La Leçon de dessin (Charles DESNOYERS - DUBOIS-DAVESNES) ou mon ami Polycarpe

Comédie en un acte.

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l’Ambigu-Comique, le 8 juillet 1830.

 

Personnages

 

MONSIEUR DE SAINT-ANGE

SYDONIE, sa fille

FÉLICITÉ, sa nièce

EDMOND DE BELVAL

POLYCARPE THIBAUDOIS, son ami

 

La scène est dans un salon, chez Monsieur de Saint-Ange.

 

 

Scène première

 

SAINT-ANGE, EDMOND DE BELVAL

 

Monsieur de Saint-Ange entre d’un air mystérieux avec Edmond, et l’amène sur le devant de la scène.

EDMOND.

En vérité, mon cher Monsieur de Saint-Ange, je de vous comprends pas : cet air de mystère...

SAINT-ANGE.

Écoute-moi, mon ami, je vais te dire pourquoi je t’ai fait éveiller de si bonne heure, malgré les fatigues du voyage.

EDMOND.

Ma foi vous me ferez plaisir ; car...

SAINT-ANGE.

Plus bas, je t’en prie... ce salon est voisin de l’appartement de ma fille.

EDMOND.

De ma future ?

SAINT-ANGE.

Ah ! nous verrons...

EDMOND.

Comment ! nous verrons ? n’êtes-vous pas convenu avec mon père ?...

SAINT-ANGE.

Que ma fille, ma Sydonie, qui est sur la peinture presqu’aussi forte que moi, te servirait de professeur.

EDMOND.

Oui, mais vous savez bien, beau-père, que les leçons de peinture n’étaient qu’une ruse de mon invention, un de ces moyens de faire connaissance qu’on emploie tous les jours... dans les comédies ; enfin, vous m’aviez promis.

SAINT-ANGE.

Eh ! mon Dieu, je suis prêt à tenir ma promesse, mais il y a des obstacles que je redoute.

EDMOND.

Des obstacles !

SAINT-ANGE.

Écoute-moi, mais écoute-moi sans impatience.

EDMOND.

Voyons, parlez.

SAINT-ANGE.

Mon ami... ma fille est charmante.

EDMOND.

Tant mieux.

SAINT-ANGE.

Pleine de grâces, d’esprit et de talents.

EDMOND.

Eh bien ! si vous n’avez pas d’autre obstacle à m’opposer, je suis homme à l’épouser, malgré tout cela.

SAINT-ANGE.

Un instant... ce panégyrique qu’il m’est permis de faire en son absence, on le lui a trop souvent répété, on lui a trop dit qu’elle était jolie, spirituelle, incomparable, et tous ces éloges exagérés...

EDMOND.

Lui ont donné de l’amour-propre...

SAINT-ANGE.

De la présomption, de l’orgueil.

EDMOND.

Tant pis.

SAINT-ANGE.

Oui, elle est orgueilleuse... au suprême degré, et voilà ce qui m’effraie pour l’exécution du projet que j’ai forme ; tous les hommages lui semblent au-dessous de son mérite, elle les dédaigne, ceux des hommes surtout. Elle a juré de rester toujours insensible, de ne se marier jamais.

EDMOND.

Bon ! et de combien date un pareil serment ?

SAINT-ANGE.

De dix-huit mois.

EDMOND.

En vérité ?

SAINT-ANGE.

Tout autant.

EDMOND.

Oh ! parbleu, je n’abandonne point la partie ; j’aime les difficultés, moi.

SAINT-ANGE.

Prends-y garde : songe bien que ma fille n’a pas manqué d’adorateurs, et qu’aucun d’eux jusqu’à présent...

EDMOND.

Raison de plus... la belle gloire de triompher d’un cœur habitué à se laisser vaincre ! mais combattre avec avantage, et peu à peu réduire la fierté, la présomption d’une femme jusqu’alors insensible, la forcer à prononcer elle-même ce mot que si longtemps elle a refusé d’entendre : je vous aime... ah ! beau père, voilà un triomphe honorable, voilà la gloire que j’ambitionne, et je suis sûr de l’obtenir.

SAINT-ANGE.

Tu ne manques pas d’amour-propre.

EDMOND.

Si je ne réussis point par la franchise, j’emploierai la ruse... elle a juré de n’aimer jamais, et moi, je fais serment de la rendre parjure ; enfin, je la séduirai... Vous permettez beau-père ?

SAINT-ANGE.

Je te donne carte blanche.

EDMOND.

Voyons, mettez-moi au fait de toutes les figures aux quelles je vais avoir à faire.

SAINT-ANGE.

Soit : nous avons d’abord la mienne.

EDMOND.

Je la connais. Passons.

SAINT-ANGE.

Ma fille.

EDMOND.

Après.

SAINT-ANGE.

Sa cousine Félicité, une petite sotte, dont le caractère est diamétralement opposé à celui de Sydonie.

EDMOND.

Ah ! elle n’a pas juré...

SAINT-ANGE.

De rester insensible ? au contraire, elle ne rêve que l’amour et le mariage, sans bien comprendre au juste ce que c’est que le mariage et l’amour ; il lui tarde d’être appelée madame, d’avoir des gens, et un mari à ses ordres.

EDMOND.

Bien, caractère ordinaire... ensuite ?

SAINT-ANGE.

Ensuite, Monsieur Polycarpe.

EDMOND.

Qu’est-ce que c’est que Monsieur Polycarpe ?

SAINT-ANGE.

Le fils d’un riche négociant de mes amis, Monsieur Thibaudois.

EDMOND.

Polycarpe Thibaudois !... attendez-donc, je le connais, nous avons fait nos études ensemble au lycée Charlemagne... oui, parbleu, je m’en souviens. Il remportait tous les prix à la fin de l’année... un imbécile.

SAINT-ANGE.

C’est cela... il est amoureux.

EDMOND.

De Sydonie ?

SAINT-ANGE.

Ou de sa cousine.

EDMOND.

Laquelle des deux ?

SAINT-ANGE.

L’une ou l’autre.

EDMOND.

Comment ?

SAINT-ANGE.

Du moins, je le suppose... car, depuis bientôt six mois qu’il m’a été recommandé par son père, et que nous voyons sa figure presque tous les jours, il n’a osé parler d’amour ni à l’une ni à l’autre ; aussi ma fille n’a-t-elle point encore songé à souhaiter son départ, et de son côté, ma nièce, qui le traite d’imbécile, ne se prend point de belle passion pour lui comme pour tous les autres.

EDMOND.

Mais, s’il n’a jamais rien dit, qui peut vous faire croire ?...

SAINT-ANGE.

Oh ! j’en suis sûr, je me connais en physionomie, Monsieur Polycarpe est le pendant de mademoiselle Félicité, il cherche une femme, et pourvu qu’il en trouve une, n’importe la quelle, il s’estimera trop heureux.

EDMOND.

Ce cher ami, je le reconnais bien là... oh ! parbleu, je me promets de...

SAINT-ANGE.

Silence.

EDMOND.

Quoi donc ?

SAINT-ANGE.

On vient : c’est ma fille.

EDMOND.

Mademoiselle Sydonie !... je me sauve.

SAINT-ANGE.

Ah ! voilà déjà mon homme naguère si sûr de son fait.

EDMOND.

Oh ! j’en suis sûr encore, mais il faut que j’aille étudier un peu le rôle que je vais jouer, et préparer tous mes moyens de séduction... vous me donnez carte blanche, n’est il pas vrai ?

SAINT-ANGE.

C’est convenu.

EDMOND.

Attendez-donc que je la voie un peu... ah ! vous aviez raison, elle est charmante, je serai son époux. Adieu, adieu, mon cher beau-père.

Il sort en courant, Sydonie entre d’un autre côté.

 

 

Scène II

 

SYDONIE, SAINT-ANGE

 

SYDONIE, à un domestique.

Cela est fatigant, dites-lui que, s’il n’a pas d’autres livres à m’envoyer, je retire mon abonnement.

SAINT-ANGE.

Bonjour, mon enfant.

Il l’embrasse.

Qu’as-tu donc à gronder de si grand matin ?

SYDONIE.

Rien. C’est mon libraire qui ne cesse de m’envoyer des futilités insupportables, des romans. Il semble en vérité, parce qu’on est femme, qu’on ne puisse s’occuper d’une lecture sérieuse.

SAINT-ANGE.

Allons, apaise-toi, il a tort, mais quel air de chagrin, de mauvaise humeur ?... et tout cela, à cause de ton libraire.

SYDONIE.

Non, mon père ; mais...

SAINT-ANGE.

Quoi donc ?

SYDONIE.

Tenez... je m’ennuie.

SAINT-ANGE.

Diable, mauvaise maladie !

SYDONIE.

Et puis, j’ai la migraine.

SAINT-ANGE.

La migraine !... ah ! c’est vrai je l’avais oublié, c’est ton jour. Travaille cela te distraira.

SYDONIE.

Non, je ne suis pas en train.

SAINT-ANGE.

Eh bien ! causons ensemble.

SYDONIE.

À la bonne heure... de quoi parlerons-nous ?

SAINT-ANGE.

Tu sais que le fils de mon ami intime, de mon cher Belval, est arrivé d’hier soir.

SYDONIE.

Oui, je le sais. Voilà bientôt quinze jours que vous me parlez de lui.

SAINT-ANGE.

C’est que monsieur Edmond est un jeune homme charmant.

SYDONIE.

Oui charmant ! un fat, qui me dira comme tous les autres : Mademoiselle, je suis le plus heureux des hommes, je vous aime, je vous adore, j’en perdrai la tête, j’en mourrai, ma parole d’honneur.

SAINT-ANGE.

Non, je ne crois pas qu’il te dise tout cela.

SYDONIE.

Ah ! ce sera bien heureux !

SAINT-ANGE.

Mais voici le fait. Le renom de ton talent pour la peinture est parvenu jusqu’à Bordeaux.

SYDONIE.

Bon, quelle folie !...

SAINT-ANGE.

Et, comme on m’attribue l’honneur de t’avoir formée dans l’art que je professe, mon ami m’envoie son fils Edmond, pour que je lui donne, m’écrit-il, les excellents principes que tu as reçus.

SYDONIE.

Quoi ! vraiment ! on parlerait de mes ouvrages ?

SAINT-ANGE.

Oui, mon enfant, et comme je suis fier de ta gloire, je veux que ce nouvel élève soit le tien.

SYDONIE.

Comment ?

SAINT-ANGE.

Mais j’ai agi peut-être un peu inconsidérément ; si ce jeune homme voulait profiter des entrevues que vous aurez ensemble pour chercher à te plaire ?

SYDONIE.

Oh ! soyez tranquille : je ne crois pas qu’aucun de ces messieurs soit à craindre pour moi.

SAINT-ANGE.

C’est qu’il me semble plus dangereux que les autres.

SYDONIE.

Bon.

SAINT-ANGE.

Une jolie tournure, de l’esprit.

SYDONIE.

Nous verrons.

SAINT-ANGE.

Au surplus, après votre première entrevue, tu n’auras qu’un mot à dire, et je le congédierai.

SYDONIE.

Non, mon père, non, je veux qu’il reste, je serais désespérée qu’il ne restât pas, vous croiriez que je redoute sa présence.

SAINT-ANGE.

Qui sait ?

SYDONIE.

Enfin, je l’ai juré, je n’aimerai jamais, jamais que vous, mon père, et jamais je ne me marierai.

SAINT-ANGE.

Cependant, Monsieur Polycarpe...

SYDONIE.

Mon père, quelle plaisanterie...

SAINT-ANGE.

Je ne plaisante pas... il m’attendrissait hier soir, en me disant...

SYDONIE.

Mon père, ne me rappelez pas ce qu’il vous disait, je croi rais l’entendre, et j’ai déjà la migraine.

SAINT-ANGE.

À la bonne heure. Prends-y garde pourtant : notre nouveau venu ne ressemble pas à Polycarpe... Adieu ma fille.

Il sort.

SYDONIE.

Adieu, mon père.

 

 

Scène III

 

SYDONIE, seule

 

Un jeune homme charmant, de l’esprit, une jolie tournure ! voilà ce qu’on me répète tous les jours... que m’importe à moi ? est-ce que je fais attention à tout cela ?

 

 

Scène IV

 

SYDONIE, FÉLICITÉ

 

FÉLICITÉ accourant.

Sydonie ! Sydonie !... Ah ! te voilà.

SYDONIE.

Eh bien ! qu’avez-vous ?

FÉLICITÉ.

Si tu savais, ma chère cousine, je viens de le voir.

SYDONIE.

Qui donc ?

FÉLICITÉ.

Monsieur Edmond de Belval... ah ! le joli jeune homme ! et quel air distingue ! ce n’est pas comme Monsieur Polycarpe.

SYDONIE.

Et que me fait tout cela ?

FÉLICITÉ.

Et puis, de belles manières ! il m’a souri avec un air, une grâce, enfin il m’a serré la main.

SYDONIE.

Comment il a osé...

FÉLICITÉ.

Certainement, il a osé... oh ! ce n’est pas comme Monsieur Polycarpe.

SYDONIE.

Taisez-vous... ! vous laisser serrer la main par un jeune homme... que vous ne connaissez pas !

FÉLICITÉ.

Oh ! nous aurons bientôt fait connaissance, il me paraît très liant d’abord.

SYDONIE.

Ah ! vous voilà bien, mademoiselle, toujours la même folie, l’amour et...

FÉLICITÉ.

Et le mariage, c’est vrai, chacun son idée ; toi, tu ne vois de bonheur que dans le célibat ; moi, je le trouve insupportable et monotone.

SYDONIE.

Mais sais-tu bien, dis-moi, ce que c’est qu’un mari ?

FÉLICITÉ.

Ce que c’est ?... non, je ne le sais pas ; c’est pour cela que je voudrais le savoir.

SYDONIE.

Tu n’as donc jamais réfléchi aux tourments, aux soucis du ménage ?

FÉLICITÉ.

Si fait, si fait, mademoiselle, j’y ai réfléchi, et très murement encore. Je sais qu’il est des devoirs essentiels à remplir, et que cette condition impose, qu’il faut savoir mener sa maison, ses gens, son mari, organiser des soirées brillantes, choisir le plus joli spectacle du jour, et surtout suivre exactement toutes les modes nouvelles, car il faut plaire à son mari, cela est difficile, je le sais, je le comprends, mais j’y parviendrai, parce que j’ai la vocation.

SYDONIE.

Cela fait pitié ; mais ces plaisirs imaginaires pourront-ils jamais compenser la perte de ta liberté ?

FÉLICITÉ.

Ah ! par exemple, ma chère amie, toi qui as tant d’esprit, tu n’y comprends rien du tout... au contraire, il n’y a de véritable liberté pour une femme que dans le mariage.

SYDONIE.

Oui, tu crois ?

FÉLICITÉ.

J’en suis sûre ; on me l’a dit vingt fois dans mon pensionnat.

 

 

Scène V

 

SYDONIE, FÉLICITÉ, EDMOND, POLYCARPE

 

POLYCARPE, entrant le premier.

Oui, oui, mon ami, je veux te présenter moi-même.

FÉLICITÉ, bas à Sydonie.

Tiens, le voici, regarde donc : avec Polycarpe, hein ! quelle différence.

SYDONIE, bas.

Ah ! c’est là ce jeune homme charmant !

FÉLICITÉ, bas.

Tu es bien difficile.

POLYCARPE, saluant.

Mademoiselle Sydonie, veuillez me permettre de vous présenter monsieur Edmond de Belval, mon ancien camarade de collège.

EDMOND, saluant profondément.

Mademoiselle...

SYDONIE, faisant une légère inclination.

Monsieur... Votre recommandation, monsieur Polycarpe, ne peut qu’ajouter aux égards que doit trouver ici le fils de monsieur de Belval.

EDMOND.

Permettez-moi, mademoiselle, de vous témoigner ma reconnaissance pour un accueil aussi flatteur.

SYDONIE.

Monsieur...

FÉLICITÉ, bas à Sydonie.

Hein ! comme il s’exprime bien !

SYDONIE, bas.

Tu trouves !... Si celui-là parvient jamais à me plaire !...

Haut.

Monsieur, je vous salue.

Elle sort.

 

 

Scène VI

 

FÉLICITÉ, EDMOND, POLYCARPE

 

EDMOND, à part.

Quel air dédaigneux !

POLYCARPE.

N’est-ce pas, qu’elle est jolie ?

EDMOND.

Oui, oui, elle est jolie ; mais elle n’est pas la seule, et lorsqu’on regarde mademoiselle...

FÉLICITÉ.

Moi, monsieur ?

EDMOND.

Vous-même... Je bénis le hasard qui m’a fait rencontrer en ces lieux une personne aussi aimable que vous.

FÉLICITÉ.

Monsieur, vous êtes bien honnête certainement...

À part.

Eh bien ! me voilà toute embarrassée... Je ne sais que répondre.

Haut.

Monsieur, je vous demande pardon ; il faut que j’aille rejoindre ma cousine. Adieu, monsieur.

EDMOND, saluant.

Au revoir, mademoiselle.

Il lui baise la main.

FÉLICITÉ, à part.

Ce n’est pas comme monsieur Polycarpe.

Elle sort.

 

 

Scène VII

 

EDMOND, POLYCARPE

 

Polycarpe pendant la scène précédente est resté ébahi : il regarde Edmond avec la plus grande surprise.

EDMOND.

Eh bien ! qu’as-tu donc à me considérer ainsi ?

POLYCARPE.

Je ne puis en revenir.

EDMOND.

De quoi ?

POLYCARPE.

Tu es d’une hardiesse auprès des femmes. La première fois que tu la vois, tu oses lui parler ainsi, tu vas jusqu’à lui baiser la main !

EDMOND.

Ah ! voilà ce qui t’étonne ?

POLYCARPE.

Mais, mon ami, les convenances.

EDMOND.

Pauvre garçon ! la première convenance auprès des femmes est de faire ce qui leur convient.

POLYCARPE.

Depuis six mois que je lui fais la cour, ainsi qu’à sa cousine, je n’ai pas encore pris cette liberté.

EDMOND.

Vraiment ?

POLYCARPE.

J’ai été plus d’une fois près de leur parler de mon amour.

EDMOND.

Eh bien !

POLYCARPE.

Impossible, je n’ai jamais osé.

EDMOND.

Diable ! tu es un habile homme. Y a-t-il longtemps que tu fais le métier de séducteur ?

POLYCARPE.

Bientôt trois ans, depuis ma sortie du collège, et toujours, il m’a été impossible de réussir.

EDMOND.

Ah ! ce cher Polycarpe !...

POLYCARPE.

Et pourtant, mon ami, j’ai de l’esprit.

EDMOND.

À qui le dis-tu ?

POLYCARPE.

Te rappelles-tu comme j’entendais la dissertation française ?

EDMOND.

Oui, parbleu ! et je m’étonne, qu’auprès des belles tu ne sois pas aussi éloquent...

POLYCARPE.

Que je l’étais, il y a trois ans, au lycée Charlemagne ! C’est pourtant vrai, auprès des femmes je suis... je suis bête ; tu ne me croiras pas.

EDMOND.

Si fait, parbleu ! je te crois.

POLYCARPE.

Et, pour mon malheur, je les aime les femmes... Ah ! je les aime... toutes... Si je pouvais en séduire une ! une seule ! c’est tout ce que je demande. Mais encore une chose de particulier, c’est que toutes les femmes que j’ai aimées, que j’ai adorées m’ont toujours détesté... C’est comme je te le dis.

EDMOND.

En vérité ?

POLYCARPE.

Aussi, faute de mieux, je me suis créé un système, une idée fixe.

EDMOND.

Quoi donc ?

POLYCARPE.

J’ai passé en revue dans ma tête toutes les jouissances de la vie humaine, je les ai vues, je les ai connues... Oh ! mais c’est-à-dire que je les ai connues à fond... en théorie.

EDMOND.

Ce diable de Polycarpe ! Il a des idées qui ne sont qu’à lui : et la pratique ?

POLYCARPE.

Ah ! c’est différent, je ne la connais pas, la pratique ; dis moi, que faut-il faire ? comment faut-il s’y prendre ?

EDMOND.

Ah ! c’est un art qui n’est pas donné à tout le monde, et les plus fins bien souvent n’y connaissent rien.

POLYCARPE.

J’en suis bien la preuve.

EDMOND.

Mais si tu veux, je me charge de parler pour toi.

POLYCARPE.

Vraiment ? Tu me le promets... Ah ! mon cher Edmond, tu serais mon ange tutélaire... Songes-y donc, à vingt-trois ans, il est si cruel pour un jeune homme d’ignorer...

EDMOND.

Allons, du courage, je m’intéresse à toi. Voyons, laquelle des deux préfères-tu ?

POLYCARPE.

Laquelle des deux ?... Ah ! mademoiselle Sydonie est bien jolie.

EDMOND.

C’est vrai.

POLYCARPE.

Mais mademoiselle Félicité est bien gentille.

EDMOND.

Allons, décide-toi.

POLYCARPE.

C’est fort embarrassant. C’est-ce que je demande, moi ?

EDMOND.

Au fait, c’est une femme que tu veux.

POLYCARPE.

Pas davantage ; alors je choisirai celle qui voudra de moi.

EDMOND.

C’est parbleu très bien vu.

POLYCARPE.

Et comme tu es si obligeant, toi, mon bon ami, mon vieux camarade... Eh bien ! arrange cela comme tu l’entendras.

EDMOND.

C’est convenu, je vais faire pour toi les premières avances ; mais quand une fois je t’aurai lancé, ne va pas rester en arrière.

POLYCARPE.

Ne crains rien, avec un guide tel que toi, je deviendrai entreprenant, téméraire... tu me diras quand le moment sera venu.

EDMOND.

Oui, mon ami, et justement j’aperçois mademoiselle Félicité qui revient par ici.

POLYCARPE.

Mademoiselle Félicité, je te laisse avec elle, mon cher ami, je m’abandonne à toi. Emploie en mon nom tous les moyens de séduction ; sois adroit, persuasif, éloquent... enfin...

EDMOND.

Comme tu l’étais au lycée Charlemagne.

POLYCARPE.

C’est cela.

EDMOND.

Sois tranquille, adieu.

POLYCARPE.

Ce cher ami !

 

 

Scène VIII

 

EDMOND, POLYCARPE, FÉLICITÉ

 

POLYCARPE, la saluant d’un air sentimental.

Mademoiselle Félicité, j’ai bien l’honneur... j’ai bien l’honneur de vous saluer.

Il sort.

FÉLICITÉ, le regardant sortir.

Qu’est-ce qu’il a donc, monsieur Polycarpe ! if a l’air plus audacieux qu’à l’ordinaire.

Elle va pour sortir par une porte opposée à celle par où elle est entrée, comme une personne qui traverse un salon ; Edmond l’arrête.

 

 

Scène IX

 

EDMOND, FÉLICITÉ

 

EDMOND.

De grâce, arrêtez, mademoiselle.

FÉLICITÉ.

Ah ! c’est vous, monsieur !

EDMOND, à part.

Dépêchons-nous ; avec un caractère comme celui-là, on peut brusquer la déclaration...

Haut.

Mademoiselle...

FÉLICITÉ.

Monsieur.

EDMOND.

Ce que je vais vous dire vous offensera peut-être ; mais enfin, il faut que je parle. Nous sommes seuls ; d’un moment à l’autre, on peut venir troubler ce délicieux tête à tête... Pardonnez donc à ma brusque franchisse : vous êtes aimée. Que dis-je ? vous êtes adorée.

FÉLICITÉ.

Monsieur...

EDMOND.

Ah ! je vous en conjure, ne refusez pas de m’entendre ; ne soyez pas insensible à des tourments dont vous êtes seule la cause... Oui, j’ose l’espérer, mademoiselle, vous ne rejetterez pas mes prières, et s’il faut tomber à vos genoux...

FÉLICITÉ.

Monsieur, que faites-vous ?

EDMOND, à genoux.

Non, non, mademoiselle, je ne quitterai point cette place, si vous demeurez inflexible, si vous refusez de donner quel qu’espérance à l’infortuné qui vous aime... Enfin, vous ne dépendez que de monsieur votre oncle, n’est-il pas vrai ?...

FÉLICITÉ.

Oui, monsieur, c’est mon tuteur. Mais relevez-vous donc.

EDMOND, toujours à genoux.

À merveille, si vous n’avez point d’autre obstacle à m’opposer...

Monsieur de Saint-Ange entre en scène.

 

 

Scène X

 

EDMOND, FÉLICITÉ, SAINT-ANGE

 

SAINT-ANGE.

Que vois-je ?

FÉLICITÉ.

Ciel ! mon oncle !

Elle se sauve.

 

 

Scène XI

 

SAINT-ANGE, EDMOND

 

EDMOND, toujours à genoux.

Eh bien ! elle me laisse là.

SAINT-ANGE.

Comment, monsieur !

EDMOND, se relevant.

Ah ! parbleu ! cher beau-père, vous arrivez bien mal à propos.

SAINT-ANGE.

C’est affreux ! c’est abominable !

EDMOND.

Qu’avez-vous donc ?

SAINT-ANGE.

Ce que j’ai, morbleu ! pas de mauvaises plaisanteries !

EDMOND.

Est-ce parce que vous venez de me trouver aux genoux de votre nièce ?

SAINT-ANGE.

Vous me le demandez !

EDMOND.

Ne m’avez-vous pas donné carte blanche ?

SAINT-ANGE.

Il s’agit bien de cela.

EDMOND.

Ne m’avez-vous pas permis d’employer tous les moyens de séduction ?...

SAINT-ANGE.

Oui, sans doute, avec ma fille ; mais avec ma nièce...

EDMOND.

Ah ! beau-père, je ne vous reconnais pas là ; vous n’avez pas de confiance.

SAINT-ANGE.

Mais comment veux-tu que j’interprète ?

EDMOND.

Cela rentre dans mes plans.

SAINT-ANGE.

Mais, enfin...

EDMOND.

Plus tard, je vous expliquerai tout cela. Maintenant, vous allez prier mon nouveau professeur de me donner ma première leçon de dessin. Vous commencerez par lui dire de moi tout le mal possible.

SAINT-ANGE.

Quoi ! tu veux...

EDMOND.

Cela rentre dans mes plans... Dites-lui d’abord que son élève ne peut lui convenir, etc... que d’ailleurs je suis un mauvais sujet, un homme qui en conte à toutes les femmes ; enfin, servez-moi en ami, faites moi-auprès d’elle une réputation détestable... je m’attacherai à la détruire. La voici : je vous laisse avec elle, et je reviens dans un instant.

Il sort.

 

 

Scène XII

 

SAINT-ANGE, SYDONIE

 

SAINT-ANGE.

Ah !... te voilà, ma fille.

SYDONIE.

Oui, mon père, je viens pour cette leçon de dessin, puis qu’il faut absolument...

SAINT-ANGE.

Veux-tu que je te dise ? maintenant que je le connais, ce jeune homme ne me plaît sous aucun rapport : un esprit très superficiel, et avec cela nulle disposition pour la peinture. Il n’y a rien d’un artiste dans cette tête-là, rien qu’un amour propre des plus exagérés et des plus ridicules.

SYDONIE.

Ah ! vous commencez donc à être désenchanté du fils de votre ami ?

SAINT-ANGE.

Oui, et tout bien considéré, si je pouvais me débarrasser de lui...

SYDONIE.

Comment faire ?

SAINT-ANGE.

Tiens, ma fille, c’est à toi d’en trouver le moyen.

SYDONIE.

Moi !

SAINT-ANGE.

Ta froideur, ta sévérité peuvent beaucoup... Ne pourrait on pas, en le décourageant dans ses études ?...

SYDONIE.

En effet.

SAINT-ANGE.

En lui conseillant de renoncer à la peinture.

SYDONIE.

Oui, mon père.

SAINT-ANGE.

Dis-lui qu’il n’a pas de vocation ; tâche enfin de le désoler, de le désespérer, et qu’il parte.

SYDONIE.

Soyez tranquille.

 

 

Scène XIII

 

SAINT-ANGE, SYDONIE, EDMOND

 

EDMOND, tenant sous le bras un carton de dessin.

Pardon, je vous dérange, je viens trop tôt, peut-être.

SAINT-ANGE.

Du tout, monsieur, du tout. Ici, nous n’avons pas de temps à perdre ; il faut de l’activité.

EDMOND.

C’est mon avis ; et quand mademoiselle voudra...

SAINT-ANGE.

Allons, je vous laisse, mes enfants.

Bas, à sa fille.

Souviens-toi de ce que je t’ai dit... Je suis sûr qu’il va te faire des compliments, te parler aussi de son amour...

SYDONIE, bas.

Tant mieux, cela me servira de prétexte pour le congédier.

SAINT-ANGE.

C’est cela, au revoir.

Il sort.

 

 

Scène XIV

 

SYDONIE, EDMOND

 

SYDONIE, à part.

Il va commencer à me faire des compliments... je vais bien le recevoir.

EDMOND.

Mademoiselle...

SYDONIE.

Monsieur ?

EDMOND, à part.

J’allais oublier mon rôle.

Haut.

Je suis à vos ordres.

SYDONIE.

Commençons, monsieur.

EDMOND.

Vous allez trouver en moi, mademoiselle, un élève bien indigne... Je le sais, les difficultés sont immenses ; mais le temps, l’observation, et l’amour que j’éprouve... pour la peinture, tout me fait croire que je puis réussir.

SYDONIE.

Monsieur... avez-vous quelques essais, qui puissent me faire juger de vos dispositions ?

EDMOND.

Oh ! fort peu de chose, mademoiselle.

SYDONIE prenant les dessins qu’Edmond lui présente.

Voyons... Comment ! ceci est de vous !

EDMOND.

Je ne suis pas fort avancé, comme vous le voyez.

SYDONIE, à part.

Mais au contraire, c’est très bien. Que me disait donc mon père ? Il est impossible de nier les dispositions de ce jeune homme... le renvoyer ! oh ! non, c’est un élève qui doit... qui doit nous faire trop d’honneur.

EDMOND.

Qu’en pensez-vous, mademoiselle ?

SYDONIE.

Cela n’est pas mal.

EDMOND.

Vous trouvez ?

SYDONIE.

C’est bien même, c’est très bien.

EDMOND.

Je vous remercie de votre indulgence, mademoiselle.

 

 

Scène XV 

 

SYDONIE, EDMOND, POLYCARPE, FÉLICITÉ

 

Polycarpe et Félicité sont entrés tout doucement, et regardent le tableau.

FÉLICITÉ, s’approchant d’Edmond.

Ah ! le joli tableau !

POLYCARPE.

C’est vrai, il est charmant !

SYDONIE.

Joli, charmant ! comme si vous vous y connaissiez !

FÉLICITÉ.

Tiens ! est-ce qu’il y a besoin de s’y connaître ?

POLYCARPE.

Il est certain qu’il n’y a pas besoin.

EDMOND.

Mon cher ami... mademoiselle... je vous remercie de vos éloges ; mais franchement, je suis de l’avis de mademoiselle Sydonie, je ne les ai point mérités... et d’ailleurs, qui ne serait inspiré par un semblable sujet ?

POLYCARPE.

C’est vrai, le sujet ! une femme ! son mari ! ses enfants !

FÉLICITÉ.

Ah ! oui, ils ont l’air d’être bien heureux ?

POLYCARPE.

Elle est jolie, la femme !

FÉLICITÉ.

Et le mari n’est pas trop mal !

POLYCARPE.

Ah ! je voudrais bien être à la place du mari !

FÉLICITÉ.

Et moi, je voudrais bien...

SYDONIE.

Hum !... Taisez-vous donc, mademoiselle, jamais vous n’avez su tenir un crayon, et vous voulez raisonner là-dessus. Non, ce dessin est manqué : je m’y connais peut-être, et le sujet est très mal choisi.

FÉLICITÉ.

Le sujet ! ah ! par exemple, ma chère cousine...

POLYCARPE.

Mademoiselle Sydonie, vous me permettrez de vous dire...

SYDONIE.

De quoi vous mêlez-vous ? est-ce vous qui êtes chargé de donner des leçons à monsieur ? S’il en est ainsi, je me retire, je n’ai plus rien à faire ici... sinon, laissez-moi tranquille å votre tour, et retirez-vous.

FÉLICITÉ.

Oh ! mon Dieu, quelle humeur ! on voit bien que tu es dans ton jour de migraine... c’est égal, votre tableau est bien joli, monsieur ; il est charmant.

À part.

Que d’esprit ! de talent ! ce n’est pas comme monsieur Polycarpe : il est d’une ignorance pour son âge. Il ne sait que le grec, le latin et la philosophie.

Haut.

Adieu, monsieur Edmond.

 

 

Scène XVI

 

EDMOND, SYDONIE, POLYCARPE

 

POLYCARPE, bas à Edmond.

Eh bien, as-tu parlé pour moi ?

EDMOND, bas.

Oui, tout va bien, mais va-t’en.

POLYCARPE.

Et crois-tu toujours ?...

EDMOND.

Oui, tu es aimé ; mais va-t’en.

POLYCARPE.

Je suis aimé !... et dis-moi laquelle des deux ?

Edmond lui montre Sydonie.

Bah ! vraiment ! Mais tout à l’heure, elle m’a reçu...

EDMOND.

Parce qu’elle est jalouse.

POLYCARPE.

Jalouse !

EDMOND.

Oui, elle croit que tu aimes sa cousine.

POLYCARPE.

Sa cousine ! au fait, elle a peut-être quelque raison.

EDMOND.

Va-t’en, va-t’en, je vais achever mon ouvrage.

POLYCARPE.

Ah ! mon ami !

EDMOND.

Mais va-t’en donc.

POLYCARPE.

Ne te fâches pas, je sors.

Il regarde Sydonie d’un air triomphant ; elle se retourne, il perd contenance, salue gauchement, et sort. Sydonie est restée occupée à dessiner sans faire attention à cette fin de scène. Edmond serre les dessins dans son carton, il s’approche de Sydonie qui, dans son dépit, a quitté le pupitre et est venue s’asseoir sur le devant de la scène.

EDMON.

Mademoiselle, je vous remercie des avis que vous m’avez donnés.

SYDONIE.

Monsieur...

À part.

Eh bien ! il s’en va... Non, il reste ; oh ! je me doutais bien qu’il avait quelque autre chose à me dire... Voyons-le venir.

EDMOND, revenant sur ses pas.

Mademoiselle, je ne sais si je dois ; j’hésite à vous faire un aveu qui vous déplaira sans doute.

SYDONIE.

Un aveu, monsieur.

À part.

Nous у voilà.

EDMOND.

Oui, mademoiselle, il le faut ; je connais une femme charmante, pleine d’esprit, de grâces, de talents, mais hélas ! elle est insensible, elle se rit des tourments d’un infortuné qui n’a pu voir impunément tant de charmes.

SYDONIE.

Monsieur...

EDMOND.

Et cette femme, vous la connaissez aussi, mademoiselle ; enfin, puisqu’il faut vous le dire, cette femme, c’est vous.

SYDONIE.

Moi ! qu’entends-je ?...

EDMOND.

Vous-même, mademoiselle.

SYDONIE.

Monsieur, un pareil langage ne me plaît nullement, je vous en avertis ; il me fatigue, il m’ennuie. Jamais vous ne me trouverez d’humeur à l’entendre, et je vous prie de me l’épargner à l’avenir.

EDMOND, froidement.

Oui, oui, mademoiselle, vous avez raison. Je suis tout-à fait de votre avis.

SYDONIE.

Comment ?

EDMOND.

Un homme comme celui dont je vous parle ne saurait vous convenir.

SYDONIE.

Celui dont vous me parlez ?...

EDMOND.

Oui, mon ami Polycarpe.

SYDONIE.

Ah ! c’est différent. Monsieur Polycarpe doit vous savoir gré de votre zèle...

EDMOND.

Je ne pouvais faire moins, un ancien camarade du lycée Charlemagne... Enfin, je ne puis vous fléchir en sa faveur, je dois y renoncer, n’est-il pas vrai... Ah ! je le plains !... et moi aussi je serai bientôt peut-être aussi malheureux que lui ; moi aussi, j’aime, j’adore...

SYDONIE.

Monsieur, je vous ai fait entendre que de tels discours me sont insupportables, et puisque vous l’avez oublié, je me retire.

EDMOND.

Mademoiselle vous avez tort.

SYDONIE.

Tort !

EDMOND.

Très grand tort, et votre colère est injuste.

SYDONIE, à part.

C’est un peu fort.

EDMOND.

Il est trop vrai que j’ai le malheur d’être amoureux, mais ce n’est pas de vous, mademoiselle.

SIDONIE.

Ah !... quelle impertinence !

EDMOND.

Je n’ai pas cru vous offenser en vous avouant que votre charmante cousine...

SYDONIE.

Ma cousine !... Ah ! c’est elle...

EDMOND.

Elle-même !

SYDONIE.

Comment, monsieur, c’était pour ma cousine...

À part.

Ah ! je suis d’une colère !...

EDMOND.

Je venais vous supplier d’être mon interprète auprès de monsieur votre père.

SYDONIE.

Que dites-vous ? moi, je me chargerais !... non, monsieur, non jamais... de l’amour, un mariage, non certainement, je ne veux point m’en mêler, et s’il était même en mon pouvoir de m’y opposer, je ne souffrirais pas...

EDMOND.

Mademoiselle, vous êtes mon professeur de dessin, et, même sous beaucoup d’autres rapports, je veux me faire un devoir de suivre vos conseils ; mais je me permettrai de les récuser sur un point, un seul... celui que nous venons de toucher tout à l’heure, l’amour et le mariage, vous n’y comprenez rien, mademoiselle.

SYDONIE.

Monsieur ?

EDMOND.

Vous avez trop d’esprit, trop de grâces, trop de talents, pour vous abaisser jusqu’à ces misères-là.

SYDONIE.

Monsieur, monsieur... laissez-moi, vous m’êtes insupportable.

EDMOND.

Mademoiselle...

SYDONIE.

Sortez.

EDMOND.

J’obéis...

À part.

Que je suis heureux ! elle me déteste.

Il sort.

 

 

Scène XVII

 

SYDONIE, seule

 

C’est affreux ! c’est une indignité. Il est amoureux de ma cousine... eh bien ! qu’ils s’aiment, qu’ils s’épousent, peu m’importe... Qu’ils s’épousent... oh ! non, cela ne sera pas... Après tout, Félicité est ma cousine ; je l’aime, et je ne veux pas qu’elle soit malheureuse. Ce jeune homme ne peut lui convenir, et puis... je sens que sa vue me fait mal... il faut qu’il parte... il faut... De ce pas, je vais trouver mon père, et lui dire... Ah ! les hommes, les hommes !

 

 

Scène XVIII

 

SYDONIE, FÉLICITÉ

 

FÉLICITÉ.

Ma chère amie, combien je suis heureuse.

SYDONIE.

Ah ! c’est encore vous, mademoiselle ?

FÉLICITÉ.

Je vais me marier.

SYDONIE.

Vous marier... non, non, je ne le crois pas.

FÉLICITÉ.

Hein ! qu’est-ce que vous dites, mademoiselle Sydonie ?

SYDONIE.

Rien, rien ; je m’entends.

FÉLICITÉ.

Ah !... c’est qu’il ne faut pas plaisanter avec ces choses-là, voyez-vous. Monsieur Edmond vient de me dire à l’instant, que mon oncle ne demandait pas mieux.

SYDONIE.

C’est bon, c’est bon, nous verrons.

FÉLICITÉ.

Comment ! nous verrons ? j’espère bien qu’il n’y a plus rien à voir. Je vais être appelée madame de Belval ; j’aurai un équipage, une maison et un mari.

SYDONIE.

Un mari ! non, non encore une fois, vous n’en aurez pas.

FÉLICITÉ.

Oh ! par exemple, c’est un peu fort.

 

 

Scène XIX

 

SYDONIE, FÉLICITÉ, POLYCARPE, EDMOND

 

EDMOND, bas à Polycarpe.

Allons, mon ami, cette fois le moment est venu, du courage.

POLYCARPE, bas.

Sois tranquille, après la leçon que tu m’as donnée...

Il marche d’un pas assuré vers Sydonie.

Que viens-je d’apprendre ? Est-il bien vrai ? vous m’aimez... quel bonheur !

SYDONIE.

Qu’entends-je ?

POLYCARPE tombe à ses genoux, lui baise la main et dit à part.

Ah ! j’ai osé.

SYDONIE.

Impertinent !

Elle lui donne un soufflet et sort. Edmond de son côté est rentré dans la coulisse.

 

 

Scène XX

 

FÉLICITÉ, POLYCARPE

 

Polycarpe est resté à genoux en portant la main sur la joue qui vient de recevoir un soufflet.

POLYCARPE.

Ah ! c’est fini, les femmes feront toujours le malheur de ma vie.

Le visage de Félicité qui exprimait la colère à la fin de l’avant-dernière scène, a changé peu à peu de physionomie, et lorsque Sydonie est sortie, elle part enfin d’un grand éclat de rire.

FÉLICITÉ.

Ah ! ah ! ah ! ce pauvre monsieur Polycarpe !

POLYCARPE.

C’est cela, c’est cela, moquez-vous de moi... Ah ! femmes, femmes, sexe maudit, qui fut créé par l’enfer pour me désespérer, je renonce à toi pour jamais.

FÉLICITÉ.

Et vous ferez bien.

 

 

Scène XXI

 

FÉLICITÉ, POLYCARPE, EDMOND

 

EDMOND, à Polycarpe.

Eh bien ! mon ami, j’espère que tu dois être content de moi.

Polycarpe lui tourne le dos et se promène d’un air furieux.

On dirait que tu es de mauvaise humeur, qu’as-tu ?

POLYCARPE.

Monsieur, ça ne peut pas se passer ainsi.

EDMOND.

Comment ?

POLYCARPE.

Vous m’en rendrez raison.

EDMOND.

Hein ! qu’est-ce que vous dites ?

POLYCARPE.

C’est affreux ! abominable... un ancien camarade.

EDMOND.

Mais enfin, pourrais-je savoir ?

POLYCARPE.

Ne m’aviez-vous pas dit tout à l’heure...

EDMOND.

Que tu étais aimé ; je le soutiens toujours.

FÉLICITÉ.

Aimé, lui ? par exemple !

POLYCARPE.

Si je n’avais pas la preuve du contraire.

FÉLICITÉ.

Oui, ce soufflet.

EDMOND.

Quel soufflet ? qui te l’a donné ?

POLYCARPE.

Parbleu ! qui ? mademoiselle Sydonie.

EDMOND.

Pourquoi ?

POLYCARPE.

Parce que vous m’avez conseillé de tomber à ses genoux, de lui baiser la main.

EDMOND.

La main de mademoiselle Sydonie ?

POLYCARPE.

Certainement.

EDMOND.

Adieu, Polycarpe.

POLYCARPE.

Comment, adieu ?

EDMOMD.

Oui, lorsqu’on entend dire des choses pareilles, il vaut mieux se taire et s’en aller.

Il se met à marcher d’un bout à l’autre du théâtre comme faisait Polycarpe un instant auparavant.

POLYCARPE.

Au moins m’expliqueras-tu ?

EDMOND.

À quoi bon ? tu ne veux rien comprendre...

Il s’arrête.

Je t’ai dit, moi, que tu étais aimé de mademoiselle Sydonie.

POLYCARPE.

Eh ! sans doute, de qui donc ?

EDMOND.

De qui ? de sa charmante cousine, de mademoiselle...

FÉLICITÉ.

Hein ! qu’est-ce que vous dites ?

POLYCARPE.

De mademoiselle !...

FÉLICITÉ.

De moi !

EDMOND.

De vous-même, osez dire le contraire.

FÉLICITÉ.

Certainement, je le dirai ; je ne peux pas souffrir monsieur Polycarpe.

POLYCARPE.

Eh bien ! vous l’entendez ; monsieur.

EDMOND.

Eh bien !... tu ne sais donc pas ce que veut dire ce mot-là, dans la bouche d’une femme ?

POLYCARPE.

Ma foi, il me semble...

EDMOND.

Il n’en sait rien ! suivez donc des cours de philosophie.

FÉLICITÉ.

Ah ! ça, monsieur, qu’est-ce que tout cela veut dire ? car c’est à mon tour de vous interroger : ces protestations d’amour que vous me faites depuis ce matin ?

EDMOND.

Rien de plus vrai, de plus sincère.

FÉLICITÉ.

Vous m’avez répété cent fois...

EDMOND.

Que vous étiez aimée, adorée... par mon ami Polycarpe, n’est-il pas vrai ?

POLYCARPR.

Oui, sans doute, oui, par moi.

FÉLICITÉ.

Par lui !... mais ce mariage dont vous me parliez tout à l’heure...

EDMOND.

C’était le vôtre... avec mon ami Polycarpe.

FÉLICITÉ.

Avec lui !

POLYCARPE.

Avec moi, quel bonheur !

FÉLICITÉ.

Mais, monsieur, je n’y consens pas, je n’y consentirai jamais.

EDMOND.

Eh ! mademoiselle, regardez-le, ce cher ami, prenez pitié de ses tourments et ne soyez pas inexorable... Je vous le répète, il vous aime, il vous adore.

POLYCARPE.

Certainement, mademoiselle, je vous adore ; eh ! pourquoi pas ?

EDMOND.

Si vous lui refusez votre main, son désespoir...

POLYCARPE.

Oui, si vous me refusez, je suis capable...

FÉLCITÉ, à part.

Est-il bête, ce Monsieur Polycarpe !

EDMOND.

Mon ami, mon cher ami, elle a souri ; ton bonheur est certain : viens, viens, tombe à ses pieds.

POLYCARPE, bas.

Tu crois que je puis sans danger...

EDMOND.

Oui, mon ami... Prends cette main : allons, va donc ! va donc !

Polycarpe couvrant son visage avec une de ses mains baise celle de Félicité.

Ah ! le voilà lancé, maintenant.

Bas.

Continue, je vais te souffler... Oui, mademoiselle, mon amour...

POLYCARPE.

Oui, mademoiselle, mon amour...

EDMOND.

Sera éternel.

POLYCARPE.

Sera éternel.

EDMOND, à lui-même.

Ah ! que le diable m’emporte !...

POLYCARPE, à Félicité.

Que le diable m’emporte !...

FÉLICITÉ, riant.

Ah ! ah ! ah ! est-il bête, ce pauvre Monsieur Polycarpe !

EDMOND.

Ah ! ah ! ah ! quand je te disais que tu étais aimé.

POLYCARPE, relevant.

Est-il bien vrai, mademoiselle ?

FÉLICITÉ.

Laissez-moi donc tranquille.

EDMOND.

Maintenant, parlons raison : Vous avez dix-huit ans, mon ami en a vingt-trois ; vous avez de l’esprit, il n’en manque pas...

POLYCARPE.

Ah ! laisse donc...

EDMOND.

Enfin, vous ne dépendez que de monsieur votre oncle ; j’ai son aveu, il ne manque plus que le vôtre, et vous ne le refuserez pas, n’est-il pas vrai ?

FÉLICITÉ.

Le mien ; mais, monsieur...

EDMOND.

Le modèle des amants... le voila... Un cœur tout neuf, une excellente éducation au lycée Charlemagne... et de plus, vingt mille livres de rente.

FÉLICITÉ.

Vingt mille livres de rente.

EDMOND.

Oui, mademoiselle.

FÉLICITÉ.

C’est bien joli ; et puis après tout, c’est un mari... Allons je me résigne.

POLYCARPE.

Ah ! mademoiselle, que de bonté !

Il lui baise la main. Entrée de Sydonie.

EDMOND, l’apercevant, à part.

Mademoiselle Sydonie...

Haut.

Allez, mes amis, allez trouver Monsieur de Saint-Ange, dites-lui que vous êtes d’accord tous les deux... Soyez heureux, mariez-vous.

SYDONIE, à part.

Que dit-il ?

EDMOND.

Et moi, je pars.

FÉLICITÉ.

Vous partez !

POLYCARPE.

Et pourquoi ?

EDMOND.

Vous le saurez, je vous reverrai avant mon départ. Allez.

FÉLICITÉ.

Mais enfin... Sydonie ! c’est elle, j’en suis sûre, qui en est la cause, et je vais...

EDMOND.

Non, mes amis, je veux lui parler ; laissez-moi, je vous en conjure.

FÉLICITÉ.

Allons, je me retire. Venez, Monsieur Polycarpe, venez, mon mari.

Se retournant vers Sydonie.

C’est mon mari.

Bas à Edmond.

Tâchez donc de ne pas vous en aller.

Polycarpe lui offre son bras ; elle lui fait signe de marcher devant lui.

 

 

Scène XXII

 

SYDONIE, EDMOND

 

Edmond la salue profondément et fait deux pas pour sortir.

SYDONIE.

Que viens-je d’entendre ? Ma cousine épouserait !...

EDMOND.

Mon ami Polycarpe, oui, mademoiselle.

SYDONIE.

Et vous, monsieur ?

EDMOND.

Et moi, soyez satisfaite, je pars.

SYDONIE.

Vous partez... mais monsieur ; vous n’aimez donc pas ma cousine.

EDMOND.

Quand je l’aimerais vous ne voulez pas que je l’épouse.

SYDONIE.

Je n’ai pas dit cela.

EDMOND.

Oui, mademoiselle, j’aimais, ou du moins, je croyais aimer votre jeune cousine... Dès mon arrivée en ces lieux, j’avais fixé mes yeux sur elle, pour éviter un autre lien bien plus redoutable pour moi : car, je n’aurais jamais osé, mademoiselle, élever mes regards jusqu’à vous ; vous qui avez reçu avec tant de courroux l’aveu de mon amour pour une autre...

SYDONIE.

Monsieur...

EDMOND.

Et pourtant, quand je vous aurais aimée, quand j’aurais été assez faible pour vous le dire, assez téméraire pour aspirer à votre main... quel eût été mon crime ?

SYDONIE.

Monsieur... que dites-vous ?

EDMOND.

Cette fierté, que je lis dans vos yeux, et que vous avez juré de conserver toujours, vous a-t-elle rendu bien heureuse ? non, non, j’en suis sûr, et, si un instant vous daigniez être franche avec moi, vous en conviendriez.

SYDONIE.

Il est vrai ! il est trop vrai ! jusqu’à présent, je n’ai pas été heureuse.

EDMOND.

Eh bien, jusqu’à présent, pourtant, vous avez été entourée d’hommages, de flatteries... mais il vient un temps, mademoiselle, où les adorateurs s’éloignent, où la femme même la plus vaine n’ose plus sans trembler consulter son miroir ? Alors, adieu, tous les plaisirs, tout le bonheur de l’orgueilleuse ! elle a méprisé celui qui l’aimait, et personne n’est plus là pour la consoler, pas un ami, pas même de flatteurs ?

SYDONIE.

Assez, assez, monsieur.

EDMOND.

Voilà, mademoiselle, voilà quel serait votre sort, si vous ne changiez de caractère... Ah ! que n’est-il en mon pouvoir d’opérer ce miracle ! je vous entourerais de tous les plaisirs, de tous les biens qui peuvent embellir la vie... Je n’exigerais point que ma femme n’eût pas, comme une autre, son amour propre, son orgueil... Non, non, mademoiselle, ce sont des plaisirs que je connais aussi, que je partagerais avec vous... Je suis artiste : nous travaillerons ensemble ; je serais fier de vos succès, et vous applaudiriez aux miens... enfin, nous sommes du même âge, tous les deux nous vieillirions en même temps... et, ce n’est pas vieillir. Quand les rides couvriraient votre visage, cette disgrâce, je la partagerais... Alors, que vous manquerait-il ? qu’auriez-vous à regretter ? les compliments, les éloges, les flatteurs ?... Non, vous auriez mieux auprès de vous : il vous resterait un ami.

SYDONIE, émue.

Un ami !

EDMOND.

Peut-être davantage, mademoiselle, car enfin vous pour riez voir à vos côtés et votre époux et vos enfants ; et vous le saurez un jour, je l’espère, il n’est point au monde de plaisir qui puisse égaler le bonheur d’être mère.

SYDONIE.

Oui... tout cela est vrai, tout cela est juste, je le sens, j’en suis sûre maintenant...

EDMOND.

Pardon, pardon, mademoiselle, je me suis emporté trop loin... Tout cela, je le répète, n’est qu’une supposition, un rêve qui ne se réalisera jamais, je le sais, et, pour vous épargner à l’avenir un semblable langage, adieu, mademoiselle.

SYDONIE.

Monsieur ?

EDMOND.

Quoi ! vous me rappelez !

SYDONIE.

Oui... je ne puis, je ne dois pas souffrir que, pour un mot que je n’aurais jamais dû prononcer, un ami de mon père s’éloigne, et, si vous tenez à mon estime...

EDMOND.

Eh bien, mademoiselle ?

SYDONIE.

Eh bien, monsieur, restez.

EDMOND.

Que je reste ! non, mademoiselle, non, désormais cela es impossible.

SYDONIE.

Impossible !

EDMOND.

Si je restais près de vous, je le sens au risque de vous déplaire, je ne pourrais résister à mon cœur, et ces mots que vous ne pouvez entendre sans colère, malgré moi je vous les répéterais sans cesse. Oui, Sydonie, je vous aime, je vous adore. Un mot de votre bouche me rendrait le plus heureux des hommes, mais ce mot vous ne le prononcerez pas... Adieu donc, mademoiselle, adieu pour toujours.

SYDONIE.

Monsieur, restez, je le veux ; je vous en prie.

EDMOND.

Qu’entends-je ! ainsi vous consentez.

SYDONIE.

Il le faut bien.

EDMOND.

Ah ! je suis trop heureux.

Il tombe à ses genoux.

 

 

Scène XXIII

 

TOUS LES PERSONNAGES

 

POLYCARPE et FÉLICITÉ.

Que vois-je ?

SAINT-ANGE.

Eh bien, Edmond, tu ne songes pas à t’en aller ?

EDMOND.

Non, non, mon cher beau-père.

FÉLICITÉ.

Son beau-père ?

POLYCARPE.

Hein ! qu’est-ce qu’il dit ?

EDMOND.

Oui, mon beau-père, n’est-il pas vrai, mademoiselle ?

SAINT-ANGE.

Tu ne réponds rien, Sydonie... Allons, ne baisse pas ainsi les yeux, ma fille, et ne sois pas honteuse de ton bonheur, ni de celui de ton père. Ce jour est le plus beau de ma vie.

POLYCARPE.

Et de la mienne donc... mais dis moi un peu, mon cher Edmond, comment as-tu fait pour parvenir...

EDMOND.

Oh ! quand je te conterais tout cela, tu n’y comprendrais rien...

POLYCARPE.

C’est possible.

FÉLICITÉ, à part.

Il est si bête, ce cher Polycarpe !

EDMOND.

Enfin nous voilà tous heureux... quant à moi, j’ai rempli toutes mes promesses : Sydonie, vous aviez juré de rester insensible ; moi, j’avais promis à votre père de vous rendre parjure.

SYDONIE.

Comment ! monsieur...

SAINT-ANGE.

Ah ! pardonne-lui... j’étais son complice.

SYDONIE.

C’est affreux.

EDMOND.

Toi, Polycarpe, grâce à moi, tu épouses mademoiselle, et j’espère...

POLYCARPE.

Oui, mon ami, oui, mon vieux camarade, grâce à toi, je suis au comble de mes veux. Vous aussi, n’est-ce pas, ma femme ?

FÉLICITÉ.

Oui, oui, mon mari...

À part.

Ah ! mon Dieu, qu’il est bête !

POLYCARPE.

Ah ! comme elle est aimable ! la jolie petite femme que je vais avoir !

Air : de la Dame blanche.

Ah ! quel plaisir d’être marié !
Tout le collège Charlemagne
À ma noce sera prié.

EDMOND.

Nos amis, en voyant ta compagne
Avec toi diront de moitié :
Ah ! quel plaisir qu’il soit marié !

POLYCARPE.

Ah ! quel plaisir d’être marié !

TOUS EN CHŒUR.

Ah ! quel plaisir d’être marié !

SYDONIE.

Air : du Baiser au Porteur.

Mon élève devenu mon maître,
Grâce à lui, ce cœur est changé.
J’eus trop d’orgueil, bientôt peut-être,
Ce défaut sera corrigé.
De temps en temps, pendant une heure
Mon professeur viendra m’offrir ses soins.
Pour que la leçon soit meilleure
Daignez, messieurs en être les témoins.

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