Ballet de la Jeunesse (DANCOURT)

Divertissement en trois actes et un prologue, mêlé de comédie et de musique.

Musique de Michel-Richard de Lalande.

Représenté pour la première fois, à Versailles, sur le Théâtre du Château de Versailles, le 28 janvier 1686.

 

Personnages du Prologue

 

PALÉS, Déesse des Bergers

SIX BERGERS qui chantent

QUATRE BERGERS qui chantent séparément

MERCURE

NEUFS BERGER qui chantent dans les Chœurs aux deux côtés du Théâtre

VINGT-HUIT AUTRES BERGERS qui chantent sans les Chœurs sur deux balcons

LA JEUNESSE

SUITE de la Jeunesse

L’AMOUR

SUITE de l’Amour

 

Personnages de l’Acte I

 

PHILIS

TIRCIS

QUATRE HOMMES PANTOMOMES qui dansent

DEUX FEMMES PANTOMIMES qui dansent

 

Personnages de l’Acte II

 

CINQ FEMMES MAURES qui dansent

SIX HOMMES MAURES qui dansent

QUATRE MAURES qui chantent séparément

UNE FEMME MAURE qui chante seule

CINQ FEMMES MAURES qui chantent dans les Chœurs

DOUZE HOMMES MAURES qui chantent dans les Chœurs

 

Personnages de l’Acte III

 

SIX HOMMES de l’Île de Crète qui chantent

QUATRE FEMMES de l’Île de Crète qui chantent

TROIS FEMMES de l’Île de Crète qui chantent dans les Chœurs

L’HYMEN

L’AMOUR

HUIT HOMME de l’Île de Crète qui chantent dans les Chœurs

HABITANTS de l’Île de Crète qui dansent

TROIS DIVINITÉS de la Suite de l’Hymen qui dansent

 

 

PROLOGUE

 

Le Théâtre représente le Palais de Versailles.

Palés Déesse des Bergers les invite à venir en admirer la magnificence.

PALÉS.

Accourez, que chacun s’avance,

Venez, Bergers, admirer en ces lieux

Du HÉROS le plus glorieux

La pompeuse magnificence.

CHŒUR de Bergers.

Quel éclat éblouir nos yeux !

Quel air respirons-nous, sommes-nous dans les Cieux !

Sept Bergers qui dansent.

PREMIER BERGER.

Dans la tranquillité profonde

Que donne à ces Climats le plus grand Roy du monde,

Vivons heureux,

Suivons les Plaisirs et les Jeux.

Une troupe de Bergères vient pour prendre part au bonheur que les Bergers se proposent. Six Bergères qui dansent. 

PREMIÈRE et SECONDE BERGÈRE.

La fête nouvelle

Que vous préparez ici,

Ne peut être belle

Si nous n’en sommes aussi.

CHŒUR de Bergères.

Sans nous les plaisirs sont-ils doux ?

Ah ! que feriez-vous

Si nous n’étions pas avec vous ?

Bergers unissons-nous.

PREMIÈRE et SECONDE BERGÈRE.

La fête nouvelle

Que vous préparez ici,

Ne peut être belle

Si nous n’en sommes aussi.

CHŒUR de Bergères.

Que nos voix s’unissent,

Chantons les douceurs de la Paix ;

Et qu’à jamais

Ces lieux retentissent

De ses nouveaux bienfaits.

CHŒUR de Bergères.

La fête nouvelle, etc.

TROISIÈME BERGÈRE.

Vivons heureux sous cet Empire,

Tout flatte nos vœux,

Pour nous tout conspire,

C’est le plaisir qui nous inspire,

Vivons heureux,

 Suivons les Plaisirs et les Jeux.

CHŒUR de Bergers et de Bergères.

Vivons heureux,

Suivons les Plaisirs et les Jeux.

SECOND BERGER.

Rien ne trouble ici notre vie.

Tout rit dans ce charmant séjour,

Vivons sans crainte et sans envie,

Heureux ! si nous pouvons y vivre sans amour.

PREMIER et SECOND BERGER.

 Quand tout est calme sur la terre,

Que tous les cours le soient dans cette heureuse Cour.

Un HÉROS nous défend des fureurs de la guerre,

Défendons-nous des charmes de l’Amour.

CHŒUR de Bergers.

Un HÉROS nous défend des fureurs de la guerre,

Défendons-nous des charmes de l’Amour.

TROISIÈME BERGER.

Un insensible

Jouit toujours

D’un sort paisible ;

Est-il possible

Qu’un cœur sensible

Ait de beaux jours ?

Les soins, les larmes,

Et les alarmes,

Voilà les charmes

Qu’ont les amours...

Un insensible

Jouit toujours

D’un sort paisible ;

Est-il possible

Qu’un cœur sensible

Ait de beaux jours.

TROISIÈME BERGÈRE.

Les amours sont-ils si terribles ?

Ne craignez point d’être sensibles,

Ne formez que d’innocents désirs

Vous trouverez devrais plaisirs.

CHŒUR de Bergères.

Ne formez que d’innocents désirs,

Vous trouverez devrais plaisirs.

QUATRIÈME BERGÈRE.

Mon Berger est amoureux,

Il n’a point fait d’efforts pour s’en défendre,

Trouve-t-il son sort malheureux ?

Se repent-il d’avoir eu le cœur tendre ?

QUATRIÈME BERGER.

J’osai vous parler de mes feux,

Vous avez bien voulu m’entendre,

Quel bien plus doux puis-je prétendre ?

Je suis au comble de mes vœux.

TOUS DEUX, ensemble.

Les jeunes cœurs sont faits pour la tendresse.

Pour deux jeunes Amants que l’Amour a d’attraits !

Aimons-nous sans cesse,

Et nos plaisirs ne cesseront jamais.

Mercure vient avertir les Bergers et les Bergères de l’arrivée de la Jeunesse et des Grâces.

MERCURE.

Redoublez vos chants d’allégresse,

Les plus grandes Divinités,

Les Grâces, l’aimable Jeunesse

Viennent dans ces lieux enchantés ;

Qu’a leur plaire chacun s’empresse,

Redoublez vos chants d’allégresse,

Admirez leurs Beautés.

LES CHŒURS de Bergers et de Bergères répètent le Récit de Mercure.

Redoublons nos chants d’allégresse,

Les plus grandes Divinités,

Les Grâces, l’aimable Jeunesse

Viennent dans ces lieux enchantés ;

Qu’à leur plaire chacun s’empresse,

Redoublons nos chants d’allégresse,

Admirons leurs Beautés.

La Jeunesse et les Grâces qui dansent.

MERCURE.

Vous les voyez déjà paraître,

À tant d’éclat accoutumez vos yeux :

Elles seront longtemps avec vous dans ces lieux ;

La Cour de votre auguste Maître

Est un séjour plus beau que le séjour des Dieux...

PALÉS, à la Jeunesse.

L’Amour dans vos Jeux s’intéresse

Il veut par tout suivre vos pas,

Attendez la belle Déesse,

Les Grâces, l’Amour, la Jeunesse

Ne se quittent pas.

CHŒUR de Bergers et de Bergères.

Donnons-nous tous à la tendresse,

Donnons-nous tous aux plaisirs pleins d’appas.

Que la Jeunesse

Soit avec nous sans cesse,

Et l’Amour suivra par tout nos pas :

Donnons-nous tous à la tendresse,

Donnons-nous tous aux plaisirs pleins d’appas.

PALÉS.

Tous les Jeux vont ici renaître,

À tant d’éclat accoutumez vos yeux,

Ces dieux seront longtemps avec vous dans ces lieux,

La Cour de votre Auguste Maître

Est un séjour plus beau que le séjour des Dieux.

LES CHŒURS.

La Cour de votre Auguste Maître

Est un séjour plus beau que le séjour des Dieux...

 

 

ACTE I

 

Première Intermède

 

Philis irritée contre Tircis son Amant ; paraît dans le plus triste état du monde, d’avoir à punir un ingrat qu’elle n’a pas la force de haïr. Tircis vient lui demander grâce, et l’obtient enfin avec peine.

PHILIS, seule

Qu’il est cruel d’avoir à punir un Amant

Quand tout ingrat qu’il est, on l’aime tendrement !

Mon cœur souffre une affreuse peine,

Il doit haïr, il est forcé d’aimer,

Les transports de l’amour, les fureurs de la haine

Tour à tour viennent m’animer,

Est-il une plus rude gène ?

Mon cœur souffre affreux tourment

Qu’il est cruel d’avoir à punir un Amant,

 Quand tout ingrat qu’il est on l’aime tendrement !

TIRCIS.

Votre rigueur me désespère,

Adorable Philis apaisez ce courroux,

Inhumaine que faut-il faire

Pour obtenir un fort plus doux ?

PHILIS.

Vous méritez peu de me plaire.

Vous méritez trop ma colère

Allez ingrat, retirez-vous,

Laissez-moi toute à mon courroux.

TIRCIS.

Pourquoi se défendre

D’entendre

Un fidèle Amant.

PHILIS.

Je dois me défendre

D’entendre

Un perfide Amant.

TIRCIS.

Craignez-vous qu’en l’écoutant

Votre cœur ne soit trop tendre ?

PHILIS.

Non, non pour cet inconstant

Mon cœur n’a plus rien de tendre.

TOUS DEUX.

Pourquoi se } défendre

Je dois me   }

D’entendre

Un fidèle    } Amant.

Un perfide }

TIRCIS.

Hélas ! cruelle que vous êtes

Vous méprisez mes soupirs, et mes pleurs,

Ce cœur n’est point touché de mes vives douleurs,

Vous voulez mon trépas inhumaine, je meurs !

Vos rigueurs seront satisfaites.

PHILIS.

Tircis modérez ce transport,

Calmez le désespoir dont votre âme est saisie

Vous voulez courir à la mort,

Ah ! que serais-je de la vie !

TIRCIS.

Adorable Philis !

PHILIS.

Malgré-moi dans mon cœur

Le dépit cesse, et l’amour est vainqueur !

TIRCIS.

Les chagrins de l’amour ont des charmes

Pour un cœur bien enflammé :

Ma Bergère en courroux m’a fait verser des larmes,

Son courroux est désarmé,

Le bonheur le plus grand succède à mes alarmes,

J’en goûte mieux le plaisir d’être aimé.

TIRCIS et PHILIS.

La tendresse

Est la maîtresse

De tous les cœurs :

En vain le dépit { vous presse

                          { nous

D’avoir pour un Amant d’invincibles rigueurs...

Quand { vous voyez couler ses pleurs

            { nous voyons

Le dépit cesse,

La tendresse

Est la maîtresse

De tous les cœurs.

 

 

ACTE II

 

Second Intermède

 

Une Mascarade d’Hommes et de Femmes Maures.

PREMIER MAURE.

Pourquoi contraindre

Le choix d’un cœur ?

Pourquoi s’efforcer d’éteindre

Un feu dont il fait son bonheur ?

On a beau se forcer à feindre,

Il est toujours à son Vainqueur ?

LES CHŒURS.

Aimez-vous quand tout vous y convie,

Aux transports de l’amour abandonnez vos cœurs,

Aimez-vous profitez de la vie,

Sans l’amour tout déplaît, tout ennuie ;

Si pour quelques Amants il a mille rigueurs,

Pour qui sait bien aimer il n’a que des douceurs.

SECOND MAURE.

Qu’il est doux quand l’amour est extrême,

De mériter d’être aimé de même,

On partage bientôt ses feux

Avec la beauté que l’on aime.

LES CHŒURS.

Aimez-vous, aimez-vous, quand tout flatte vos vœux,

Aimez-vous, aimez-vous, et vous serez heureux.

TROISIÈME MAURE.

Quand l’objet à qui nous voulons plaire

Nous préfère

À quelques Rivaux jaloux,

Leur chagrin, leur dépit, leur colère,

Leur misère,

Sont des biens charmants pour nous.

LES CHŒURS.

Aimons-nous quand tout nous y convie,

Aux transports de l’amour abandonnons nos cœurs.

Est-il rien de plus doux dans la vie ?

Que de charmants plaisirs ! que de douces langueurs !

LES CHŒURS.

L’amour porte en tous lieux sa puissance,

Au devant de ses coups allons nous présenter,

Ne lui faisons point de résistance,

Il se venge trop bien de qui l’ose irriter.

LES CHŒURS.

N’attirons point les traits de sa vengeance,

Aimons-nous, aimons-nous, laissons-nous enflammer,

Bannissons d’avec nous l’indifférence,

Aimons-nous, aimons-nous, ah ! qu’il est doux d’aimer.

QUATRIÈME MAURE.

Un cœur qui peut chercher à s’en défendre,

Ne connaît point encor quels en sont les plaisirs ;

Aussitôt qu’il commence à les comprendre,

On le voit à l’amour donner tous ses désirs.

LES CHŒURS.

Aimez-vous quand tout vous y convie,

Aux transports de l’amour abandonnez vos cœurs,

Aimez-vous profitez de la vie,

Sans l’amour tout déplaît, tout ennuie,

Si pour quelques Amants il a mille rigueurs,

Pour qui sait bien aimer il n’a que des douceurs.

 

 

ACTE III

 

Troisième Intermède

 

Les Habitants de l’Île de Crète, célèbrent des Jeux à l’honneur de Jupiter, et se réjouissent du Mariage que ce Dieu vient de faire de deux jeunes Divinités.

PREMIER HOMME de l’Île de Crète.

C’est en ce lieu l’on s’assemble

Pour célébrer un Hymen glorieux

De deux jeunes Amants sortis du sang des Dieux ;

Jupiter les unit ensemble,

Tout favorise leurs désirs,

Mêlons nos jeux à leurs plaisirs.

PREMIÈRE FEMME de l’Île de Crète.

Que ces Amants sont heureux !

Les biens les plus charmants vont prévenir leurs vœux,

Au bonheur le plus grand Jupiter les élève,

Il ne commence rien que la bonté n’achève.

Que ces Amants sont heureux !

Les biens les plus charmants vont prévenir leurs vœux.

Les Habitants de l’Île de Crète dansent.

DEUXIÈME HOMME.

Le puissant Jupiter répand sur tout le monde

De ses bontés les sensibles effets :

Il comble l’Univers des biens les plus parfaits,

Tout est calme aujourd’hui sur la Terre et sur l’Onde,

Et lorsque son Tonnerre gronde

C’est pour mieux affermir la paix.

De ses bienfaits conservons la mémoire,

Dressons des Autels à la gloire.

CHŒUR.

De ses bienfaits conservons la mémoire,

Dressons des Autels à sa gloire.

TROISIÈME HOMME.

Un Monstre que l’Orgueil, la Discorde, et l’Envie,

Avaient fait sortir des Enfers,

De son venin fatal infectait l’Univers :

Il troublait le repos, et la vie

De cent Peuples divers.

Jupiter à vaincu ce Monstre épouvantable

Qui paraissait insurmontable

Et pour jamais il l’a mis dans les fers.

De ses bienfaits conservons la mémoire,

Dressons des Autels à sa gloire.

CHŒUR.

De ses bienfaits conservons la mémoire,

Dressons des Autels à sa gloire.

DEUXIÈME FEMME.

Heureux Amants goûtez toujours

Un Destin charmant et tranquille,

Jupiter prend soin de vos jours

N’en laissez pas un d’inutile.

Heureux Amants goûtez toujours.

Un Destin charmant et tranquille.

On entend une grande Symphonie.

LES CHŒURS.

Quel bruit Divin se fait entendre !

QUATRIÈME HOMME.

C’est le ciel qui nous applaudit

Des soins qu’il nous voit prendre.

LES CHŒURS.

Des plus charmants concerts l’Olympe retentit.

TROISIÈME FEMME.

L’Hymen et l’Amour vont descendre,

Nous les verrons bientôt ici.

LES CHŒURS.

Quels doux transports viennent de nous surprendre !

Ces Dieux s’approchent ! les voici.

Trois Divinités de la Suite de l’Hymen qui dansent.

L’HYMEN.

L’Amour pâlit à mon abord,

Nous devons être unis d’une chaîne éternelle ;

Pourquoi si rarement nous trouvons-nous d’accord,

C’est vous seul qui troublez une union si belle.

L’AMOUR.

Vous traînez après vous sans cesse

Les soins fâcheux, et les transports jaloux ;

J’aime à trouver par tout les plaisirs les plus doux,

Les Ris, les Jeux, et la tendresse.

L’HYMEN.

L’absence de l’amour excite

Ces soins fâcheux dont il est irrité,

Et les transports jaloux ne viennent à ma suite ;

Que lorsque l’amour m’a quitté.

 

Finissons nos débats, unissons nos efforts

Pour faire à ces Amants un sort digne d’envie,

Unissons-nous, et par de doux accorts

Conspirons l’un et l’autre au bonheur de leur vie.

L’HYMEN et L’AMOUR.

Finissons nos débats, etc.

QUATRIÈME FEMME.

Jouissez des douceurs que le Ciel vous dispense

Heureux Amans, heureux Époux,

Avec l’Hymen, l’Amour d’intelligence,

Vous invite à goûter les plaisirs les plus doux.

QUATRIÈME HOMME.

Quand l’Hymen, et l’Amour s’unissent,

Pour vous faire un destin charmant et glorieux,

Leurs querelles ne finissent

Que par l’ordre absolu du souverain des Dieux,

Vous devez tout à son pouvoir suprême :

C’est lui seul qui comble vos vœux.

Et vous ne pouvez être heureux

Qu’autant que Jupiter vous aime.

 

Jupiter commande aux destins,

C’est de lui seul qu’ils ont voulu dépendre,

Et quand le sort du monde est en ses mains,

La vertu seule en peut prétendre

Des biens solides, et certains,

Il n’est point de grandeur qu’elle n’en doive attendre :

À ses bontés la vertu seule a part,

Et jamais on ne le voit répandre

Comme les autres Dieux ses bienfaits au hasard.

LES CHŒURS.

Heureux mortels qu’il favorise,

Que votre sort est beau, qu’il est plein de douceurs,

Quelle gloire vous est acquise

D’avoir mérité ses faveurs.

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