Le Rouge-gorge (Eugène LABICHE - Adolphe CHOLER)

Vaudeville en un acte.

Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 9 décembre 1859.

 

Personnages

 

MONSIEUR JULES

BODIN, propriétaire

JOUVENCE, sous le nom de Saint-Azor

ERNEST DARDEL, architecte

PLUMASSE, domestique de Bodin

EMMA, fille de Bodin

 

La scène est à Paris, chez Bodin.

 

Le Théâtre représente un salon. Portes latérales. Portes au fond. À gauche une cheminée. Devant la cheminée, un guéridon sur lequel est placé un petit chevalet supportant une miniature. Une table, encre, papier, plumes.

 

 

Scène première

PLUMASSE, puis EMMA

 

PLUMASSE.

Voilà plus de vingt minutes que j’ai introduit monsieur de Saint-Azor dans le cabinet de monsieur Bodin, et ils sont encore ensemble... Monsieur de Saint-Azor ne sait pourtant pas empailler les petits oiseaux. C’est une drôle de manie qui a pris à monsieur ; il empaille toute la journée !... Dans le commencement, pour s’apprendre, c’étaient des canards... aussi nous en mangions sept fois par semaine... Sans peau ! voilà un vilain manger !...

Regardant la porte de gauche.

Ils ne sortent pas... J’ai idée que ce jeune homme pourrait bien être un prétendu pour mademoiselle... Le verrou est tiré... on parle tout bas... Si seulement je pouvais voir les physionomies... 

Il se baisse pour regarder par la serrure.

EMMA, entrant et le surprenant de la porte de droite.

Eh bien !... Plumasse !...

PLUMASSE, se relevant.

Oh ! mademoiselle !

EMMA.

Que faites-vous là ?

PLUMASSE, frottant le bouton de la porte.

Je polis les cuivres, mademoiselle, je polis les cuivres !

EMMA.

C’est-à-dire que vous écoutez aux portes.

PLUMASSE, balbutiant.

Non... C’est parce que monsieur de Saint-Azor est là...

EMMA.

Ah !

PLUMASSE.

Depuis vingt minutes...

EMMA.

Ce n’est pas une raison pour écouter... Et si cela vous arrive encore, je préviendrai mon père !

PLUMASSE.

Mais, mademoiselle...

EMMA.

C’est bien... Sortez !

PLUMASSE.

Voilà, mademoiselle, voilà !

Il sort par le fond.

EMMA, seule.

Monsieur de Saint-Azor est avec mon père... et depuis vingt minutes...

Regardant autour d’elle.

C’est bien singulier... Personne !... 

Elle courtvivement à la porte de gauche et se baisse pour regarder à son tour.

PLUMASSE, entrant et la surprenant ; il pousse un grand cri.

Ah !

EMMA, se levant vivement.

Oh !

PLUMASSE, familièrement.

Ah ! je vous y pince, à mon tour !

EMMA.

De quoi vous mêlez-vous ?... Que venez-vous faire ici ?... 

PLUMASSE, passant.

Je viens chercher la montre de monsieur pour la cuisinière, qui fait cuire des œufs à la coque. 

Il prend la montre sur la cheminée.

EMMA.

Dépêchez-vous !... Vous êtes d’une indiscrétion !...

PLUMASSE.

Moi ?...

À part.

Elle est bonne, celle-là !...

EMMA.

Apprenez qu’il n’est pas convenable d’entrer sans frapper.

PLUMASSE.

C’est bien, mademoiselle ; on frappera ! on frappera !... 

À part.

C’est égal, je l’ai pincée !... 

Il sort par le fond.

EMMA, qui s’est rapprochée de la porte de gauche.

On dirait qu’ils se lèvent... Oui... ils viennent par ici... 

Elle va s’asseoir à l’autre bout du théâtre et prend son ouvrage.

 

 

Scène II

EMMA, BODIN, SAINT-AZOR

 

BODIN, à Saint-Azor, qui le suit par la porte de gauche.

Soyez tranquille... tout est convenu... Je vais vous présenter à ma fille... Ah ! la voici !

À Saint-Azor.

Voyez ! toujours à travailler !...

SAINT-AZOR.

C’est une abeille.

BODIN.

Ah dame ! tout le monde travaille ici !... Elle brode, et moi, j’empaille... pour mon agrément ! 

À sa fille.

Emma ! 

EMMA, se levant.

Papa !

BODIN.

Tu travaillais, mon enfant ?

EMMA.

Oui, mon père.

BODIN.

Laisse là ton ouvrage. 

Emma se lève.

Nous avons à causer... D’abord, je te présente monsieur de Saint-Azor. 

SAINT-AZOR, se levant.

Mademoiselle !...

EMMA.

Mais je connais monsieur depuis un mois... vous me l’avez déjà présenté...

BODIN.

Comme ami, comme commensal... mais je te le présente sous un nouveau jour...

SAINT-AZOR.

Sous un tout nouveau !...

BODIN.

Laissez-moi parler...

À Emma.

Tu ne devines pas ?

EMMA.

Non.

BODIN.

Cherche...

À Saint-Azor.

Ne dites rien... Comment, tu ne devines pas que monsieur aspire à ta main ?

EMMA.

Est-il possible ?

SAINT-AZOR, se passionnant.

Oh ! mademoiselle, le plus beau jour de ma vie sera...

BODIN, à Saint-Azor.

Laissez-moi parler...

À sa fille.

Saint-Azor est un jeune homme capable, actif, laborieux, fils de ses œuvres...

EMMA.

Ah ! monsieur, travaille ?

BODIN.

Il ne travaille pas ; il va à la Bourse !... Il y a trois ans, il n’avait rien, et aujourd’hui il est à la tête de trois cent cinquante-sept Nords, qui à neuf cent soixante-deux...

SAINT-AZOR.

Cinquante !

BODIN.

Cinquante ! donnent un total de... 

Cherchant.

un total de...

S’interrompant.

Nous ferons le compte ce soir, en dînant... 

EMMA, à part.

Ce sera bien agréable !

BODIN.

Saint-Azor, vous dînez avec nous ?

SAINT-AZOR.

Avec plaisir !

EMMA.

Mais, papa...

BODIN.

Il t’apportera un bouquet.

À Saint-Azor.

Un gros bouquet !

SAINT-AZOR.

Énorme !

BODIN.

Et demain aussi !... et tous les jours... jusqu’à la célébration !...

EMMA.

La célébration !

SAINT-AZOR, passant.

Vous pleurez ! vous êtes émue !... Elle est émue !...

BODIN.

C’est l’émotion...

Bas à Saint-Azor.

Dites-lui quelque chose...

Air d’Yelva.

Allons, mon cher, faites un marché ferme,
Pour votre femme il faut être galant.
Si vous aimez les affaires à terme,
Ayez au moins de l’esprit... au comptant.

SAINT-AZOR, à Emma.

Oui, quand viendra l’heureux jour de ma noce,
Je fais serment, à vos genoux, ici,
Que je vendrai tous mes Nords à la hausse
Afin d’acheter du Midi.

BODIN, passant.

Ah ! qu’il est spirituel ! Acheter du Midi !... Il est charmant ! À tantôt !...

Bas.

N’oubliez pas le bouquet !...

Chœur.

Final de Roméo et Mariette.

SAINT-AZOR.

Bientôt, bonheur suprême,
Je pourrai dire : Je vous aime,
Car ma lune de miel
Commence à scintiller au ciel.
Mon cœur

BODIN.

Son cœur

SAINT-AZOR.

Mon cœur

BODIN.

Son cœur.

SAINT-AZOR.

Palpite d’espérance.
De mon

BODIN.

De son

SAINT-AZOR.

De mon bonheur
Voici que l’heure avance.

Ensemble.

EMMA.

Je n’ai plus d’espérance.

BODIN, SAINT-AZOR.

Doux moment qui s’avance !

Reprise.

Bientôt, etc.

Saint-Azor sort par le fond.

 

 

Scène III

BODIN, EMMA

 

BODIN.

Eh bien ! es-tu contente ? De la fortune, un beau nom !...

EMMA.

Azor ! un nom de carlin !

BODIN.

Ah ! ce pauvre garçon !... Tu es piquante !

EMMA.

Papa, je dois vous prévenir que ce monsieur ne me plaît pas du tout... Il est laid... 

Elle passe du côté de la cheminée.

BODIN.

Ça, je te l’accorde... Mais en vieillissant la laideur disparaît.

EMMA.

Par exemple !

BODIN.

Passé un certain âge... comme personne... n’est beau... personne n’est laid !...

EMMA.

C’est possible ! mais monsieur de Saint-Azor a les moustaches rouges !

BODIN.

Elles blanchiront... et d’ici là, on peut les couper ! Je lui en parlerai.

EMMA.

Non, c’est plus fort que moi... je sens que je ne pourrai jamais l’aimer !

BODIN.

Ne dis pas cela !... Ta mère, dont voici le portrait...

Il prend le chevalet et le lui montre.

en miniature... peint par madame de Mirbel... huit cents francs, sans le cadre !... C’est une bêtise ! c’est beaucoup trop cher !... Eh bien ! quand j’ai voulu l’épouser, elle ne m’aimait pas non plus... elle me trouvait le nez trop allongé... 

Il pose le cadre sur le guéridon.

Mais le certain âge dont je te parlais est arrivé ; j’ai pris des rides, j’ai pris des rhumatismes... tous ceux de ma génération ont fait comme moi... et, en nous comparant, madame Bodin a fini par me trouver fort agréable. C’est venu tard, mais c’est venu !...

EMMA.

Ma mère n’avait sans doute distingué personne...

BODIN.

J’aime à le croire ! Mais toi, est-ce que, par hasard ?...

EMMA.

Papa, si vous attendiez encore... peut-être qu’un autre prétendu pourrait se présenter...

BODIN.

Un autre !... jamais !... jam... C’est-à-dire... Combien de Nords ?

EMMA.

Plaît-il ?

BODIN.

Combien de Nords ?

EMMA.

Mais je crois qu’il n’en a pas !...

BODIN.

Pas de Nords !... Alors, c’est un aventurier !...

EMMA.

Cependant...

BODIN.

Ma fille, j’ai donné ma parole à Saint-Azor... et tu me feras le plaisir d’épouser Saint-Azor !... Je le veux !

EMMA.

Ah ! c’est comme ça ! Vous voulez me sacrifier ! me faire violence !... Eh bien ! je résisterai ! je lutterai !... 

Elle remonte.

BODIN, passant.

Mademoiselle !

EMMA.

Je me plaindrai à mon ami... monsieur Jules !

BODIN.

Jules ?

EMMA.

Il me défendra ! il me protégera, lui ! et nous verrons !... Ah ! oui, nous verrons !... 

Elle rentre vivement à gauche.

 

 

Scène IV

BODIN, assis, puis PLUMASSE

 

BODIN, seul.

Jules ! je me fiche pas mal de Jules !... Je vais finir mon oiseau.

On frappe à la porte.

Entrez !

On frappe de nouveau.

Entrez ! 

Apercevant Plumasse.

Est-ce que tu es sourd ?

PLUMASSE, au fond.

On m’a dit de frapper... je frappe !

BODIN.

Que veux-tu ?

PLUMASSE.

Monsieur... monsieur, c’est une carte.

BODIN.

Une visite ? De qui ? J’ai mon oiseau à finir...

PLUMASSE.

C’est pas une visite ; c’est lui !...

BODIN.

Qui ? lui ?...

PLUMASSE.

Eh bien ! votre pique-assiette ! le sieur Jules !

BODIN.

Mon pique-assiette !... Il n’a jamais pris un verre d’eau chez moi.

PLUMASSE.

Qu’est-ce que ça fait ?... Un homme qui vient tous les jours à midi faire sa partie de dominos... ça ne peut être qu’un pique-assiette !... Il y a quelque chose là-dessous...

BODIN, se levant et passant.

Quoi ?

PLUMASSE.

Vous ne le connaissez pas ce monsieur. Voyons, qu’est-ce qu’il fait ?

BODIN.

Mais dame ! je n’en sais rien ! J’ai fait sa connaissance au café Vauvenargues...

PLUMASSE.

Oh ! des connaissances de café !... Vous ne savez même pas son nom.

BODIN, suivant Plumasse.

Au café Vauvenargues, tout le monde l’appelle monsieur Jules. Du reste, il est très poli. Un matin, il m’a proposé de jouer ma consommation aux dominos... je l’ai gagné. Le lendemain, il m’a demandé sa revanche... je l’ai encore gagné... Il n’est pas fort !... Le troisième jour... je me suis donné une entorse...

PLUMASSE.

Et à midi, le sieur Jules est arrivé chez vous...

BODIN.

Pour me proposer de jouer la belle... J’ai d’abord trouvé ça drôle... mais comme j’ai continué de gagner, nous avons continué à jouer... Ça m’était très agréable, je ne pouvais pas marcher.

PLUMASSE.

Mais maintenant que vous êtes guéri...

BODIN.

Eh bien ?

PLUMASSE.

Vous allez lui donner du balai !

BODIN, toujours assis et travaillant.

À qui ?

PLUMASSE.

Au sieur Jules !

BODIN.

Pourquoi donc ?... Un monsieur qui m’apporte régulièrement tous les matins sa petite pièce de dix sous... car nous jouons dix sous maintenant...

PLUMASSE.

Alors, c’est par cupidité !

BODIN.

Non !... Mais ça fait quinze francs par mois... juste tes gages.

PLUMASSE.

Oui... même que vous m’avez promis de m’augmenter...

BODIN.

Je ne te parle pas de ça ! Tu n’es jamais à la conversation... Quand Jules viendra, fais-le entrer.

PLUMASSE.

Comme vous voudrez, monsieur. Mais je dois vous prévenir d’une chose : il regarde toujours mademoiselle.

BODIN.

Oui, il aime beaucoup ma fille.

PLUMASSE.

Et il pousse des soupirs !...

BODIN.

Comment ?

PLUMASSE.

Entre nous, je crois qu’il lui fait des petits yeux.

BODIN.

Hein ?... Allons donc, c’est impossible !... À son âge !...

PLUMASSE.

Il est encore très bel homme !...

BODIN, passant, à part.

Et ma fille qui a distingué un monsieur sans Nord ! Est-ce que ce serait... ? Ah ! je veux en avoir le cœur net ; je vais interroger Emma. 

On sonne.

PLUMASSE.

On sonne.

BODIN.

C’est lui !

PLUMASSE.

Faut-il le faire entrer ?

BODIN.

Oui. Le voici ; prie-le d’attendre.

À part en entrant chez sa fille.

Non, c’est impossible !...

 

 

Scène V

PLUMASSE, JULES

 

PLUMASSE, remontant à la cantonade, et très grossièrement.

Allons, entrez, vous !

JULES, entrant du fond.

Trop aimable !... Il est impossible d’introduire un visiteur avec plus de politesse...

PLUMASSE, à part.

Il me câline ! il me câline !

JULES.

Ce cher Plumasse ! on voit tout de suite que c’est un domestique de bonne maison.

PLUMASSE, sèchement.

Monsieur, je dois vous prévenir que je n’aime pas les courtisans !...

JULES.

Ah !

À part.

Voilà un drôle que je calotterais avec plaisir, si je n’avais pas mes gants !... 

Haut.

Ton maître y est-il ? 

PLUMASSE, brutalement.

Oui. On vous prie d’attendre ; asseyez-vous !

JULES, à part.

Si ça continue, je vais être obligé de les ôter ! 

Haut.

Comment se porte Emma ?...

Se reprenant.

mademoiselle Emma ?

PLUMASSE, tout en lui tournant le dos et rangeant.

Je ne suis pas son médecin.

JULES.

Elle n’est pas sortie ? Je pense que nous aurons le plaisir de la voir au salon ?

PLUMASSE.

Est-ce que je sais ? Allez lui demander !... 

Il passe.

JULES, à part, ôtant tranquillement ses gants.

Allons ! il le faut !... 

Haut.

Attends ! ne t’en va pas !... j’ai un cadeau à te faire... Je ne t’ai jamais rien donné... 

PLUMASSE, s’approchant.

Un cadeau !

JULES.

Approche, mon ami, approche ! 

Il lui prend l’oreille.

PLUMASSE.

Aïe ! Qu’est-ce que vous faites donc ?

JULES.

Monsieur Plumasse, je n’aime pas les domestiques insolents... 

Il lui donne un coup de gant sur le nez.

PLUMASSE.

Aïe !

JULES.

Quand j’en rencontre, je les corrige !

Second coup de gant.

PLUMASSE.

Dans l’œil !

JULES.

C’est pour vous dire que le sieur Jules apportera demain sa petite canne !... 

Il lui donne plusieurs coups de gant.

PLUMASSE, criant.

Aïe !... Au secours !... au secours !...

 

 

Scène VI

 

JULES, PLUMASSE, BODIN

 

BODIN, entrant.

Ce bruit ? Qu’y a-t-il ?

JULES.

Rien. 

Remettant ses gants.

Nous causions avec ce bon Plumasse... qui voulait bien me prêter ses oreilles...

PLUMASSE.

Oui !...

BODIN.

Un domestique !... Ah ! vous le gâtez ! vous le gâtez !...

PLUMASSE, à part.

Il me le paiera.

Bas à Bodin.

Eh bien ? avez-vous questionné mademoiselle ?

BODIN.

Oui... tu n’es qu’une brute... celui qu’elle aime est architecte ! va-t’en ! 

Plumasse disparaît par le fond.

JULES, tirant sa montre.

Mon cher Bodin... il est midi... vous voyez que je suis exact...

BODIN.

Ah ! oui ! votre revanche !

À part.

Il a la bosse du domino cet homme-là !... moi, ça commence à m’ennuyer !... 

JULES, passant.

Où est la boîte ?

BODIN.

Par là, dans mon cabinet... 

Reprenant son oiseau, passant à la table.

C’est que mon oiseau n’est pas terminé... Je ne suis pas content de l’aile gauche.

JULES, regardant l’oiseau et feignant la plus vive admiration.

Ah ! le superbe animal !

BODIN.

C’est assez nature, n’est-ce pas ?

JULES, le prenant.

Comment donc ! on dirait qu’il est en cire !...

BODIN.

Ah ! vous me comblez !

JULES.

Et vous appelez ça ?

BODIN.

Un coucou ! en latin cuculus.

JULES.

Cuculus !... je vous remercie.

BODIN.

Comme je le disais ce matin à mon ami Saint-Azor... cet animal est le plus grand scélérat de l’ornithologie !

JULES.

Il est volage !... il a des intrigues ?

BODIN.

Si ce n’était que cela ! mais le petit gueux s’introduit dans les ménages, c’est-à-dire dans les nids des autres oiseaux... chez les rouge-gorges par exemple !

JULES.

Eh bien !

BODIN.

Il y dépose tranquillement ses œufs au milieu des autres, et il ne s’en occupe plus, il va se promener... faire des farces, prendre les bains de mer !...

JULES.

Tiens ! c’est particulier !

BODIN.

Et voyez comme le père rouge-gorge est bête : quand il revient, il ne s’aperçoit de rien ! il se met à couver tout ça ! en bloc ! et un beau jour il se trouve à la tête de petits coucous qui l’appellent papa, gros comme le bras, et il les aime.

JULES.

Ça se voit dans le monde ces choses là.

Prenant l’oiseau et devenant rêveur.

Pauvre coucou !

BODIN.

À quoi pensez-vous donc ?

JULES.

À cet oiseau :

Air : T’en souviens-tu ?

Pauvre coucou ! victime de l’orage
Que le printemps soulève dans son cœur,
Il a semé l’amour sur son passage,
Mais il n’a pas récolté le bonheur ;
Puis, quand le soir succédant à l’aurore,
Il se vit seul, le chagrin le frappa,
Car des petits que l’amour fait éclore }
Pas un, hélas ! ne le nomme papa...  } (Bis.)

Dans son attendrissement il s’essuie les yeux avec l’oiseau.

BODIN.

Prenez donc garde ! 

Il pose l’oiseau sur la table.

JULES.

Ah ! pardon... un souvenir... mais je ne vois pas mademoiselle Emma, serait-elle indisposée ?

BODIN.

Non, mais elle boude, comme aux dominos.

JULES.

Comment ! quelqu’un se serait-il permis de la contrarier...

BODIN.

Oui... et ce quelqu’un là...

JULES.

Qui ? parlez !

BODIN.

C’est moi, son père ! Je crois en avoir le droit !

JULES.

Oui... c’est juste ! son père !

BODIN.

Entre nous, je suis en train de la marier.

JULES.

Ah j’y pensais !

BODIN, étonné.

Vous ?

JULES.

Par amitié, par attachement pour vous.

BODIN, lui prenant la main avec effusion.

Merci, Jules, merci...

À part.

Est-ce drôle... un homme que je ne connaissais pas du tout.

JULES, passant de l’autre côté de la table.

Le prétendu est jeune, sans doute, riche, beau ?

BODIN.

Ah ! c’est-à-dire... Je vais chercher les dominos.

JULES.

Plus tard, nous avons le temps.

BODIN.

Non, préparez la table... 

À part.

Je vais profiter de ça pour retoucher mon oiseau, il lui a dérangé l’aile gauche.

JULES.

Un mot.

BODIN.

Préparez la table. 

Il passe dans la chambre de gauche.

 

 

Scène VII

 

JULES, seul, puis EMMA

 

JULES, avec humeur.

Préparer la table !... Ah ça ! est-ce qu’il se figure m’amuser avec ses vieux dominos ?... un jeu que je déteste et qui me poursuit partout... Cette nuit, j’ai rêvé que j’avalais le double-six... ça n’a pas mauvais goût, mais c’est un rêve bête... Après ça, j’ai tort de me plaindre... sans ce jeu ennuyeux, comment aurais-je pu m’introduire chez cet horloger retiré ?... Je n’avais que ce moyen de me rapprocher d’Emma... Pauvre enfant ! si douce, si bonne, si gaie... Par exemple, elle a la rage de se coiffer avec des anglaises... les bandeaux lui iraient si bien !... Sa mère en portait... Ah ! j’étais jeune alors... j’avais un commerce de parfumerie, un état qui attire les femmes... je me faisais coiffer tous les jours ; j’étais capitaine dans la garde nationale, et, dans tout le quartier Saint-Martin, on ne m’appelait que le beau Jules... Aujourd’hui, ce n’est plus cela, le beau Jules perd ses cheveux, tousse beaucoup le matin et porte de la flanelle... Au milieu de mes triomphes, j’ai oublié de me marier... Je me disais : C’est très joli quand on est jeune... mais, plus tard, quand on se retourne pour regarder un peu la route qu’on a suivie... on la trouve pavée de remords... C’est effrayant ce que j’ai laissé de remords derrière moi !... J’en ai un qui est pharmacien à Nancy... il se marie mercredi, il faut que j’y sois... J’en ai un autre, qui titre à la conscription samedi, à Chalon-sur-Saône, il faut que j’y sois... Je voudrais me reposer, mais une voix me crie : Marche ! marche !... Quelle leçon !

EMMA, sortant de chez elle.

Ah ! c’est vous, mon ami ?

JULES.

Ah ! c’est elle !...

À part.

Son ami !

EMMA.

Je suis bien contente de vous voir.

JULES.

Bien vrai ?...

Lui prenant les deux mains et la regardant.

Ah ! que vous êtes bonne !... 

À part.

Voilà le plus doux de mes remords.

EMMA.

J’ai une grande nouvelle à vous apprendre... On veut me marier.

JULES.

Et cela vous fait plaisir ?

EMMA.

Mais, du tout.

JULES.

Comment ?

EMMA.

D’abord, le prétendu de papa s’appelle Saint-Azor.

JULES.

Saint-Azor !... Il doit payer l’impôt.

EMMA.

Et puis, il est laid, sans esprit, et vieux !... Vieux ! dix ans de moins que vous ! Jugez !

JULES, riant.

C’est horrible !

À part.

Comme on traite le beau Jules !

Haut.

Mais il n’y a rien de plus simple... il faut le refuser ce prétendu.

EMMA.

Ah ! bien oui !... il a 357 Nords... et papa ne veut rien entendre !

JULES.

Je comprends !

EMMA.

Ah ! je suis bien malheureuse, allez !

JULES, à part.

Pauvre petite !... j’ai bien envie de l’embrasser ! 

Haut.

Voyons, calmez-vous, tout n’est pas désespéré...

EMMA, pleurant.

Oh ! si... vous ne connaissez pas papa !...

JULES.

Un peu de courage... je suis là... moi... votre ami ! 

Il l’embrasse sur le front.

Votre ami.

EMMA.

Je savais bien que vous me défendriez.

JULES.

Toujours ! ne suis-je pas votre meilleur ami ?

EMMA.

Oui... après mon père !...

JULES.

C’est-à-dire naturellement...

EMMA.

M. de Saint-Azor va venir, vous seriez bien aimable de lui dire que je ne l’aime pas... mais pas du tout, du tout !...

JULES.

Diable ! voilà une commission !

EMMA.

Oh ! vous seriez si gentil !

JULES.

Allons !... je m’en charge... Mais j’ai aussi quelque chose à vous demander.

EMMA.

Quoi donc ?

JULES.

Ces anglaises... est-ce que vous y tenez beaucoup ? les bandeaux vous iraient si bien ?

EMMA.

Oh ! c’est impossible ! papa adore les anglaises.

JULES, à part.

Papa ! papa ! de quoi se mêle-t-il ?

EMMA.

Cependant, pour vous faire plaisir... je me ferai gronder.

SAINT-AZOR, dans la coulisse.

Ne m’annoncez pas ! je suis de la maison.

EMMA.

C’est lui !

JULES.

Laissez-nous ! je vais le mettre au courant de la situation. 

EMMA, entrant chez elle, à droite.

Adieu !

 

 

Scène VIII

JULES, SAINT-AZOR

 

SAINT-AZOR, entrant, à la cantonade.

Merci !... je connais ! 

Il porte un bouquet ridiculement gros.

JULES, à part.

Ma foi ! je vais lui dire ça tout bonnement.

SAINT-AZOR, à part.

Quelqu’un !... un parent sans doute !... 

JULES, saluant.

Monsieur !

SAINT-AZOR, de même.

Monsieur...

À part.

Sapristi ! une de mes anciennes pratiques !

JULES.

C’est à M. de Saint-Azor que j’ai l’honneur de parler ?

SAINT-AZOR.

Lui-même.

À part, joyeux.

Il ne me reconnaît pas !... il y a si longtemps !

JULES.

Votre intention, je crois, est d’épouser mademoiselle Emma ?

SAINT-AZOR.

Oui, vous voyez... j’apporte le bouquet. 

Le montrant.

Je crois que voilà un bouquet.

JULES.

On voit bien que c’est aujourd’hui la Saint-Fiacre...

SAINT-AZOR.

Pourquoi ?

JULES.

Déposez donc votre colis. Que disions-nous ?... ah ! nous disions que mademoiselle Emma ne pouvait pas vous souffrir... et que...

SAINT-AZOR.

Comment ! mais vous ne m’avez pas dit ça !

JULES.

Alors c’est un oubli... facile à réparer... mademoiselle Emma ne peut pas vous souffrir !

SAINT-AZOR.

Allons donc ! je l’ai quittée il y a une heure... c’est impossible !

JULES.

Pourquoi est-ce impossible ?

SAINT-AZOR.

Elle me l’aurait fait comprendre.

JULES.

Précisément, je suis chargé de vous le faire comprendre, moi !

SAINT-AZOR, s’oubliant.

Vous, capitaine !

JULES.

Hein ? Comment savez-vous que j’ai été capitaine ?

SAINT-AZOR, à part.

Saprelotte ! 

Haut.

Moi !... je le suppose... à votre tournure... martiale.

JULES.

C’est drôle, j’ai entendu ce vilain organe-là quelque part. Ah ça, maintenant vous voilà au courant de la situation... je vous crois galant homme... et si j’ai un conseil à vous donner, c’est de remporter votre bouquet.

SAINT-AZOR.

Ah ! non ! par exemple !

JULES.

Il est trop lourd !

SAINT-AZOR.

Ce n’est pas ça... mais ce mariage me convient... j’ai la parole du papa Bodin... et n’en déplaise à certaines personnes... j’irai jusqu’au bout !

JULES.

Alors c’est la guerre ?...

SAINT-AZOR.

Je ne la crains pas... je ne me bats jamais !

JULES.

Silence ! on vient !

 

 

Scène IX

 

JULES, SAINT-AZOR, BODIN, puis PLUMASSE

 

BODIN, entrant avec une boite de dominos.

Voilà les dominos !... avez-vous préparé la table ? 

Apercevant Saint-Azor.

Ah ! Saint-Azor !

À Jules.

Mon cher Jules, permettez-moi de vous présenter mon futur gendre...

JULES.

Charmant jeune homme !

BODIN, bas à Jules.

Trois cent cinquante-sept Nords !... à 962 80...

JULES.

Charmant jeune homme.

SAINT-AZOR, à Bodin.

Dites donc j’ai apporté le bouquet... 

Il le lui montre.

BODIN, stupéfait de sa grosseur.

Ah ! sapristi !... après ça, vous êtes venu en voiture !... je vais faire prévenir Emma.

Appelant.

Plumasse !... Plumasse ! 

On frappe à la porte. 

Entrez ! 

On frappe de nouveau.

Entrez !

Apercevant Plumasse.

Va dire à ma fille que je lui intime l’ordre de se rendre au salon !

PLUMASSE, entrant dans la chambre d’Emma.

On y va. 

Il sort.

JULES, à part.

Nous allons assister à un drame intime !

BODIN, bas à Jules.

Mon cher ami, j’ai compté sur vous pour m’aider à faire briller notre prétendu.

JULES.

Comment donc ! il me plaît beaucoup !

À part.

Je vais le frotter, ça le fera reluire !

 

 

Scène X

 

BODIN, JULES, SAINT-AZOR, EMMA

 

EMMA, entrant.

Vous m’avez fait appeler, mon père ?...

BODIN, d’un ton sévère.

Oui, mademoiselle.

À Saint-Azor, bas.

Votre bouquet ?

SAINT-AZOR.

Voilà.

BODIN, à sa fille.

Voici M. de Saint-Azor qui vous apporte un bouquet... et bien qu’il n’ait pas été cueilli par un architecte...

JULES, à part, étonné.

Un architecte !

BODIN.

J’ose espérer que vous le recevrez convenablement.

SAINT-AZOR, présentant son bouquet.

Mademoiselle... ces fleurs, moins fraîches que vous... 

EMMA, le prenant.

Ah ! mon Dieu !

JULES, le lui prenant des mains.

Permettez que je vienne à votre secours. 

Il le pose sur la table. À Saint-Azor.

Il est écrasant, votre bouquet.

BODIN.

Saint-Azor, vous avez fait des folies...

SAINT-AZOR.

Non. Figurez-vous qu’on me le faisait vingt francs... J’en ai offert huit.

JULES.

Il a marchandé.

EMMA.

Oh !

BODIN, passant, bas à Jules.

Taisez-vous donc !...

À part.

Si c’est comme ça qu’il le fait briller... Asseyez-vous donc. 

Après un temps.

Ça languit !... 

Haut.

Saint-Azor... asseyez-vous donc !... Êtes-vous musicien ?

SAINT-AZOR, assis sur le canapé.

Un peu... c’est-à-dire...

JULES, passant, à part.

Pas du tout... 

Haut.

Ah ! monsieur est musicien... 

Bas, à Bodin.

Je vais le faire mousser, vous allez voir...

À Saint-Azor.

Enchanté, monsieur, de me rencontrer avec un dilettante... je suis moi-même très amateur de musique.

SAINT-AZOR.

Monsieur...

BODIN, à part.

Ça va marcher !

JULES.

Moi, mon homme, c’est Beethoven.

SAINT-AZOR.

Moi aussi.

BODIN.

Moi aussi.

JULES.

Cependant, je lui préfère Mozart... il est plus...

SAINT-AZOR.

Ah ! beaucoup plus... il n’y a pas de comparaison...

À part.

Il m’ennuie.

JULES, à part.

Je parie qu’il n’en a jamais entendu parler... 

Haut, à Saint-Azor.

Vous connaissez Beethoven ?

SAINT-AZOR.

Ah ! je le connais...

BODIN.

Il connaît tout le monde.

SAINT-AZOR.

Sans le connaître... je l’ai entrevu...

JULES.

À la Bourse ?

SAINT-AZOR.

Précisément.

EMMA, riant.

Ha ! ha! Ha! Beethoven à la Bourse !

BODIN.

Oh ! mademoiselle, ces rires sont indécents.

SAINT-AZOR.

Quoi donc ?

EMMA, se levant.

Mais, papa, c’est si drôle !... Beethoven, à la Bourse ! 

Riant.

Air :

Ah ! pardonnez-moi, mon papa,
Mais c’est vraiment trop excentrique :
Mêler la Bourse et l’Opéra,
Le trois pour cent et la musique.

BODIN, contrarié.

Peut-être as-tu mal entendu ?

SAINT-AZOR, à part.

D’honneur, son aplomb me subjugue.  

JULES.

Monsieur sans doute a confondu
La symphonie avec la fugue.

BODIN.

Il paraît qu’il n’y va pas ?

SAINT-AZOR

Pourquoi n’y va-t-il pas ?... Tout le monde y va.

BODIN.

Oui, tout le monde y va... 

Regardant Emma.

Qu’est-ce que c’est que ça ?... des bandeaux !

JULES, à part.

Aïe !

BODIN.

Je vous avais priée de faire des anglaises !... je n’aime pas les bandeaux... pas plus que les architectes, entendez-vous ? 

JULES, à part.

Qu’est-ce qu’il a donc après les architectes ?

SAINT-AZOR.

Cependant, si j’osais me permettre de donner mon avis... je trouve que les bandeaux...

BODIN.

Sont horribles !... Allez changer de coiffure, mademoiselle.

EMMA remonte, et rentre plus tard chez elle.

Oh ! je me retire... bien volontiers... 

À Saint-Azor, le saluant.

Monsieur...

SAINT-AZOR, saluant avec empressement.

Mademoiselle...

EMMA, elle rentre chez elle.

Mes compliments à M. Beethoven... quand vous le rencontrerez à la Bourse...

Elle sort en riant.

SAINT-AZOR, à part.

Elle est très gaie.

JULES, bas, à Bodin.

Dites donc, elle m’a tout l’air de se moquer de son prétendu.

BODIN, bas.

Je sais pourquoi... elle aime un architecte.

JULES.

Ah ! bah !

À part.

Un rival ! voilà juste mon affaire !

Bas.

Comment s’appelle-t-il ?

BODIN.

Dardel... Ernest Dardel...

JULES.

Il demeure ?

BODIN.

Ici, en face... au n° 12.

JULES, à part, prenant son chapeau.

Très bien ! je vais le chercher ! 

Il sort, et Bodin le suit.

BODIN.

Où allez-vous donc ?

JULES.

Je reviens... préparer la table !... 

Il sort vivement par le fond.

 

 

Scène XI

BODIN, SAINT-AZOR

 

BODIN.

Qu’est-ce qu’il y a ?

SAINT-AZOR.

Beau père... connaissez-vous beaucoup, beaucoup ce monsieur Jules ?

BODIN.

Dame ! c’est un ami de la maison... mais je ne le connais pas du tout.

SAINT-AZOR.

Et vous le recevez ?

BODIN.

Pour lui donner sa revanche qu’il ne prend jamais.

SAINT-AZOR, confidentiellement.

Eh bien ! entre nous... si j’ai un conseil à vous donner... méfiez-vous !

BODIN.

Comment ? lui aussi ! comme Plumasse !

SAINT-AZOR.

Oui, vous me comprenez !

BODIN.

Parfaitement !

SAINT-AZOR, à part.

Ah ! tu me déclares la guerre !

BODIN.

Mais enfin, que voulez-vous dire ?

SAINT-AZOR.

Rien ! à quelle heure dînez-vous ?

BODIN.

À six heures ! 

Fouillant à son gousset pour chercher sa montre.

Il en est... Eh bien ?... ma montre ? Ah ! – sur la cheminée. 

Cherchant partout sur la cheminée.

Ah ! mon Dieu ! disparue !

SAINT-AZOR.

Quoi donc ?

BODIN.

Elle y était !... là !... ce que vous venez de me dire... Ah ! le gueux ! le brigand ! 

Il passe.

SAINT-AZOR.

Qui ça ?

BODIN.

Jules ! c’est lui !... et cette fuite précipitée... c’est un Grec !...

SAINT-AZOR.

Quand je vous le disais... Et s’il vient vous redemander sa revanche ?

BODIN.

Lui ! par exemple ! je le fais incarcérer !

SAINT-AZOR, à part.

Je suis maître de la place. 

Haut.

Au revoir, beau-père.

BODIN.

Revenez vite...

SAINT-AZOR.

Le temps de passer mon habit.

BODIN.

Eh bien, pendant que vous y serez...

À part.

Une montre superbe ! 

Haut.

Vous devriez bien couper vos moustaches.

SAINT-AZOR.

Tiens ! pourquoi ?

BODIN.

Parce que ma fille... Et à répétition... Vous comprenez...

SAINT-AZOR.

Elle n’aime pas le blond ?

BODIN.

C’est-à-dire... oui... voilà ! elle n’aime pas le blond !

SAINT-AZOR.

Que ne le disiez-vous ? un coup de rasoir... et je reviens.

CHŒUR.

Allez faire un peu da toilette
Je vais faire un peu da toilette
Et bientôt revenez ici,
Et bientôt je reviens ici,
Afin d’achever la conquête
Si bien commencée aujourd’hui.
Que j’ai commencée aujourd’hui.

SAINT-AZOR.

Vous verrez que mes actions
Ne seront pas placées à perte,
Et que pour votre fille offerte
J’aurai des obligations.

Reprise.

Saint-Azor sort par le fond.

 

 

Scène XII

 

BODIN, puis JULES, puis PLUMASSE

 

BODIN, seul.

Une montre montée sur rubis !... Ça y est ! je suis raflé ! Je ne m’étonne plus s’il me laissait toujours gagner aux dominos !... C’est le vol au double six !

JULES paraissant au fond, à la cantonade.

Attendez-moi.

BODIN.

Il ose revenir !

JULES.

Je vais vous annoncer...

BODIN, apercevant Dardel qui entre.

Il amène sa bande !

JULES, présentant Dardel.

Mon cher Bodin... un de mes amis...

BODIN.

Monsieur, je ne m’attendais pas à vous revoir... après ce qui s’est passé.

JULES.

Quoi ?

BODIN, avec intention.

Quelle heure est-il... à votre montre ?

JULES, tirant sa montre.

Quatre heures et demie.

BODIN, la saisissant.

Hein !

JULES.

Eh bien !

BODIN.

Non ! ce n’est pas celle-là !

JULES, à part.

Qu’est-ce qu’il a ? 

Haut.

Mon cher Bodin, il y a là un de mes amis...

BODIN.

Ah ! monsieur ! quel métier ! à votre âge !

JULES.

Vous dites ?

PLUMASSE, entrant, la montre de Bodin à la main.

Monsieur, v’là votre montre !

BODIN, stupéfait.

Hein ? Comment se trouve-t-elle entre tes mains ?

PLUMASSE.

Je l’ai prise ce matin pour faire cuire des œufs à la coque.

Il sort.

 

 

Scène XIII

 

BODIN, JULES, DARDEL

 

BODIN, à Jules.

Ah ! monsieur !... que d’excuses !... mais je l’ai cru !... vrai, je l’ai cru !

JULES.

Quoi ?

BODIN.

N’en parlons plus !

JULES.

Comme vous voudrez... Entrez donc, mon cher Dardel.

BODIN, à Dardel.

Vous, monsieur !... chez moi !...

DARDEL.

Monsieur m’a dit qu’il s’agissait d’une construction... 

JULES, à Dardel.

Taisez-vous ! 

À Bodin.

Monsieur est architecte, architecte distingué... c’est une position... et il se présente avec l’intention formelle de vous demander la main de votre fille. 

Il fait passer Dardel.

BODIN.

Comment !

DARDEL, étonné.

Moi ? mais, monsieur !

JULES.

Dépêchons-nous, il faut que je sois mercredi à Nancy, et samedi à Chalon-sur-Saône.

BODIN.

Certainement, messieurs, vous me voyez très flatté d’une demande... qui me casse bras et jambes... mais je n’ai pas l’honneur de connaître monsieur.

JULES.

Je le patronne !

BODIN, passant.

C’est que... je ne vous connais pas beaucoup, non plus.

JULES, avec reproche.

Ah ! Bodin !... nous qui avons si longtemps joué aux dominos...  au café Vauvenargues !... Je ne me serais pas attendu...

BODIN.

Mon ami, ne vous fâchez pas !... Je n’ai pas voulu !...

JULES.

Monsieur est mon ami...

DARDEL, à part.

Je ne le connais pas.

JULES.

Intime !... Je réponds de lui... Il aime, il adore ! 

Bas à Dardel.

Parlez donc ! 

Il fait passer Dardel.

DARDEL, passant, à Bodin.

Oui, monsieur, certainement... j’aime !... j’adore !...

À part.

Vous disiez, il disait m’amener pour une construction.

JULES.

Quant à sa fortune... elle est honorable... cent mille francs !...

DARDEL.

Mais non, monsieur !... je n’ai pas...

JULES, de même, passant.

Taisez-vous ! C’est moi qui les donne. 

Très haut. 

Il a cent mille francs !... Je ne vous parlerai pas de sa famille...

À part.

je ne la connais pas... 

Haut.

mais les Dardel sont connus...

BODIN, avec bonhomie.

Oui... on connaît les Dardel...

JULES.

Mais ce qui vous touchera, c’est l’amour le plus vif, le plus sincère... le plus... 

Bas à Dardel.

Parlez donc ! 

Il passe.

DARDEL, à Bodin.

Oh ! oui, monsieur... le jour, où je vis mademoiselle votre fille...

BODIN.

Désolé ! désolé !... mais ma fille est promise à monsieur de Saint-Azor.

JULES.

Qu’est-ce que ça fait ?

BODIN.

Il a ma parole, et je dois le présenter ce soir officiellement dans un dîner de famille...

JULES.

Un dîner ! une présentation ! 

Vivement. À Dardel.

Allez mettre un habit noir. 

Il fait sortir Dardel par le fond.

DARDEL.

Mais, monsieur.

BODIN.

Comment !

JULES.

Dépêchez-vous donc ! il faut que je sois mercredi à Nancy, et samedi... 

Il le pousse vers la porte.

DARDEL, à part.

Il disait que c’était pour une construction !

JULES.

Revenez dans une heure.

 

 

Scène XIV

 

BODIN, JULES, puis PLUMASSE, puis SAINT-AZOR

 

JULES, à lui-même.

Ça marche ! ça marche très bien !

Il s’assied sur le canapé.

BODIN, à part.

Eh bien ! il ne s’en va pas, lui ! pardon, cher ami...

JULES.

Il est très bien ce jeune homme, n’est-ce pas ?

BODIN.

Je ne dis pas le contraire, mais...

JULES, s’asseyant.

Je crois qu’il fera un excellent mari.

BODIN, s’asseyant.

C’est que... pardon... mais il faut que je m’habille !...

JULES.

Faites... faites alors. 

Il prend un journal.

Je vous attends. 

BODIN, assis.

Vous m’attendez...c’est qu’il nous sera bien difficile de faire aujourd’hui notre petite partie de dominos... un jour de soirée, quand on invite...

JULES.

Comment donc ! avec grand plaisir... j’accepte.

BODIN, se levant aussi, à part.

Il accep... quoi !... 

Haut.

Nous ne serons absolument, mais absolument qu’en famille, et...

JULES.

Qu’en famille, je le sais.

BODIN, à part.

Mais je ne l’ai pas invité !

JULES, se lève et passe.

Pas de cérémonies... Allez vous habiller. 

Il se rassied et reprend son journal.

BODIN, à part.

Mais, nom d’un petit bonhomme ! je ne peux pourtant pas garder ce monsieur... Il lit toujours son journal... 

Se reprenant.

C’est-à-dire mon journal !

SAINT-AZOR, entrant.

Me voilà !... 

Montrant la place de ses moustaches coupées.

Coupées, rasées !... 

Apercevant Jules.

Tiens, il est revenu ?

BODIN.

Ne m’en parlez pas... 

À part.

Quelle idée !... 

Haut.

Mon gendre, dès que je serai parti, vous lui ferez entendre poliment que je ne l’ai nullement invité à dîner... au contraire.

SAINT-AZOR.

Parbleu !

BODIN.

Vous lui direz que nous sommes déjà douze, et qu’un treizième... serait pénible.

SAINT-AZOR.

Et je le prierai de...

BODIN.

Poliment.

SAINT-AZOR.

Soyez tranquille.

BODIN, à Jules.

Cher ami, désolé de vous quitter ; mais voici mon gendre... qui a une petite communication à vous faire.

JULES, se levant.

Ah !

BODIN, sortant.

Causez, causez avec Saint-Azor.

Il sort.

 

 

Scène XV

JULES, SAINT-AZOR

 

SAINT-AZOR, à part.

À nous deux !... Il s’agit de manier le sarcasme et l’ironie.

JULES.

Je vous écoute, monsieur.

SAINT-AZOR.

Je ne serai pas long... Monsieur Bodin, mon beau-père... car j’épouse décidément sa fille...

JULES.

Tiens ! vous avez coupé vos moustaches ?... 

Le regardant, à part.

C’est singulier !

SAINT-AZOR.

Oui, pour plaire à mademoiselle Emma, 

Appuyant.

ma fiancée.

JULES, à part.

J’ai eu jadis un coiffeur qui ressemblait à cet animal-là.

SAINT-AZOR.

Comme je vous le disais, monsieur Bodin, mon beau-père...

JULES, passant, à part.

Il s’appelait Jouvence... un imbécile.

SAINT-AZOR, continuant.

M’a dit : De Saint-Azor...

JULES, tournant autour de lui.

De Saint-Azor ?... c’est votre nom ?

SAINT-AZOR.

Sans doute.

JULES.

Est-ce que vous descendriez, par hasard, de la grande famille des Saint-Azor... de Montargis ?

SAINT-AZOR.

Juste.

JULES, à part.

Un faux nom... 

Haut.

Mon compliment... On a fait un bien joli mélodrame sur monsieur votre aïeul.

SAINT-AZOR, à part.

Il paraît que j’ai un ancêtre qui s’est distingué.

JULES.

Pardon... Vous me disiez ?...

SAINT-AZOR.

Que monsieur Bodin, mon beau-père, mon excellent beau-père, ne comptait pas précisément avoir le plaisir de vous offrir à dîner.

JULES.

Ah !...

À part.

La même voix !

SAINT-AZOR.

Nous sommes déjà beaucoup... nous sommes douze... et un treizième...

JULES.

Oh ! je comprends, c’est très dangereux... 

Prenant son chapeau.

Je me retire... 

Saluant.

Monsieur... 

Il remonte. À part.

Tu vas me le payer !... Monsieur...

SAINT-AZOR, à part, sur le devant.

Voilà ! ce n’est pas plus difficile que ça.

JULES, qui est redescendu, et très naturellement.

Jouvence, une barbe !

SAINT-AZOR, s’oubliant.

Voilà !... Un peignoir à monsieur ?

JULES, vivement.

Ah ! c’est toi !

SAINT-AZOR.

Saprelotte !

JULES.

Un perruquier !

SAINT-AZOR.

Plus bas, monsieur !... si on savait !...

JULES.

On saura, sois tranquille... je vais le crier par-dessus les maisons.

SAINT-AZOR.

Je suis perdu !... Mes relations... Si vous saviez comme ils sont susceptibles à la Bourse !

JULES.

Eh bien ! je consens à me taire, mais à une condition.

SAINT-AZOR.

Laquelle ?

JULES.

Tu viendras me faire la barbe tous les matins pendant huit jours.

SAINT-AZOR.

C’est que je n’exerce plus... je vous couperais...

JULES.

Si tu me coupes, je le fais mettre dans les journaux.

SAINT-AZOR, effrayé.

Non, je ne vous couperai pas !

JULES.

Ce n’est pas tout... Tu vas écrire immédiatement au père Bodin que tu renonces à épouser sa fille.

SAINT-AZOR.

Jamais.

JULES.

Jamais ?... Très bien... 

Riant.

Il était une fois un perruquier... 

Il ouvre la porte, qui retombe.

SAINT-AZOR.

Chut !... j’accepte.

JULES.

Écris... 

Il le fait mettre à une table.

Vois comme je suis bon, je n’exige pas l’orthographe.

 

 

Scène XVI

 

JULES, SAINT-AZOR, EMMA, en toilette

 

JULES, passant, à Emma, qui entre, la fait passer.

Bonne nouvelle, mon enfant, bonne nouvelle !

EMMA.

Qu’y a-t-il donc ?

JULES.

Monsieur renonce à votre main.

EMMA, vivement, à Saint-Azor.

Ah ! monsieur, que vous êtes bon !

SAINT-AZOR.

Certainement, mademoiselle... je suis flatté...

JULES.

Vous voyez, on vous aime quand vous êtes gentil...

Lui prenant la lettre des mains et la remettant à Emma.

Portez vite ce billet à votre père. 

Saint-Azor, en prenant son chapeau sur le canapé, fait tomber le petit chevalet à terre.

EMMA.

Ah ! mon Dieu ! prenez donc garde !

JULES.

Maladroit !

SAINT-AZOR, ramassant la miniature.

Oh ! pardon... 

La regardant.

Hein !... ces traits... je ne me trompe pas !

EMMA.

C’est le portrait de ma mère, monsieur.

JULES.

De ta mère vivante image,
Pauvre enfant, je veille sur toi.
J’amènerai par mon passage
La félicité sous ton toit.

SAINT-AZOR.

Ces yeux, ce front, oui, ce visage
Me disent, je ne sais pourquoi,
Que celle dont ce fut l’image
N’est pas étrangère pour moi.

EMMA.

Les beaux traits de ce doux visage
Semblent dire : Rassure-toi.
Oui celle dont ce fut l’image
Du haut des cieux veille sur toi.

Elle entre chez Bodin, après avoir placé le portrait sur ta cheminée.

 

 

Scène XVII

 

JULES, SAINT-AZOR, puis BODIN

 

SAINT-AZOR.

Mais je la reconnais !

JULES.

Qu’avez-vous donc ?

SAINT-AZOR, prenant la miniature.

Je la reconnais parfaitement... et vous, farceur ?

JULES.

Je ne sais ce que vous voulez dire.

SAINT-AZOR.

Vous rappelez-vous une petite dame voilée, qui entrait discrètement par la porte du jardin, pendant que je coiffais le beau Jules ?

JULES, prenant le portrait.

Malheureux ! silence !

SAINT-AZOR.

Ah ! je vous tiens à mon tour ! Si vous dites au père Bodin que j’ai été votre coiffeur... je lui dirai que... vous avez été le sien.

JULES.

Vous oseriez ?

SAINT-AZOR.

Je comprends maintenant... l’intérêt qui vous amène dans cette maison.

JULES.

Monsieur Jouvence !

Bodin paraît au fond, la lettre de SaintAzor à la main, et s’arrête.

SAINT-AZOR.

Vous ne me ferez pas croire qu’on aime le domino à ce point-là !... Surtout avec une vieille cruche comme le père Bodin. 

BODIN, à part.

Hein ?

SAINT-AZOR.

Et ne viendriez-vous pas dans le nid du papa rouge-gorge ? Ne seriez-vous pas un peu parent de l’oiseau qu’il empaillait ce matin... le coucou ?

JULES, à part.

Décidément j’ôte mes gants. 

Il les ôte.

BODIN, éclatant.

Mais c’est affreux !... C’est épouvantable !

JULES.

Lui !

BODIN, à part.

Parlez, monsieur. Ce père... ce rouge-gorge.

JULES, à part.

Comment me tirer de là ?

BODIN, furieux.

Mais parlez donc, sacrebleu !

JULES.

Un instant, que diable !... 

À part.

Je ne peux pourtant pas lui dire que sa fille...

 

 

Scène XVIII

 

JULES, SAINT-AZOR, BODIN, PLUMASSE, entrant avec un plateau

 

BODIN.

Vous hésitez ?

JULES.

Non, mais...

PLUMASSE.

Monsieur, il manque trois verres.

BODIN.

Eh bien, parlerez-vous ?

JULES, apercevant Plumasse.

Oh ! quelle idée ! 

Bas aux autres.

Chut ! 

Leur montrant Plumasse, et d’une voix émue.

Le voilà !... ce cher enfant.

BODIN.

Ah ! bah !... ah ! bah !...

JULES.

Une erreur de mon passé. 

Il fait passer Plumasse.

Jamais le péché ne m’a paru si laid !

SAINT-AZOR, à part.

Décidément il est fort !

PLUMASSE, à Bodin.

Monsieur, il manque trois verres...

BODIN.

C’est bien, mon ami, c’est bien !

À part.

Il lui ressemble... 

Lui étant le plateau des mains.

Donnez-moi ce plateau... je ne souffrirai pas !...

PLUMASSE, étonné.

Quoi ?

BODIN.

Et le tablier aussi. 

Il le lui ôte.

Vous n’êtes plus à mon service...

PLUMASSE.

Comment ! monsieur me chasse ?

BODIN.

Non, mon ami, je vous remercie...

PLUMASSE.

Qu’est-ce que j’ai fait ?

BODIN.

D’autres destinées vous attendent...

JULES, à Plumasse.

Je te prends à mon service.

PLUMASSE, vivement.

Ah ! non !

BODIN.

Ne refuse pas, enfant, ne refuse pas !

PLUMASSE, bas à Bodin.

Il y aura de bons gages ?

BODIN.

Énormes.

PLUMASSE, à Jules.

Monsieur donne-t-il le café le matin ?

JULES.

Le café, les liqueurs... Enfin tu ne sais pas tout ce que je te donnerai.

PLUMASSE.

Alors, monsieur... puisque c’est comme ça... j’accepte.

JULES.

Merci... tu es bien bon...

À part.

Qu’est-ce que je vais faire de cet exemplaire-là ?

SAINT-AZOR.

Comme il est ému !... C’est l’émotion. 

Bas à Jules.

Pas d’imprudences !

JULES.

Soyez tranquille.

 

 

Scène XIX

 

JULES, SAINT-AZOR, BODIN, PLUMASSE, EMMA, puis ERNEST

 

EMMA, entrant vivement.

Papa ! voici nos invités qui arrivent !

BODIN.

Allons, bon !... et je n’ai plus de prétendu !

SAINT-AZOR.

Permettez... j’ai réfléchi... et si mademoiselle...

JULES, criant.

Il y avait une fois un perruquier...

SAINT-AZOR, vivement.

J’ai réfléchi de nouveau !...

À Bodin.

C’est impossible !... ma famille de Montargis s’y oppose !... 

Dardel paraît au fond, il est en habit noir.

BODIN.

Me voilà bien !... et mes invités qui sont prévenus ! j’ai annoncé un gendre !

JULES.

Attendez ! j’ai votre affaire. 

Il prend Dardel par la main, et le présente.

Monsieur Bodin, j’ai l’honneur de vous présenter monsieur Ernest Dardel... plus que jamais architecte !

BODIN.

Tiens ! au fait !

JULES.

Cent mille francs de dot !

BODIN.

Eh bien ! je ne dis pas non !... nous en causerons à table.

DARDEL, passant.

Ah ! monsieur !

EMMA, à Jules.

Ah ! mon ami, je vous remercie ; embrassez-moi. 

Elle lui présente son front.

JULES, hésitant, puis refusant.

Allez embrasser votre père... Ah ! décidément, la position de rouge-gorge est encore la meilleure.

CHŒUR.

Oui, grâce au ciel, un heureux mariage,
Avant peu tous deux va les unir,
Et pour le bonheur de leur ménage
Un père est là près d’eux pour les bénir.

JULES.

Je vais quitter cet enfant qui m’est chère,
Mais je voudrais lui laisser un appui.
Est-ce bien lui qu’elle nomme son père ?
Est-ce bien lui qui sera son mari ?
Ah ! je voudrais faire plus aujourd’hui.
Vers l’avenir quand mon passé me pousse.
La pauvre enfant parmi vous va rester.
L’absence alors me paraîtra plus douce
Si vous voulez, vous, messieurs, l’adopter. 

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