Les Marquises de la Fourchette (Eugène LABICHE - Adolphe CHOLER)

Vaudeville en un acte.

Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 31 août 1854.

 

Personnages

 

PAUL, 30 ans

SATURNIN, 45 ans

JOSEPH, garçon de restaurant

UN JEUNE HOMME

UNE DAME BLONDE

UNE DAME BRUNE

 

La scène se passe à Paris, dans un restaurant.

 

Un vestibule. Au fond, des étagères chargées de primeurs. Porte au fond, conduisant à l’extérieur. Au-dessus de cette porte, on lit : Entrée des cabinets. À gauche et à droite, des cabinets ; ceux du second plan portent les numéros 8 et 9. À gauche se trouve accrochée au mur une ardoise et, au-dessous, une petite planchette sur laquelle sont des morceaux de craie. Ouverture dans la muraille servant de porte-voix.

 

 

Scène première

 

JOSEPH, puis LE JEUNE HOMME

 

JOSEPH, seul, criant à la cantonade.

Sommelier !... deux moët frappés pour le 4... Il faut que je les inscrive...

Il s’approche de l’ardoise et marque les deux bouteilles.

Il va très bien le moët ! la consommation marche... Il n’y a que le turbot qui reste en place... et cependant... si on le laissait faire... depuis huit jours qu’il se repose... J’ai beau l’offrir, personne n’en veut... c’est ennuyeux !

Faisant la grimace.

Ça nous reviendra à la cuisine...

Air : Restez, restez, troupe jolie.

Cette perspective est acerbe,
Car je sais bien qu’avec le temps,
Ainsi que le dit le proverbe...
Petits poissons deviendront grands,
Deviendront grands avec le temps.
Mais voici ce qui m’inquiète,
Je n’entendis dire jamais :
Petits poissons que l’on achète,
Avec le temps deviendront frais.

Et moi, je suis un drôle de corps, j’aime le poisson frais.

LE JEUNE HOMME, ouvrant timidement la porte d’un cabinet au fond et passant sa tête.

Garçon ! garçon !...

JOSEPH.

Monsieur...

LE JEUNE HOMME.

Est-il venu une dame avec un chapeau rose et un voile vert demander M. X... ?

JOSEPH.

Non, monsieur !... nous n’avons pas encore aperçu cet article-là...

LE JEUNE HOMME.

C’est inconcevable !

Tirant sa montre.

Après ça, j’avance peut-être.

JOSEPH.

Qu’est-ce qu’il faut servir à Monsieur ?

LE JEUNE HOMME.

Servez-moi...

JOSEPH.

Turbot sauce aux câpres... bien frais ?

LE JEUNE HOMME.

Non... servez-moi une demi-bouteille d’eau de Seltz...

JOSEPH.

Et après ?

LE JEUNE HOMME.

Je sonnerai !

Il rentre.

JOSEPH.

En voilà une pratique !

 

 

Scène II

 

JOSEPH, PAUL et UNE DAME voilée

 

Paul entre avec un cache-nez montant jusqu’aux yeux et son chapeau rabattu. Il a l’air inquiet et donne le bras à une dame voilée.

PAUL.

Garçon !

JOSEPH.

Monsieur ?

PAUL.

Avez-vous un cabinet tout de suite ?

JOSEPH.

Le 8 est libre... mais il ne donne pas sur la rue... Si Madame voulait attendre un instant ?...

PAUL.

Attendre ! je n’attends pas ! je n’attends jamais !... où est-il ton 8 ?

JOSEPH.

Voilà... monsieur, voilà.

Ouvrant la porte du cabinet.

Si Madame veut prendre la peine d’entrer ?

Il entre dans le cabinet.

LA DAME, au moment d’entrer.

Ah ! mon ami ! Paul !

PAUL.

Ne me nommez donc pas !... Quoi ? quoi encore ?...

LA DAME.

J’ai oublié mon ombrelle dans la voiture...

PAUL.

C’est bien... j’y vais... Mais entrez !... si on me voyait ici...

LA DAME.

Eh bien ?

PAUL.

Ça pourrait me compromettre.

À part.

Elle ne comprend rien.

Haut, la faisant entrer dans le cabinet numéro 8.

Allez ! allez !

 

 

Scène III

 

PAUL, puis JOSEPH

 

PAUL, seul ; il ôte son cache-nez.

Sapristi !... j’ai chaud ! parole d’honneur, c’est la dernière fois que ça m’arrive !... c’est trop compromettant !... Avec celle-là surtout !... elle a la rage de mettre la tête à la portière pour faire voir qu’elle va en voiture... Il y a des femmes qui sont comme les bracelets perdus : elles aiment à s’afficher ! et moi ça ne me va pas... dans ma position... un rentier qui va se marier dans quinze jours avec la fille d’un de nos médecins les plus... dangereux ! il m’a avoué qu’il ne soignait jamais sa famille... Alors je lui ai demandé la main de sa fille ! C’est pourtant en composant ma corbeille de mariage que j’ai découvert ce charmant échantillon de fleuriste... C’est très dangereux pour un jeune homme de composer sa corbeille... La semaine dernière, j’ai failli sombrer dans un magasin de modes !... mais maintenant c’est fini... je n’ai plus à voir que les ébénistes !... C’est égal... j’ai des remords... c’est mal ce que je fais là... Après ça, on ne le saura pas... alors ce n’est pas mal... et puis c’est la dernière fois.

JOSEPH, sortant du cabinet avec le châle et le chapeau, à la cantonade.

Oui, madame, tout de suite !

À Paul.

Monsieur, cette dame vous attend...

PAUL.

J’y vais... Le temps de payer le cocher et de délivrer l’ombrelle.

JOSEPH.

Si Monsieur veut faire sa carte, cette dame a très faim...

PAUL.

J’ai toujours remarqué que les fleuristes jouissaient d’un violent appétit... Heureuse organisation pour les restaurateurs...

JOSEPH.

Monsieur, le turbot est très frais...

PAUL.

Vraiment ! et le saumon ?...

JOSEPH.

Le saumon est bon... mais je ne le garantirais pas autant.

PAUL.

Très bien ! tu me serviras du saumon ! plus quatre douzaines d’Ostende !

Il sort.

 

 

Scène IV

 

JOSEPH, puis SATURNIN et UNE DAME voilée

 

JOSEPH, seul.

Mâtin !... il a le fil, celui-là !

Criant dans le porte-voix qui est dans la muraille.

Quatre douzaines d’Ostende ! quatre...

Indiquant le numéro 8.

Ça doit être une première... à la seconde, l’huître ordinaire, et à la troisième... des moules, je connais ça !

Saturnin entre vivement, donnant le bras à une dame voilée. Il porte une perruque et des lunettes vertes.

SATURNIN, à la dame.

Vite ! dépêchons-nous ! dépêchons-nous !

Haut.

Garçon ! un cabinet pour moi et ma nièce.

LA DAME.

Mais, monsieur...

SATURNIN, bas.

Laissez... je sauve les apparences.

JOSEPH.

Si vous voulez attendre cinq minutes, je pourrais vous en offrir un avec deux fenêtres sur la rue... bien en vue !

SATURNIN.

Bien en vue !... je n’en veux pas !... Vous n’auriez pas quelque chose de sombre, de noir ?...

LA DAME.

Par exemple !

SATURNIN.

C’est plus gai !

JOSEPH.

Le numéro 9 fera votre affaire... il n’y a pas de fenêtre... on ne respire que par la serrure...

SATURNIN.

Voilà juste ce qu’il me faut.

À la dame.

Entrez, ma nièce.

LA DAME.

Mais je ne suis pas...

SATURNIN, la faisant entrer.

Je sauve toujours les apparences !

La dame entre dans le cabinet numéro 9 ; Joseph la suit avec deux bougies allumées.

 

 

Scène V

 

SATURNIN, puis JOSEPH

 

SATURNIN, seul.

Plus personne !

Il ôte ses lunettes et sa perruque, son front est chauve.

Ma parole d’honneur, c’est la première fois que ça m’arrive, aussi je suis très ému ! Dire que me voilà chez un restaurateur... avec une jeune dame... qui n’est pas ma nièce... c’est une petite teinturière à laquelle j’ai donné ma pratique... Depuis deux mois, je lui fais teindre et reteindre tous mes gilets.

En soupirant et montrant son gilet.

Eh bien, malgré tous ces sacrifices... elle a refusé de couronner mes feux... mais j’espère bien qu’avant peu... Eh bien, non, je n’en suis pas sûr !... l’image de ma femme... je suis marié... on n’est pas parfait... son image est toujours devant moi... majestueuse, avec ses yeux gris et son teint légèrement couperosé... Alors je tremble, je rentre en terre... car ma conduite est bien vile, bien basse, bien...

Changeant de ton.

Voyons... qu’est-ce que nous allons manger ?

JOSEPH, sortant du numéro 9 avec la chapeau et le châle.

Monsieur a-t-il fait sa carte ?

SATURNIN.

Non.

JOSEPH, indiquant la table.

Voici du papier, une plume...

SATURNIN, s’asseyant à table.

Voyons.

JOSEPH.

Monsieur, le turbot est très frais.

SATURNIN.

J’aimerais mieux de l’anguille.

JOSEPH.

Je ne suis pas aussi sûr de l’anguille... et, s’il m’était permis de conseiller Monsieur...

SATURNIN, écrivant.

Allons, va pour le turbot !...

JOSEPH, emportant les deux chapeaux et les deux châles.

Ça... c’est un homme de la campagne.

Il entre à droite servir l’eau de Seltz au jeune homme.

L’eau de Seltz demandée.

 

 

Scène VI

 

SATURNIN, PAUL, puis JOSEPH

 

SATURNIN, lisant la carte.

« Potages à la Chantilly... à la Condé. »

Parlé.

J’ai envie de prendre un consommé aux choux.

Il se remet à lire.

PAUL, entrant avec une ombrelle ouverte.

Voici l’ombrelle !... il pleut... ça m’a servi.

Il secoue l’ombrelle et la plie.

Il s’agit maintenant de rédiger le menu... quelque chose de simple et de savant.

Il s’assied à la table où est Saturnin, qui lui tourne le dos et compulse toujours la carte. Paul prend une plume et réfléchit.

SATURNIN, lisant.

« Rôts : pluviers, guignards, vanneaux, becfigues... » J’ai envie de prendre un bifteck aux pommes.

PAUL, écrivant.

« Potage à la bisque. »

SATURNIN, de même.

« Consommé aux choux. »

PAUL, de même.

« Étuvée de cailles à la milanaise. »

SATURNIN, de même.

« Bifteck aux pommes. »

Les deux plumes se rencontrent sur le bord de l’encrier.

PAUL.

Après vous, monsieur.

SATURNIN.

Je n’en ferai rien.

PAUL, le regardant.

Ah !... mais !... sac à papier !

Il se lève.

SATURNIN.

Nom d’un petit bonhomme !

Il se lève.

PAUL.

Mon beau-père !...

SATURNIN.

Mon gendre !...

PAUL, à part.

Collé !

SATURNIN, de même.

Pincé !

PAUL, se remettant.

Ah ! voilà ce que j’appelle une heureuse surprise, par exemple !...

SATURNIN.

Oui !... oui !... oui ! bien heureuse !

À part.

Qu’est-ce que je vais lui dire ?

PAUL, lui serrant la main.

Ce cher beau-père !

SATURNIN, de même.

Bon gendre !

PAUL, à part.

Je voudrais être à Gallipoli !...

SATURNIN.

Comme ça, vous voilà ici ?...

PAUL.

Moi ?... non !... c’est-à-dire... Et Madame ?... comment va-t-elle ?...

SATURNIN, pataugeant.

Comme vous voyez... je suis un peu enrhumé...

PAUL.

Allons, tant mieux ! tant mieux !

SATURNIN.

Merci ! merci bien !

Apercevant l’ombrelle que Paul a mise sous son bras.

Qu’est-ce que vous tenez là ? une ombrelle !

PAUL, à part.

Bigre !

Haut.

Tiens ! c’est vrai... qu’est-ce qui m’a mis ça sous le bras ?... elle est à vous.

Il la lui met sous le bras.

SATURNIN, la lui rendant.

À moi ? pas du tout.

PAUL, à part, cassant l’ombrelle en deux et mettant les morceaux dans sa poche.

Que le diable t’emporte !

Haut à Saturnin.

Je la rendrai au garçon !

SATURNIN, à part, effrayé.

Je crois qu’on a remué au numéro 9.

PAUL, regardant le numéro 8.

Pourvu que la fleuriste ne vienne pas s’épanouir ici !... j’ai envie de filer !...

Haut.

Est-ce que vous dînez ici, beau-père ?

SATURNIN.

Moi ? par exemple !... en cabinet particulier !...

PAUL.

C’est comme moi... fi donc !

SATURNIN.

Je suis entré... comme ça... pour entrer... Tenez ! j’écrivais une ordonnance.

Il froisse sa carte.

PAUL.

Moi aussi !...

SATURNIN.

Vous écriviez des ordonnances ?

PAUL.

Non... je rédigeais un repas de corps... pour une société philanthropique... dont je suis le président...

Lui montrant sa carte.

Voyez ! potage à la bisque.

SATURNIN.

Pour deux...

PAUL.

Oui... nous ne sommes que deux : le président et le vice-président... mais c’est une société qui a beaucoup d’avenir.

SATURNIN.

Quel est son but ?

PAUL.

Son but ?

À part.

Diable !...

Haut.

Nous avons entrepris de donner des pantalons aux jeunes sauvages de l’Océanie...

SATURNIN, à part.

J’ai encore entendu remuer au numéro 9.

PAUL.

Ces peuplades en manquent... et nous avons pensé qu’il était moral et hygiénique...

SATURNIN, inquiet.

Oui, c’est une grande idée... je vous en donnerai... trois, quand je les aurai fait teindre.

PAUL.

Ce cher beau-père !

SATURNIN.

Bon gendre !... Partons-nous ?... De quel côté allez-vous ?

PAUL, hésitant.

Mais... et vous ?

SATURNIN.

À l’Observatoire, voir un malade.

PAUL.

Moi, au bois de Boulogne... nous ferons route ensemble.

Ils remontent.

JOSEPH, entrant.

Ces messieurs ont-ils fait leurs cartes ?

SATURNIN, embarrassé.

Hein ? quelle carte ?

PAUL, avec dignité.

Garçon... vous êtes un insolent !

SATURNIN, de même.

Garçon... vous êtes un insolent !

Ils sortent.

 

 

Scène VII

 

JOSEPH, seul, puis LE JEUNE HOMME

 

JOSEPH, étonné.

Qu’est-ce qu’ils ont ? ils s’en vont !... Ah ! mais... ils oublient quelque chose... les deux dames !

Courant à la porte du fond.

Messieurs !

LE JEUNE HOMME, entr’ouvrant son cabinet.

Garçon !... garçon !...

JOSEPH.

Monsieur ?

LE JEUNE HOMME.

Est-il venu une dame avec un chapeau rose et un voile vert demander M. X... ?

JOSEPH.

Pas encore.

LE JEUNE HOMME.

C’est inconcevable.

Tirant sa montre.

Je vais pourtant comme la Bourse... Garçon !...

JOSEPH.

Monsieur ?

LE JEUNE HOMME.

Servez-moi une demi-bouteille d’eau de Seltz.

Il rentre.

JOSEPH, seul.

Encore !... il aurait mieux fait d’en demander une bouteille tout de suite... Je crois que c’est un petit jeune homme qu’on fait poser... Du reste, il n’est pas le seul... Et ces deux dames, elles doivent s’ennuyer à croquer le marmot... elles ne croquent même que ça !... Ça m’intrigue !...

S’approchant de la porte numéro 8.

Voyons donc ce que fait la petite blonde.

Il regarde par le trou de la serrure.

Elle lit la carte avec des yeux qui ont trente-deux dents !

 

 

Scène VIII

 

JOSEPH, PAUL

 

PAUL, entrant.

Ça y est !... j’ai mis le beau-père en omnibus !

JOSEPH, regardant toujours à la serrure.

Pauvre fille ! elle me fait de la peine !

PAUL, l’apercevant.

Hein !

Il lui lance un coup de pied.

JOSEPH, se retournant avec aplomb.

Monsieur a sonné ?

PAUL.

Vite ! une plume, du papier, que je refasse ma carte.

JOSEPH.

Voilà ! voilà !

PAUL, à la porte du numéro 8.

Pour te consoler, tu auras du champagne.

Il écrit.

JOSEPH, à part.

Voyons donc la brune maintenant.

Il s’approche du cabinet numéro 9.

 

 

Scène IX

 

PAUL, JOSEPH, SATURNIN

 

SATURNIN, sans voir Paul.

J’ai lâché l’omnibus au coin de la rue Montmartre.

Il ôte sa perruque et ses lunettes.

JOSEPH, regardant par la serrure numéro 9.

Tiens !... elle fume !

SATURNIN, apercevant Joseph.

Ah ! par exemple !

Il lui lance un coup de pied.

JOSEPH, se retournant avec aplomb.

Boum !... voilà, monsieur.

Il disparaît.

SATURNIN, se fouillant.

Allons bon ! j’ai perdu ma carte... il faut que je la refasse.

Il s’assoit à la même table que Paul.

PAUL, écrivant.

« Potage à la bisque. »

SATURNIN, écrivant.

« Consommé aux choux. »

PAUL.

« Étuvée de cailles à la milanaise. »

SATURNIN.

« Bifteck aux pommes. »

Les deux plumes se rencontrent dans l’encrier. Reconnaissant son gendre.

Ah !

PAUL.

Oh !

SATURNIN.

Mon gendre !

PAUL.

Mon beau-père !... Ah çà ! et votre malade de l’Observatoire ?...

SATURNIN, balbutiant.

Il va bien... on m’a annoncé qu’il était mort... alors je lui ai fait des cataplasmes...

À part.

Que c’est donc bête de trembler comme ça !

PAUL, à part.

C’est drôle... si je ne connaissais pas le beau-père, je croirais qu’il a une intrigue...

SATURNIN, à part.

Comme il me regarde !... Serait-il revenu pour m’épier ?

Haut.

Je vous croyais au bois de Boulogne ?

PAUL.

Non... je me suis dit : « On l’arrange... je verrai ça quand tout sera fini... » Et je suis revenu.

SATURNIN.

Pour dîner ?

PAUL.

Et vous ?

SATURNIN.

Moi aussi.

PAUL, à part.

Bien ! ça va être gentil !... pourvu qu’il ne m’invite pas !

SATURNIN, d’un air aimable.

Mon gendre...

PAUL, à part.

V’lan ! ça y est !

SATURNIN.

Bon appétit, mon gendre.

Il remonte.

PAUL, étonné.

Tiens, vous descendez ?

SATURNIN.

Oui, je dîne en bas.

PAUL.

Et moi, en haut.

Le saluant.

Beau-père...

SATURNIN, de même.

Mon gendre...

JOSEPH, entrant avec une pile d’assiettes.

Ces messieurs dînent-ils ensemble ?

PAUL, hésitant.

Mais...

SATURNIN.

C’est-à-dire...

JOSEPH.

Très bien ! je vais mettre le couvert.

PAUL, à part.

Voilà ! ça se développe !

Bas à Joseph.

Imbécile !

SATURNIN, de même.

Animal !

JOSEPH, étonné.

Qu’est-ce que j’ai fait ?...

PAUL, à Saturnin.

Que ce garçon a donc une heureuse inspiration !... Je n’y pensais pas...

SATURNIN.

Moi non plus !... Après ça, on ne pense pas à tout.

JOSEPH.

Je vais mettre le couvert au numéro 8.

PAUL, bondissant.

Non !... pas au numéro 8 !

JOSEPH.

Au numéro 9.

SATURNIN.

Non !... pas au numéro 9.

JOSEPH.

Où ça ?

PAUL.

Mais, dame...

SATURNIN.

Ici...

PAUL.

Oui, c’est une antichambre ; on voit tout le monde.

SATURNIN.

Et tout le monde vous voit.

PAUL.

C’est extrêmement commode.

JOSEPH.

Dans cinq minutes, vous serez servis.

À part.

Quelle drôle d’idée !

Il prend la corbeille.

Ils prennent deux cabines, et ils dînent dans le couloir.

Il disparaît.

 

 

Scène X

 

PAUL, SATURNIN

 

PAUL, à part.

Ça commence à ne pas être drôle !

SATURNIN, à part.

J’aurais mieux fait de rester dans l’omnibus !

Haut.

Que je suis donc content de vous avoir rencontré !

PAUL.

Et moi donc !... j’allais dîner seul... c’est triste... et je me disais : « Mon Dieu ! oh ! mon Dieu ! si je pouvais rencontrer mon beau-père ! »

SATURNIN.

Et moi, je me disais : « Fasse le ciel ! fasse le ciel que je rencontre mon gendre, ce cher ami ! »

PAUL.

Si vous saviez le plaisir que vous me faites !

Ils se serrent la main. La sonnette du cabinet numéro 8 s’agite. À part.

Bien, voilà que ça commence !

SATURNIN.

C’est au numéro 8...

La sonnette du cabinet numéro 9 s’agite.

PAUL.

Non, c’est au numéro 9.

SATURNIN, à part.

Mazette !

Haut.

Ce sont des gens qui sonnent.

PAUL.

Probablement.

SATURNIN, pataugeant.

Chez les restaurateurs, quand on veut appeler le garçon on sonne.

PAUL.

On voit que vous avez l’habitude...

SATURNIN.

C’est la première fois.

PAUL.

Moi, la dernière...

La sonnette du numéro 8 recommence à sonner. À part.

Elle est enragée ! elle ne va pas finir !

Il monte au fond vers l’étagère.

Ah ! que voilà un beau melon !

SATURNIN.

Merci ! ça me dérange, quand je n’y mets pas de sucre...

Les deux sonnettes tintent avec violence.

PAUL, à part.

La crise approche.

SATURNIN, à part.

Je suis en eau.

PAUL, criant pour couvrir le bruit des sonnettes.

Beau-père, avez-vous lu la Patrie ?

SATURNIN, criant aussi.

Non, mon gendre, non, mon gendre.

PAUL.

Figurez-vous qu’il y a un couvreur qui est tombé du septième étage.

Apercevant la porte du numéro 8 qui s’entr’ouvre.

Fichtre !

SATURNIN.

Hein ?

Il se retourne vers le numéro 9 dont la porte s’entr’ouvre également.

Oh !

Tous deux courent vers la porte de leur cabinet et la maintiennent fermée avec leur dos.

Et s’est-il fait mal ?

PAUL, repoussant avec son dos la porte qui veut s’ouvrir.

Qui ça ? qui ça ?

SATURNIN, faisant des efforts inouïs pour maintenir sa porte.

Le couvreur qui est tombé... qu’est-ce qu’il s’est cassé ?

PAUL.

Rien !... Ah ! si... son sous-pied.

À part, repoussant la porte.

Ah çà ! mais c’est un hercule que j’ai invité à dîner !

 

 

Scène XI

 

PAUL, SATURNIN, JOSEPH

 

JOSEPH, apportant une table servie, un grand plateau et quatre couverts.

Ces messieurs sont servis.

PAUL, à part.

Sac à papier ! impossible de me décoller de là !

SATURNIN, à part.

Quelle position !

PAUL, à part.

Je voudrais avoir, un sac de plâtre pour murer la porte.

JOSEPH, les regardant.

Qu’est-ce qu’ils font donc là ?

Haut.

Si ces messieurs veulent prendre place ?

PAUL, se collant contre la porte.

Certainement... certainement...

SATURNIN.

Tout de suite... tout de suite... Allons, mon gendre !

PAUL.

Après vous, beau-père.

SATURNIN.

Pas de façons !

PAUL.

Je vous en prie...

À part.

Oh ! quelle idée !

Il retourne la clef et la met dans sa poche.

SATURNIN, même jeu.

Je la verrouille.

PAUL, à part, s’approchant de la table.

C’est égal ! en voilà une qui n’a pas d’agrément.

JOSEPH.

J’ai mis quatre couverts.

PAUL.

Pourquoi quatre couverts ? nous ne sommes que deux.

SATURNIN.

Un... et deux !

PAUL.

Deux et un !

JOSEPH.

Mais je croyais...

PAUL.

Assez ! Mon Dieu, que ce garçon-là sert mal !

Joseph enlève deux couverts.

SATURNIN, tristement.

Allons, prenons place !

PAUL, à part.

On appelle ça une partie fine !

SATURNIN, à part.

Je m’attends à un grand scandale !

PAUL.

Souhaitez-vous un peu de ce potage ?

SATURNIN, très inquiet.

Merci ! j’ai beaucoup mangé... mais vous ?

PAUL.

Je ne suis pas en train... Garçon, enlevez le potage !

À part.

Je vais te faire dîner au galop !

SATURNIN.

Un morceau de turbot ?

PAUL.

Merci !... Jamais de turbot !

SATURNIN.

Moi non plus !

PAUL.

Garçon ! enlevez le turbot !

JOSEPH, enlevant le turbot et détournant la tête, à part.

Il n’a pas de chance, le turbot.

PAUL, à part.

Jusqu’à présent, ça va.

SATURNIN.

On est très bien ici...

PAUL.

Oui, la cuisine est bonne !

On entend donner des coups de pied dans les portes des cabinets 8 et 9. À part.

Allons, bon je commençais à l’oublier.

SATURNIN, à part.

J’ai envie de casser une assiette, ça couvrira le bruit.

JOSEPH.

Dites donc, entendez-vous ?

PAUL.

Ce sont les maçons !

SATURNIN.

Je prenais ça pour un orgue de Barbarie.

JOSEPH, apportant un plat.

Étuvée de cailles à la milanaise.

PAUL, à part.

Elle a peut-être faim !

SATURNIN, à part.

Je vais lui envoyer quelque chose.

Il pose la main sur le plat. Paul pique la caille avec sa fourchette et la met dans son assiette. Saturnin reste avec le plat vide dans les mains. À part, montrant le plat.

Chou blanc !

PAUL, posant son assiette avec la caille à terre près de lui.

Là ! voilà son petit tas.

Il y ajoute un énorme morceau de pain.

SATURNIN, mettant quelques radis sur son assiette qu’il pose également à terre.

Je ne sais pas si elle aime les radis !

PAUL.

Et à boire ?

Les mains de Paul et de Saturnin se rencontrent sur la bouteille. Vivement.

Permettez-moi de vous offrir.

SATURNIN.

Non, je vous en prie.

PAUL.

Si.

Il verse très peu de vin à Saturnin et garde la bouteille.

Assez.

SATURNIN, à part.

Encore chou blanc.

Paul prend la carafe et remplit la bouteille avec de l’eau en se cachant.

PAUL.

Beau-père, avez-vous lu la Patrie ?

SATURNIN.

Oui, celle du soir.

À part, montrant son verre.

Je ne peux pas lui envoyer ça... Ah !

Il prend la carafe que Paul vient de reposer et y verse le vin qui est dans son verre. À part, regardant la couleur de son mélange.

C’est pelure d’oignon... Elle prendra peut-être ça pour du vin.

Il pose la carafe à terre près des radis.

Du beurre ! je vais lui faire une tartine.

Il coupe un long morceau de pain et fait sa tartine.

PAUL, bas au garçon, en lui montrant ce qu’il a mis à terre.

Porte ça au numéro 8.

Lui donnant la clef.

Tu fermeras et tu me rapporteras la clef.

Joseph va au numéro 8.

SATURNIN, finissant sa tartine.

Là !... avec un peu de sel... Ah ! sapristi !... j’ai mis du poivre ! je vais remettre du beurre par-dessus.

Il remet du beurre.

JOSEPH, revenant, bas à Paul.

Monsieur, elle est furieuse !

PAUL, à part.

Je n’ai pas mis assez d’eau dans son vin, c’est une bêtise !

SATURNIN, bas à Joseph.

Voilà quarante sous ! porte ça au numéro 9, tu me rapporteras la clef !

JOSEPH, entrant au numéro 9.

Sont-y drôles !... sont-y drôles !

PAUL.

Quel charmant dîner !

SATURNIN.

Délicieux !... entre parents, quand on s’aime !

À part.

Pourvu qu’elle aime le beurre avec du poivre.

On entend un grand bruit dans le cabinet numéro 9 ; Joseph en sort, en ferme vivement la porte et s’essuie la figure.

JOSEPH.

Ah ! que c’est bête !

PAUL.

Qu’est-ce que c’est !

SATURNIN, effrayé.

Ce sont les maçons !

On crie au numéro 8 : « Garçon ! garçon ! »

PAUL, à part.

La voilà qui demande son café !

Il se lève.

JOSEPH, bas à Saturnin.

Elle m’a tout flanqué à la figure... Voici votre clef... mais si vous n’y allez pas, elle menace de tout casser et d’enfoncer la porte !

SATURNIN, à part.

Enfoncer la porte !... devant mon gendre !...

JOSEPH, bas à Paul.

Voilà votre clef.

SATURNIN.

Il n’y a plus qu’un moyen de me sauver... c’est de filer !

Haut à Joseph.

Tu dis qu’on me demande ?

PAUL.

Oui, je l’ai entendu.

JOSEPH.

Moi, je n’ai pas parlé de ça !

SATURNIN, bas.

Tais-toi donc !

À part.

Mon gendre, excusez-moi, ce garçon m’annonce qu’une dame, très malade, me demande tout de suite.

PAUL, à part.

Il va partir.

Haut.

Comment donc !... ne vous gênez pas, beau-père !

SATURNIN.

Quant à moi, je n’oublierai jamais ce charmant dîner.

PAUL.

Mon ambition serait de le renouveler souvent.

SATURNIN.

Adieu !

À part, en sortant.

Ah ! je prendrais bien un bouillon avec une croûte !

Il prend un morceau de pain sur la table, et sort suivi de Joseph.

 

 

Scène XII

 

PAUL, seul, puis UNE VOIX dans le cabinet numéro 8

 

PAUL.

Enfin, je respire !... il est parti... mais il peut revenir... Le mieux est de filer...

S’arrêtant.

Sapristi ! que j’ai faim ! ah ! le vilain dîner !

UNE VOIX, dans le cabinet numéro 8.

Paul ! Paul !

PAUL.

Tiens, je l’oubliais.

Criant à travers la porte.

Ne vous impatientez pas, je vais chercher un fiacre pour vous mener dîner à Asnières.

LA VOIX.

Ouvrez-moi !

PAUL.

Nous mangerons de la friture, et nous nous promènerons sur l’eau avec des guitares.

LA VOIX.

Vous êtes un monstre !

PAUL.

À toi pour la vie !

À part.

Je lui dis ça pour la calmer.

Très haut, en sortant.

À toi pour la vie !

Il disparaît vivement.

 

 

Scène XIII

 

LE JEUNE HOMME, ouvrant la porte timidement

 

Garçon ! il n’est pas venu une dame avec un chapeau ?... Oh ! du monde !

Il entre vivement dans son cabinet.

 

 

Scène XIV

 

SATURNIN, puis LA VOIX du numéro 8

 

SATURNIN, entrant mystérieusement.

C’est encore moi !... mon gendre n’est plus là...

Il ôte sa perruque et ses lunettes.

Je me suis aperçu à cinquante pas d’ici que j’avais emporté la clef du numéro 9... et cette malheureuse qui est là, avec une simple tartine... et une carafe d’eau pelure d’oignon !

LA VOIX du numéro 8.

C’est impatientant à la fin !

Frappant.

Paul ! Paul !

SATURNIN.

Paul !... le nom de mon gendre !

Il s’approche du numéro 8.

LA VOIX.

Je vous entends bien, allez ! Paul, est-ce vous ?

SATURNIN, avec explosion.

Une voix de femme !

Contrefaisant sa voix.

Oui, chère amie, c’est moi !

LA VOIX.

Quand on aime une femme, ce n’est pas comme ça qu’on dîne avec elle ! Ah ! vous ne m’aimez plus !...

SATURNIN.

Il l’a donc aimée !... Ah ! le polisson !... un rendez-vous en cabinet... à la veille de se marier !... mais ça ne va pas se passer comme cela !... nous allons voir !

Trouvant un morceau de craie sous l’ardoise.

Juste ! voilà mon affaire ! Ah ! c’est là ton cabinet ? je vais y déposer ma carte !

Il écrit sur la porte du cabinet.

« Vous n’aurez pas ma fille... »

S’éloignant.

Voilà !

Revenant.

Non ! ce n’est pas tout !... point d’exclamation !

Il le pose.

Maintenant, délivrons cette enfant...

Tout en se dirigeant vers le numéro 9.

En cabinet particulier !... ah ! le polisson, ah !... ah !... le drôle !

 

 

Scène XV

 

PAUL, SATURNIN

 

PAUL, entrant vivement sans voir Saturnin ; il tient une clef à la main.

Le fiacre est en bas ! ouvrons la cage.

Il se dirige vers le numéro 8 et fourre la clef dans la serrure. Saturnin en fait autant.

Eh bien ! eh bien !... ça ne va pas...

SATURNIN, soufflant dans sa clef.

Il y a quelque chose dedans !

PAUL, examinant sa clef.

Allons bon !... numéro 9... sac à papier ! le garçon s’est trompé !

SATURNIN, essayant d’ouvrir.

Ne vous impatientez pas, mon petit chat, c’est un rat !

PAUL, se retournant.

Hein ? mon beau-père qui cause avec un petit chat !... eh bien, je m’en doutais...

Toussant très fortement.

Hum !...

SATURNIN, se retournant effrayé.

Qui va là ?

PAUL, d’une petite voix.

Bonjour, beau-père !... bonjour, beau-père !...

SATURNIN, à part.

Il ne m’a pas vu !...

Haut.

Votre beau-père ! je ne le suis plus, monsieur !

PAUL.

Ah bah !

SATURNIN.

Lisez !...

PAUL.

Quoi ?...

Lisant.

« Vous n’aurez pas ma fille... »

SATURNIN.

Point d’exclamation !...

PAUL.

C’est moulé !

SATURNIN.

Telle est ma volonté immuable !

PAUL.

Ah ! ce n’est pas gentil.

Lui prenant la craie des mains.

Vous permettez ?

Il traverse et va à la porte du numéro 9.

SATURNIN, à part, intrigué.

Que va-t-il faire ?

PAUL, écrivant sur la porte numéro 9.

« Je le dirai à votre femme ! »

SATURNIN.

Monsieur !...

PAUL.

Point d’exclamation !

SATURNIN.

Mais...

PAUL, il le pose.

Telle est ma volonté immuable !

SATURNIN.

À ma femme ? Quoi ? Vous croyez me faire peur ! mais je suis sans tache, moi, monsieur.

PAUL, indiquant le numéro 9.

Quel est le petit chat que vous avez mis là-dedans ?

SATURNIN.

Personne ! je ne le connais pas !

PAUL.

Parbleu ! nous allons voir ça, puisque j’ai la clef...

SATURNIN.

Hein ! Comment ?

PAUL, montrant sa clef.

Numéro 9... vous avez le 8... c’est un chassé-croisé !

Il se dirige vers le numéro 9.

Voyons le chat !...

SATURNIN.

Un instant.

PAUL.

Plaît-il ?

SATURNIN.

Un instant !...

Saturnin prend une serviette et va tout doucement effacer ce qu’il a écrit.

PAUL, prenant aussi une serviette et effaçant.

Écrire sur les murs, c’est excessivement commun.

SATURNIN, à part.

Il est intelligent ! j’aurai un gendre intelligent !

PAUL, revenant à Saturnin et confidentiellement.

Dis donc, Saturnin ?

SATURNIN.

Quoi, Paul ?

PAUL.

Est-elle gentille, la tienne ?

SATURNIN, avec dignité.

C’est mon notaire, monsieur !

PAUL.

Et moi, mon avoué.

 

 

Scène XVI

 

PAUL, SATURNIN, JOSEPH

 

JOSEPH, entrant avec un châle à chaque bras et un chapeau de femme sur chaque poing.

Voilà les châles et les chapeaux de ces dames !

SATURNIN, à part.

Aie ! maladroit !

PAUL.

Fichtre ! elle se met bien, votre notaire !

SATURNIN.

Mais... comme mademoiselle votre avoué !

Ils se mettent dos à dos et éclatent de rire. Sérieusement.

Au moins vous me jurez de lui retirer votre clientèle... à votre avoué !...

PAUL, gravement.

Ah ! beau-père !... je ne suis pas processif !... Saturnin ?

SATURNIN.

Paul ?

PAUL.

Je ne sais pas si vous êtes comme moi, mais le dîner que nous venons de faire m’a creusé !...

SATURNIN.

Si nous recommencions ; mais seuls ! seuls !

PAUL.

Que penseriez-vous d’un petit perdreau truffé ?

SATURNIN.

Je pense qu’il en faudrait deux.

PAUL.

Garçon, un cabinet ! et, en attendant, un verre de madère.

JOSEPH.

Oui, monsieur ; mais si ces dames demandent quelque chose ?...

PAUL, rendant les clefs.

Tu leur donneras la liberté... ce bienfait des dieux.

JOSEPH.

Et si elles ont faim ?

PAUL.

Ah ! c’est juste !

À Saturnin.

Qu’est-ce qu’elle aime, votre marquise de la fourchette ?

SATURNIN.

Mais, dame ! un petit peu les sucreries !

PAUL.

Très bien.

À Joseph.

Bœuf aux choux pour deux !

SATURNIN.

À table ! mon gendre !

PAUL.

À table ! beau-père !

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