La Pastorale comique (MOLIÈRE)

Représentée pour la première fois à Saint-Germain-en-Laye pour le Roi, au Ballet des Muses, le 5 janvier 1667, par la Troupe du Roi.

 

Personnages

 

IRIS, jeune bergère

LYCAS, riche pasteur

PHILÈNE, riche pasteur

CORIDON, jeune berger

BERGER ENJOUÉ

UN PÂTRE

 

 

La première scène est entre Lycas, riche pasteur, et Coridon, son confident.

La seconde scène est une cérémonie magique de chantres et danseurs.

LES DEUX MAGICIENS DANSANTS sont : les sieurs La Pierre et Favier.

LES TROIS MAGICIENS ASSISTANTS ET CHANTANTS sont : Messieurs Le Gros, Don et Gaye.

Ils chantent.

Déesse des appas,

Ne nous refuse pas

La grâce qu’implorent nos bouches ;

Nous t’en prions par tes rubans,

Par tes boucles de diamants,

Ton rouge, ta poudre, tes mouches,

Ton masque, ta coiffe et tes gants.

Ô toi ! qui peux rendre agréables

Les visages les plus mal faits,

Répands, Vénus, de tes attraits

Deux ou trois doses charitables

Sur ce museau tondu tout frais !

Déesse des appas,

Ne nous refuse pas

La grâce qu’implorent nos bouches ;

Nous t’en prions par tes rubans,

Par tes boucles de diamants,

Ton rouge, ta poudre, tes mouches,

Ton masque, ta coiffe et tes gants.

 

Ah ! qu’il est beau,

Le jouvenceau !

Ah ! qu’il est beau ! ah ! qu’il est beau !

Qu’il va faire mourir de belles !

Auprès de lui, les plus cruelles

Ne pourront tenir dans leur peau.

Ah ! qu’il est beau !

Le jouvenceau !

Ah ! qu’il est beau ! ah ! qu’il est beau !

Ho, ho, ho, ho, ho, ho.

 

Qu’il est joli,

Gentil, poli !

Qu’il est joli ! qu’il est joli !

Est-il des yeux qu’il ne ravisse ?

Il passe en beauté feu Narcisse,

Qui fut un blondin accompli.

Qu’il est joli,

Gentil, poli !

Qu’il est joli ! qu’il est joli !

Hi, hi, hi, hi, hi, hi.

LES SIX MAGICIENS ASSISTANTS ET DANSANTS sont : les sieurs Chicaneau, Bonard, Noblet le cadet, Arnald, Mayeu et Foignard.

La troisième scène est entre Lycas et Philène, riches pasteurs.

PHILÈNE chante.

Paissez, chères brebis, les herbettes naissantes :

Ces prés et ces ruisseaux ont de quoi vous charmer ;

Mais si vous désirez vivre toujours contentes,

Petites innocentes,

Gardez-vous bien d’aimer.

Lycas, voulant faire des vers, nomme le nom d’Iris, sa maîtresse, en présence de Philène, son rival, dont Philène en colère chante.

PHILÈNE.

Est-ce toi que j’entends, téméraire, est-ce toi

Qui nommes la beauté qui me tient sous sa loi ?

LYCAS répond :

Oui, c’est moi ; oui, c’est moi.

PHILÈNE.

Oses-tu bien en aucune façon

Proférer ce beau nom ?

LYCAS.

Hé ! pourquoi non ? hé ! pourquoi non ?

PHILÈNE.

Iris charme mon âme :

Et qui pour elle aura

Le moindre brin de flamme,

Il s’en repentira.

LYCAS.

Je me moque de cela,

Je me moque de cela.

PHILÈNE.

Je t’étranglerai, mangerai,

Si tu nommes jamais ma belle :

Ce que je dis, je le ferai,

Je t’étranglerai, mangerai,

Il suffit que j’en ai juré :

Quand les dieux prendraient ta querelle,

Je t’étranglerai, mangerai,

Si tu nommes jamais ma belle.

LYCAS.

Bagatelle, bagatelle.

La quatrième scène est entre Lycas et Iris, jeune bergère dont Lycas est amoureux.

La cinquième scène est entre Lycas et un pâtre, qui apporte un cartel à Lycas de la part de Philène, son rival.

La sixième scène est entre Lycas et Coridon.

La septième scène est entre Lycas et Philène.

PHILÈNE, venant pour se battre, chante :

Arrête, malheureux,

Tourne, tourne visage,

Et voyons qui des deux

Obtiendra l’avantage.

Lycas parle, et Philène reprend :

C’est par trop discourir,

Allons, il faut mourir.

La huitième scène est de huit paysans, qui, venant pour séparer Philène et Lycas, prennent querelle et dansent en se battant.

LES HUIT PAYSANS sont : les sieurs Dolivet, Paysan, Desonets, Du Pron, La Pierre, Mercier, Pesan et le Roi.

La neuvième scène est entre Coridon, jeune berger et les huit paysans, qui, par les persuasions de Coridon, se réconcilient, et après s’être réconciliés, dansent.

La dixième scène est entre Philène, Lycas et Coridon.

La onzième scène est entre Iris, bergère, et Coridon, berger.

La douzième scène est entre Iris, bergère, Philène, Lycas et Coridon.

PHILÈNE chante.

N’attendez pas qu’ici je me vante moi-même ;

Pour le choix que vous balancez,

Vous avez des yeux, je vous aime,

C’est vous en dire assez.

La treizième scène est entre Philène et Lycas, qui, rebutés par la belle Iris, chantent ensemble leur désespoir.

PHILÈNE.

Hélas ! peut-on sentir de plus vive douleur ?

Nous préférer un servile pasteur !

Ô ciel !

LYCAS.

Ô sort !

PHILÈNE.

Quelle rigueur !

LYCAS.

Quel coup !

PHILÈNE.

Quoi ! tant de pleurs,

LYCAS.

Tant de persévérance,

PHILÈNE.

Tant de langueur,

LYCAS.

Tant de souffrance,

PHILÈNE.

Tant de vœux,

LYCAS.

Tant de soins,

PHILÈNE.

Tant d’ardeur,

LYCAS.

Tant d’amour,

PHILÈNE.

Avec tant de mépris sont traités en ce jour !

Ah ! cruelle !

LYCAS.

Cœur dur !

PHILÈNE.

Tigresse !

LYCAS.

Inexorable !

PHILÈNE.

Inhumaine !

LYCAS.

Inflexible !

PHILÈNE.

Ingrate !

LYCAS.

Impitoyable !

PHILÈNE.

Tu veux donc nous faire mourir ?

Il te faut contenter.

LYCAS.

Il te faut obéir.

PHILÈNE.

Mourons, Lycas.

LYCAS.

Mourons, Philène.

PHILÈNE.

Avec ce fer finissons notre peine.

LYCAS.

Pousse !

PHILÈNE.

Ferme !

LYCAS.

Courage !

PHILÈNE.

Allons, va le premier.

LYCAS.

Non, je veux marcher le dernier.

PHILÈNE.

Puisqu’un même malheur aujourd’hui nous assemble,

Allons, partons ensemble.

La quatorzième scène est d’un jeune berger enjoué, qui, venant consoler Philène et Lycas, chante.

Ah ! quelle folie

De quitter la vie

Pour une beauté

Dont on est rebuté !

On peut pour un objet aimable,

Dont le cœur nous est favorable,

Vouloir perdre la clarté ;

Mais quitter la vie

Pour une beauté

Dont on est rebuté,

Ah ! quelle folie !

La quinzième et dernière scène est d’une Égyptienne, suivie d’une douzaine de gens, qui, ne cherchant que la joie, dansent avec elle aux chansons qu’elle chante agréablement. En voici les paroles.

PREMIER AIR.

D’un pauvre cœur

Soulagez le martyre,

D’un pauvre cœur

Soulagez la douleur.

J’ai beau vous dire

Ma vive ardeur,

Je vous vois rire

De ma langueur.

Ah ! cruelle, j’expire

Sous tant de rigueur.

D’un pauvre cœur

Soulagez le martyre,

D’un pauvre cœur

Soulagez la douleur.

SECOND AIR

Croyez-moi, hâtons-nous, ma Sylvie,

Usons bien des moments précieux ;

Contentons ici notre envie,

De nos ans le feu nous y convie ;

Nous ne saurions, vous et moi, faire mieux.

Quand l’hiver a glacé nos guérets,

Le printemps vient reprendre sa place,

Et ramène à nos champs leurs attraits ;

Mais, hélas ! quand l’âge nous glace,

Nos beaux jours ne reviennent jamais.

Ne cherchons tous les jours qu’à nous plaire,

Soyons-y l’un et l’autre empressés ;

Du plaisir faisons notre affaire,

Des chagrins songeons à nous défaire :

Il vient un temps où l’on en prend assez.

Quand l’hiver a glacé nos guérets,

Le printemps vient reprendre sa place,

Et ramène à nos champs leurs attraits ;

Mais, hélas ! quand l’âge nous glace,

Nos beaux jours ne reviennent jamais.

L’ÉGYPTIENNE QUI DANSE ET CHANTE est : Noblet l’aîné.

LES DOUZE DANSANTS sont :

Quatre jouant de la guitare : Monsieur de Lulli, Messieurs Beauchamp, Chicaneau et Vagnart.

Quatre jouant des castagnettes : Les sieurs Favier, Bonard, Saint-André et Arnald.

Quatre jouant des gnacares : Messieurs La Marre, Des-Airs second, Du Feu et Pesan.

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