

Ah ! pour le guérir je prétends
Employer tous les charlatans,
Épuiser toute la chimie.

ARLEQUIN.

Vous augmenterez sa folie.

LE SULTAN.

Au n° 36, ou De tous les capucins du monde.

Vous, vizir, allez dans la ville
Chercher quelque docteur habile.

LE VIZIR.

J’en sais un d’un savoir profond,
Pour qui rien n’est impénétrable,
À qui l’enfer même répond.

LE SULTAN.

Je veux voir cet homme admirable.

LE VIZIR, sortant.

Je vais vous l’amener.

 

 

Scène IV

 

LE SULTAN, LE PRINCE, LE BOSTANGI, ARLEQUIN

 

LE SULTAN, au prince.

Prince, il ne tiendra pas à moi du moins que les vapeurs qui troublent votre cerveau ne soient bientôt dissipées.

LE PRINCE, au sultan, le prenant pour Zélica.

Air n° 148, ou Les fanatiques que je crains.

Oui, vos beaux yeux doux et brillants
M’ont mis dans l’esclavage...

Il change d’air.

Air n° 149, ou Si la jeune Annette.

Ah ! belle princesse,
Qu’il me serait doux
De pouvoir sans cesse
Tomber à vos genoux !

Il change encore d’air, et danse.

Refrain de l’air n° 85, ou Tout le long de la rivière.

Tout le long de la rivière
Laire,
Lon lan la,
Tout le long de la rivière,
Ah ! qu’il fait bon là !

LE SULTAN.

J’en ai pitié.

LE BOSTANGI.

Le pauvre garçon !

ARLEQUIN.

Le cœur me crève.

LE SULTAN.

Allez. Conduisez-le tous deux à mon appartement.

Le bostangi et Arlequin emmènent le prince.

 

 

Scène V

 

LE SULTAN, seul

 

Air n° 12, ou Réveillez-vous, belle endormie.

Que je me sens d’impatience
De voir ce malade guéri !
Un si beau prince ! Ah ! quand j’y pense,
J’en ai le cœur tout attendri.

 

 

Scène VI

 

LE SULTAN, LE VIZIR, UN BRACMANE, tenant un gros livre sous son bras

 

LE VIZIR.

Seigneur, en sortant du palais, j’ai rencontré le docteur dont je vous ai parlé. Le voici. C’est un Indien, un bracmane des plus habiles.

LE SULTAN.

Air n° 25, ou Si vous sentez dans vos âmes.

Approchez, bracmane habile.
J’attends de vous aujourd’hui
Une chose difficile.

LE VIZIR.

Rien, seigneur, ne l’est pour lui.

LE SULTAN.

Air n° 100, ou Malgré l’éclat de l’opulence. (Jeannot et Colin.)

(Ajoutez une syllabe au premier vers.)

Je ne sais si la nature
Pourra vous offrir un secret,
Pour guérir...

LE BRACMANE.

On m’a mis au fait :
Je vous réponds de cette cure.

LE SULTAN.

Vous croyez...

LE BRACMANE.

On m’a mis au fait ;
Je vous réponds de cette cure.

LE SULTAN.

Serait-il bien possible...

LE BRACMANE.

Oui ; mais,

Air n° 2, ou En vain la fortune ennemie.

Il faut que le sultan consente
À faire ce que je voudrai.

LE SULTAN.

Docteur, à tout je souscrirai :
Remplis donc mon attente.

Viens voir le malade. Suis-moi.

 

 

Scène VII

 

DILARA, ARLEQUIN

 

ARLEQUIN, sortant de la chambre où est le prince.

Air n° 40, ou Or écoutez, petits et grands.

Ciel, protecteur de l’orphelin,
N’abandonnez pas Arlequin.
On voit à chaque instant s’accroître
L’extravagance de mon maître ;
Je le perdrai bientôt, hélas !

Il pleure.

DILARA.

Mon cher enfant, ne pleurez pas.

Même air.

On dit qu’il vient un médecin...

ARLEQUIN.

Dites plutôt un assassin.
Cher prince, c’est fait de ta vie.
Je connais ces messieurs, ma mie.

DILARA.

Oh ! des médecins c’est la fleur.

ARLEQUIN.

Fi-donc ! au diable le meilleur !

DILARA.

Ce n’est pas un docteur ordinaire ; c’est un bracmane indien.

ARLEQUIN.

Un... Comment dites-vous cela ?

DILARA.

Un bracmane.

ARLEQUIN.

Un braque... C’est un chien de chasse qu’un braque.

DILARA.

Je ne vous dis pas un braque, je vous dis un bracmane.

ARLEQUIN, riant.

Un bricmac... un bracmane.

DILARA.

Oui, un bracmane, un grand docteur.

ARLEQUIN.

C’est donc un habile homme qu’un bracmane ?

DILARA.

Assurément.

ARLEQUIN.

Et vous en servez-vous quand vous êtes malade ?

DILARA.

Le voici. Je me retire.

 

 

Scène VIII

 

LE SULTAN, LE BRACMANE, ARLEQUIN

 

LE BRACMANE, au sultan.

Air n° 76, ou Rendez-moi mon écuelle de bois.

Vous pouvez compter que voilà
Cette affaire finie ;
Il ne faut faire pour cela
Qu’une cérémonie.

LE SULTAN.

Allons, docteur, préparez-la
Promptement, je vous prie.

Le sultan rentre dans la chambre où est le prince.

 

 

Scène IX

 

LE BRACMANE, ARLEQUIN

 

Toute cette scène est de tête, et ne consiste que dans un jeu de théâtre. Arlequin dit au bracmane qu’il veut lui rendre un service, et en même temps il lui ôte de la barbe quelque chose qu’il met à terre et qu’il écrase comme si c’était une punaise. Après ce lazzi, le sultan revient.

 

 

Scène X

 

LE SULTAN, LE BRACMANE, LE VIZIR, ARLEQUIN

 

LE SULTAN.

Hé bien, docteur, tout est-il préparé ?

LE BRACMANE.

Seigneur, je n’ai besoin que du grand-prêtre pour commencer la cérémonie.

LE SULTAN, au vizir.

Vizir, qu’on le fasse venir.

Le vizir sort.

LE BRACMANE.

Comme il s’agit de chasser le démon fou qui possède le prince, il faut pour cela implorer le secours du dieu de l’hyménée.

LE SULTAN.

Du dieu de l’hyménée !

LE BRACMANE.

Oui. Ce n’est qu’en mariant le prince avec l’objet qui trouble sa raison qu’on peut le guérir. Vous verrez.

Air n° 150, ou Ah ! mon mal ne vient que d’aimer.

Par là sa fureur se calmer :
Ah ! son mal ne vient que d’aimer.
L’amour cessera d’enflammer
Si vivement son âme.
Ah ! son mal ne vient que d’aimer ;
Il lui faut une femme.

ARLEQUIN.

Le grand médecin !

LE SULTAN.

Hé bien, soit. Voyons ce que le mariage opérera. J’aperçois déjà le grand-prêtre. Qu’on fasse venir le prince et ma fille.

 

 

Scène XI

 

LE SULTAN, LE BRACMANE, ARLEQUIN, LE GRAND-PRÊTRE et SA SUITE

 

LE BRACMANE, au sultan.

Seigneur, permettez-moi de parler en particulier au grand-prêtre.

  Le sultan lui fait signe de la tête qu’il y consent.

Alors le bracmane s’approche du grand-prêtre, lui parle à l’oreille, lui fait voir quelques endroits de son livre, et tout cela comiquement. Cette scène muette est interrompue par l’arrivée du prince et de Zélica. Le prince est conduit par le bostangi, et la princesse s’appuie sur Dilara.

 

 

Scène XII

 

LE SULTAN, LE BRACMANE, LE GRAND-PRÊTRE et SA SUITE, ARLEQUIN, LE PRINCE, ZÉLICA, LE BOSTANGI, DILARA

 

ARLEQUIN, apercevant la princesse, dit, tout épouvanté.

Voici la princesse. Gare ! gare !

DILARA, à Arlequin.

Oh ! ne craignez rien, on l’a voilée.

LE BOSTANGI.

De peur qu’elle n’enflammât le grand prêtre et sa suite.

ARLEQUIN.

On a bien fait. Diable ! c’est une matière bien combustible.

On dresse un autel.

Le prince et la princesse y sont conduits. Le grand-prêtre prend la main du prince et la met dans celle de Zélica ; et, pendant qu’il chante le couplet suivant, le bracmane, à terre devant l’autel, fait des contorsions de magicien qui donnent du jeu à Arlequin.

LE GRAND-PRÊTRE.

Air n° 70, ou Daigne écouter l’amant fidèle et tendre.

Hymen, guéris l’amoureuse folie
De ce mortel privé de jugement ;
Fais ton effet, que ta chaîne le lie ;
Sers d’ellébore, Hymen, à cet amant.

LE BRACMANE, se relevant.

Les voilà mariés. De la joie ! de la joie ! le prince est guéri.

LE SULTAN.

Quoi ! déjà !

LE BRACMANE.

Jugez-en vous-même.

LE PRINCE fait connaître par ses gestes qu’il est rentré dans un bon sens ; et, se jetant aux pieds du sultan, il lui dit.

Air n° 2, ou En vain la fortune ennemie.

Pénétré de reconnaissance,
Seigneur, j’embrasse vos genoux.
Ah ! sans vos bontés...

LE SULTAN.

Levez vous.

Il n’est plus en démence !

Même air.

Vous avez donc repris l’usage
De votre bon sens ?

LE PRINCE.

Oui, seigneur,

Je suis guéri.

LE SULTAN.

Ciel ! quel bonheur !

ARLEQUIN.

Comment diable ! il est sage !

Vivent les bracmanes !

Arlequin saute au cou du bracmane ; il embrasse ensuite son maître, puis le sultan, qui embrasse à son tour le prince.

LE PRINCE, au sultan.

Air n° 151, ou Le joli, belle meunière.

Vous avez de la princesse
Joint le sort au mien...

LE SULTAN.

Que l’on célèbre sans cesse
Cet heureux lien :
Il regarde, il intéresse
Tout Carismien.

CHŒUR de la suite du grand-prêtre.

Il regarde, il intéresse
Tout Carismien.

LE PRINCE, au sultan.

Air n° 152, ou L’an mille sept cent vingt et neuf. (ou Je suis enfin résolu.)

Des nœuds si charmants, seigneur,
Vont faire tout mon bonheur,

Se tournant vers la princesse.

Si Zélica, si ma reine
N’en gémit point en secret.

ZÉLICA.

Ah ! j’ai trop plaint votre peine
Pour me donner à regret.

LE SULTAN.

Air n° 47, ou Lon lan la, derirette.

Ô l’agréable changement !
Il a repris le jugement,
Lon lan la, derirette.

ARLEQUIN.

L’hymen fait ces prodiges-là,
Lon lan la, derira.

Io, hymen !

CHŒUR.

Air n° 153, ou Dieux ! vengez mes malheurs.

Io, hymen, hymen, io
Io, hymen, hymen, io.

On danse.

Vaudeville.

Premier couplet.

LE GRAND-PRÊTRE.

Dieu des époux                    } (bis.)
Tu guéris les amants fous.  }
Fontaine de sapience,
Ton admirable eau
Ôte à l’amour sa violence.
Io, hymen, hymen, io.

CHŒUR.

Io, hymen, etc.

Second couplet.

DILARA.

Au freluquet                          } (bis.)
L’amour donne du caquet : }
Mais, loin d’étourdir sa belle,
Il ne dit plus mot

Dès qu’il voit son épouse en elle.
Io, hymen, hymen, io.

CHŒUR.

Io, hymen, etc.

Troisième couplet.

LE BOSTANGI.

Lucas amant                            } (bis.)
Dormait à peine un moment ; }
Mais, depuis que l’hyménée
L’a joint à Margot,
Il dort la grasse matinée.
Io, hymen, hymen, io.

CHŒUR.

Io, hymen, etc.

Quatrième couplet.

ARLEQUIN.

En galopant,                     } (bis.)
Un jeune cheval fringant }
Va toute la matinée ;
Mais il va le trot...

DILARA.

Dites le pas l’après-dînée.
Io, hymen, hymen, io.

CHŒUR.

Io, hymen, etc.

Cinquième couplet.

DILARA.

Fait-on l’amour,                            } (bis.)
On vous nomme, astre du jour ; }
Mais quand les noces sont faites,
Le godelureau
Nous donne d’autres épithètes.
Io, hymen, hymen, io.

CHŒUR.

Io, hymen, etc.

Sixième couplet.

ARLEQUIN.

Quand dans nos jeux                 } (bis.)
On donne un ouvrage heureux, }
Chez nous le monde foisonne,
Tant qu’il est nouveau ;
Est-il vieux, on nous abandonne.
Io, hymen, hymen, io.

CHŒUR.

Io, hymen, etc.

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